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Notes de lecture

Dans le même numéro

Le rendez-vous manqué des peuples. De l’échec des révolutions populaires aux dérives populistes de Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud

janv./févr. 2023

Pour les deux auteurs, le rendez-vous est principalement manqué à cause d’un « moment identitaire », « entre des nations portées à incandescence et des situations révolutionnaires qui, du fait des identités infranationales, sont entravées dans leur réussite ».

Deux spécialistes de la géopolitique du Moyen-Orient élargissent leur regard pour offrir un panorama mondial des mobilisations populaires au xxie siècle. Ils font état d’un « horizon politique assez sombre marqué par la montée en puissance des autoritarismes, l’échec des révolutions citoyennes, la crise profonde des démocraties et les réaffirmations récurrentes des nationalismes fermés comme des replis identitaires ». L’ensemble de ces tendances, si elles venaient à se confirmer, verrait alors le monde s’enfoncer dans une phase de « régression démocratique ». Attentifs aux équivoques du « peuple », les auteurs associent références savantes et observations politiques pour débrouiller l’écheveau des mobilisations populaires, dont la plupart partent d’une demande de dignité. Ils distinguent toutefois les mouvements qui naissent, dans les démocraties occidentales, pour s’insurger contre des conditions socio-économiques dégradées depuis le tournant néolibéral, et ceux qui visent d’abord à faire sauter les verrous autoritaires en Amérique latine, en Asie ou au Moyen-Orient. Ces derniers portent aussi des revendications socio-économiques, dans la mesure où « à l’abri des appareils sécuritaires, les pouvoirs [autoritaires] s’adonnent à la prédation ». Dans les deux cas, pourtant, le rendez-vous est manqué : dans les démocraties, les mouvements de contestation sont souvent récupérés par des populistes peu soucieux des libertés publiques ; dans les régimes autoritaires, ils dégénèrent en guerres civiles ou sont brutalement réprimés – à l’exception de la Tunisie, dont le destin révolutionnaire est tout de même menacé par le récent raidissement de l’exécutif. Pour les deux auteurs, le rendez-vous est principalement manqué à cause d’un « moment identitaire », « entre des nations portées à incandescence et des situations révolutionnaires qui, du fait des identités infranationales, sont entravées dans leur réussite ». En conclusion, l’ouvrage rappelle utilement cet avertissement de Martin Luther King : « Si nous n’apprenons pas à vivre en frères, nous mourrons comme des idiots. »

Autrement, 2022
280 p. 19,90 €

Jonathan Chalier

Rédacteur en chef adjoint de la revue Esprit, chargé de cours de philosophie à l'École polytechnique.

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Tous antimodernes ?

« Être moderne » a longtemps désigné une promesse de progrès, de liberté et de justice. Aujourd’hui le réchauffement climatique, une crise économique sans fin, la défiance à l’égard de la technique ou les excès de l’individualisme manifestent au contraire un doute sur la supériorité de notre présent sur le passé. Sommes-nous donc condamnés à être antimodernes ? Ce dossier, coordonné par Michaël Fœssel et Jonathan Chalier, se penche sur l’héritage de la modernité, dont le testament reste ouvert et à écrire. À lire aussi dans ce numéro : La démocratie dans le miroir russe, le métier diplomatique en danger, la solidarité énergétique à l’épreuve de l’hiver et la littérature par en-dessous d’Annie Ernaux.