
Hégémonie, populisme, émancipation. Perspectives sur la philosophie d’Ernesto Laclau (1935-2014) sous la dir. de Rada Iveković, Diogo Sardinha et Patrice Vermeren
Avant-propos de Chantal Mouffe
En 2015, à Paris, un événement scientifique a réuni des figures éminentes de la pensée critique pour rendre hommage à Ernesto Laclau, disparu l’année précédente. La publication d’un ouvrage collectif, dont les dix-sept textes sont issus de ce colloque, fait le point sur les diverses approches de sa pensée.
Laclau était un « Argentin qui enseigne en Angleterre mais qui pense en Français », selon Chantal Mouffe, son épouse et collaboratrice. Le poststructuralisme (notamment Lacan et Derrida) y est en effet central. De même, l’histoire et la politique françaises figuraient souvent dans ses écrits, et il avait noué des échanges avec Jean-Luc Mélenchon. Néanmoins, il a suscité une relative indifférence chez les intellectuels de l’Hexagone. Éric Maigret explique la réticence française à l’égard de la pensée de la différence et le constructivisme de Laclau par l’universalisme républicain et le jacobinisme. Ce recueil la compense un peu, en examinant la fécondité des thèses de Laclau pour une refondation de la pensée et de la pratique politiques de la gauche au xxie siècle.
Laclau a forgé une philosophie du politique, consciente de ses conditions et de ses limites, dans laquelle pensée et pratique se conditionnent mutuellement. Il évite ainsi l’illusion de la clôture, ce qui explique l’importance de la catégorie d’antagonisme, de la réflexion sur le langage et le signifiant vide, ainsi que de l’approche rhétorique. S