
Ils vont tuer vos fils de Guillaume Perilhou
Par son personnage touchant et résolu, dynamique et fougueux, Guillaume Perilhou propose un premier roman où éclate une parole audacieuse et intempérante, qui laisse la trace d’une course essoufflée.
Le héros de ce roman, tour à tour personnage de lui-même, narrateur, enfant énervé ou épuisé, s’éveille avec rage et voracité au monde, prêt à dézinguer tout ce qui contraint, aliène et étouffe la soif de vivre, qu’il a chevillée au corps. Récit initiatique et monologue vomi à la face de ceux qui portent les interdits, il s’agit d’un texte de l’écœurement. Avec une phrase hâtive et haletante, Guillaume Perilhou brasse les sujets de son époque et de sa génération (le père défaillant, la possibilité du viol, le coming out, l’hypothèse du genre), mais les passe assez vite au second plan pour laisser place à l’itinéraire de Guillaume, ses rencontres avec les autres comme avec lui-même. Récit de l’abject, au sens que lui donne Julia Kristeva, Ils vont tuer vos fils manifeste l’outrance du sujet empêché, non comme une jouissance tapageuse et puérile, mais bien comme un retour à soi. À la suite d’un conflit parental, voilà Guillaume placé : « Au foyer, ma chambre sentait le plastique, une odeur de tapis de gym, la même qu’il y avait dans la salle de sport de l’école primaire. Pas une mauvaise odeur, un début de transpiration peut-être, une exhalaison qu’on garde à vie dans le nez comme le parfum de la colle Cléopâtre distribuée à la rentrée. » Le récit puise dans les souvenirs du personnage pour mettre en évidence les normes qui l’assaillent. Par son désir de vivre à sa guise, le jeune Guillaume porte une aspiration transgressive, qui le conduit à l’exclusion dans les lieux dévolus aux traitements de la folie. L’amour, enfin, nourrit l’élan de présence au monde, comme un besoin compulsif d’échappée : « Quand il arrive à la fin de son assiette j’avais à peine commencé la mienne, il lâcha T’es là pourquoi ? Je lui dis Angoisses je crois, il me fit Bienvenue. Putain trop tard qu’est-ce que je suis naze il avait tiré le premier, j’avais encore manqué une occasion de l’ouvrir. Il chiffonna sa serviette qu’il jeta dans son assiette, en se levant balança Je m’appelle Clément. Il rapporta son plateau d’un pas nonchalant, je suis tombé amoureux de sa nuque. » Par son personnage touchant et résolu, dynamique et fougueux, Guillaume Perilhou propose un premier roman où éclate une parole audacieuse et intempérante, qui laisse la trace d’une course essoufflée.