
L’ère de la revendication. Manifester et débattre en démocratie de Benjamin Lévy
Nul ne pourra contester le titre du premier essai du philosophe et psychologue Benjamin Lévy, publié dans la nouvelle collection « Delta » des éditions Flammarion. Cette dernière a pour ambition, grâce à une approche pluridisciplinaire, de « décrypter les transformations sociales et les savoirs critiques qui les accompagnent ». Rien qu’en France, ces dernières années ont été marquées de façon quasi ininterrompue – et cela malgré ou à cause de la pandémie – par une série de manifestations et de revendications (liste non exhaustive) : Gilets jaunes, marches pour le climat, contre les féminicides, le racisme ou les violences policières, sans compter les récentes protestations contre la vaccination.
D’emblée, B. Lévy prend acte de ce que Claude Lefort appelait la « division originaire » du social, autrement dit l’hétérogénéité et la discordance des voix en régime démocratique, notamment à travers l’expression de revendications plurielles et parfois antagonistes. B. Lévy entend interroger l’ambivalence de la revendication, tantôt « porteuse d’avenir », tantôt « du côté de la haine, de la destructivité ou même du meurtre ». Ainsi, à partir d’un même point de départ – la frustration et plus largement les affects, tels que l’humiliation ou la défense de l’honneur –, la revendication peut se mettre au service d’un approfondissement ou d’une régression démocratique. Pour rendre compte de ce paradoxe, B. Lévy convoque un large panel