
Le jour qui revient de Roger Dextre
« Voilà ce que d’âge en âge/ transmettent les poèmes, / laissant au cœur de notre confiance/ une inaptitude à comprendre. » Parcourir Roger Dextre, c’est s’assurer qu’il est philosophe autant que poète. Philosophe sensible, plongé dans le velouté du monde, il fore une manière de dédale dans la tendresse des choses. En attestent le présent recueil et ces vers, finement orchestrés, dont la musicalité use d’harmonies familières et secrètes : « Dieu ne manque pas, / la pluie tombe toujours/ ainsi que les fêtes, les aurores./ La douceur/ se porte comme une plainte, / les plaies paraissent des preuves, / on est tombés à genoux pour des riens/ de gratitude et d’espérance. » Il en va d’une ligne mélodique – d’un « bruit de pluie dans le langage », aurait écrit Yves Bonnefoy – qui, par la pensée chantée qu’elle développe, dessine « une ascension ponctuelle et infinie », serait-elle de « voix/ qui parlent ou/ qui flambent ». L’art, le bel art, de Roger Dextre, c’est d’esquisser, par-delà ce qui ne serait pour le regard commun qu’immédiateté triviale, l’épaisseur impalpable du temps et de la mémoire – « quand le rêve se casse/ en heures chômées, / en espoirs délaissés, / en ruines et en friches ».