
L’altération des mondes de David Lapoujade
Versions de Philip K. Dick
Si le délire est tout à fait essentiel dans l’œuvre de Dick, c’est parce qu’il constitue la véritable force motrice de sa narration. Tout y est pris dans un délire général.
Le dernier livre de David Lapoujade présente une lecture philosophique de l’œuvre narrative de l’écrivain américain Philip K. Dick, centrée sur la notion de monde. La création de mondes est le thème central de la littérature de science-fiction, qui « pense par mondes ». En ce sens, elle peut être reliée à une tradition philosophique qui remonte au moins à Leibniz et à Fontenelle et arrive jusqu’aux réflexions contemporaines de Saul Kripke et de David Lewis. L’Altération des mondes s’insère dans le prolongement des dernières monographies de David Lapoujade, Deleuze, les mouvements aberrants (Éditions de Minuit, 2014) et Les Existences moindres (Éditions de Minuit, 2017). Dans la première, où il dresse une analyse ponctuelle des notions deleuziennes de Terre et d’incompossibilité, et dans la seconde, avec sa rigoureuse enquête sur les différents plans d’existence chez le philosophe « mineur » Étienne Souriau, la question du monde est en effet centrale.
En matière de création de mondes, Dick a été un écrivain extraordinaire : ses romans et ses récits représentent des chefs-d’œuvre inégalés. Il a été capable d’inventer des univers bouleversant les « catégories classiques qui organisent la réalité ». La narration se situe au-delà de la causalité, du principe d’identité, de la séparation rigide entre la veille et le sommeil, le normal et le pathologique, la vie et la mort. Souvent, la science-fiction se contente d’inst