
Le tacite, l’humain. Anthropologie politique de Fernand Deligny de Catherine Perret
Une scène primitive : cinq petits singes recroquevillés dans une volière regardent un enfant, qui en ressent un effondrement. Tout au long de sa vie et de sa pratique, Fernand Deligny restera irrémédiablement seul, parce que, seul, il regarde là où il n’y a rien à voir : la foire de Lille, l’asile d’Armentières. Deligny sera « chercheur d’asile », comme d’autres se font chercheurs d’or. Et Catherine Perret déploie, en une fresque magistrale, l’anthropologie politique qui sous-tend sa clinique singulière, fondée sur le seul sentiment d’appartenance à l’espèce humaine. « Comment donner droit de cité à ce commun qui échappe à la loi car il ne passe pas par la langue mais par les corps ? »
Deligny commence sa recherche dans le contexte où « l’idéal fasciste de la régénération » gouverne la France sous le régime de Vichy. Cette hygiène mentale repose sur la naturalisation du sujet, la rationalisation du traitement et le rendement social, et revient à « affamer et rééduquer » les enfants « inadaptés » (rappelons qu’au moins 40 000 personnes sont mortes de faim dans les hôpitaux psychiatriques entre 1940 et 1945). Deligny en propose « un sabotage méticuleux » pour renouer les liens entre les êtres humains, aussi « irrécupérables » soient-ils : il reconstitue des bandes d’enfants, transforme les gardiens en éducateurs et refuse toute normalisation sociale à l’institut médico-pédagogique d’Armentières. Il se plac