
Ivan Illich et la société conviviale de Thierry Paquot
La présentation de la vie et de l’œuvre d’Illich et les textes (inédits) choisis par Thierry Paquot constituent une excellente introduction critique à ce précurseur de la décroissance.
Né à Vienne en 1926, Ivan Illich a une enfance « choyée et chaotique », apprend de nombreuses langues, lit avec avidité en dehors de l’école, selon la présentation biographique érudite et généreuse de Thierry Paquot. Sa famille ayant déménagé en Italie en 1942, il étudie la chimie, l’histoire, la philosophie et la théologie. Ordonné prêtre en 1951, il s’installe à New York pour s’occuper d’une paroisse de pauvres et enseigne à l’université jésuite Fordham, puis à Porto Rico, où sa défense de la contraception et la dénonciation de l’arme nucléaire conduisent ses détracteurs à le pousser dehors. Établi à Cuernavaca au Mexique, il fonde le Centre interculturel de documentation, université sauvage qui lui vaut les foudres du Vatican. Son œuvre écrite explore la loi selon laquelle « lorsqu’une activité outillée dépasse un seuil défini par l’échelle ad hoc, elle se retourne d’abord contre sa fin, puis menace de destruction le corps social tout entier » (La Convivialité, 1973). À l’inverse, « conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil ». La catégorie d’outil mobilisée par Illich est très large puisqu’elle englobe tous « les instruments raisonnés de l’action humaine », institutions sociales comprises. Mais elle permet à Illich de distinguer les outils qui satisfont des besoins et ceux qui en créent. Il reste difficile de savoir si la société conviviale peut s’établir « par des moyens politiques » ou bien par une « ascèse » inspirée par la foi chrétienne. On se demande également si cette société est même possible, dès lors que l’outil est remplacé, dans la théorisation d’Illich, par le « système », qui échappe à toute tentative de le réformer. Il reste que la présentation de la vie et de l’œuvre d’Illich et les textes (inédits) choisis par Thierry Paquot constituent une excellente introduction critique à ce précurseur de la décroissance.