La lutte antiterroriste et l'État de droit. Table ronde
Vous insistez tous les quatre sur la nature et la gravité particulières de la menace terroriste. Qu’est-ce qui vous paraît spécifique dans cette menace ? Pourquoi nous déstabilise-t-elle autant ?
François Saint-Bonnet – Depuis le mois de juin 2015, le terrorisme a causé 238 morts en France, et chacun d’entre nous a l’impression d’avoir été touché. En 1916, pendant neuf mois, la bataille de Verdun a coûté environ 1 100 morts par jour. Il y a juste un siècle, alors que le nombre de morts était sans commune mesure, les gens ne se sentaient pas personnellement insécurisés. Il y a des raisons d’être surpris que nous nous sentions si personnellement blessés aujourd’hui, que nous ayons si peu de résilience. Cela révèle combien il est devenu impensable, depuis les années 1960, que notre territoire puisse être le théâtre de scènes de guerre. Cet oubli est lié à l’arme nucléaire, aux opérations extérieures menées par la France à des milliers de kilomètres, à l’abandon de la conscription. Depuis la guerre d’Algérie, nous avions le sentiment de vivre dans un territoire absolument sécurisé : les attentats frappent donc les imaginations d’autant plus durement.