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La dignité dans le débat sur la fin de vie

Les pistes actuellement à l’étude sur la fin de vie placent de nouveau la dignité au premier plan des considérations sur le mourir. Mais que signifie ce terme, selon qu’il est employé par les soins palliatifs, ou par les partisans de la mort volontaire ?

Après la publication du rapport du Pr Sicard1 sur la fin de vie, le président de la République François Hollande a confié au Comité consultatif national d’éthique le soin de travailler trois pistes d’évolution législative. À la suite de l’avis qui sera rendu, la ministre de la Santé et la ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur prononceront des mesures. L’une de ces pistes est de chercher « selon quelles modalités et conditions strictes permettre à un malade conscient et autonome, atteint d’une maladie grave et incurable, d’être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ». L’autre piste est de chercher « comment rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d’une décision prise à la demande de la personne ou de sa famille ou par les soignants ». Une fois de plus, le terme de dignité se trouve au cœur du débat sur la fin de vie.

Le débat sur l’euthanasie revient périodiquement sur le devant de la scène, malgré la loi Leonetti du 22 avril 2005, dont le rapport Sicard déplore l’insuffisante application. En termes généraux, il porte sur les conditions légitimes du mourir : peut-on, et au nom de quoi, considérer que certaines façons de mourir sont plus acceptables que d’autres ? Ce qui revient à se demander : dans quelles circonstances est-il digne ou non de s’éteindre ?

Dignité et fin de vie : les termes d’un débat contemporain

Pourquoi la question se pose-t-elle en ces termes ? Parce qu’en France, comme dans bien d’autres pays, une réaction de protestation contre certains aspects de la fin de vie a éclaté au nom de la dignité. En particulier, en 1978, une lettre du fondateur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (Admd) Michel Landa, dénonçait la décrépitude de la mort en maison de retraite et réclamait le droit de mourir avant d’en arriver à cet état. De son côté, le Pr Schwartzenberg décrivait dans ses livres comment il pratiquait la mort sur demande et à domicile de certains de ses patients atteints de cancer et revendiquait le droit d’anticiper sa mort avec l’aide du médecin. Le même genre de pratique et de revendication avait cours dans divers pays, aux États-Unis et en Europe principalement2.

Mais ce débat n’a pu éclater en ces termes et trouver un écho que parce qu’il entrait en résonance avec un certain état d’esprit. Rappelons de façon synthétique quelques traits de notre mentalité. Les historiens3, on le sait, ont montré combien notre relation avec la mort a changé. Elle ne nous est plus familière, car elle s’est raréfiée, en raison des progrès de la médecine (traitement et prévention), mais aussi des conditions de vie (réduction de la durée du temps de travail, amélioration des conditions de travail et de vie, confort, hygiène…) et parce qu’elle est le fait de professionnels (on meurt principalement en institution), ce qui contribue à la mettre à distance. Elle nous paraît ainsi plus inacceptable, plus choquante du fait de cette rareté, et sa médicalisation nous a aussi accoutumés à une certaine forme de maîtrise et de contrôle à l’égard d’un phénomène qui a été pendant des siècles la marque de la fatalité.

Sur le plan ethnologique, on constate que nos sociétés sont marquées par la déritualisation, particulièrement visible dans la relation au mourant : il n’y a plus de code commun composé de gestes symboliques et d’étapes (la confession, les derniers sacrements…) que l’entourage respectait, de sorte que le mourant s’éteignait parmi les autres4. Aujourd’hui, on meurt plutôt seul (la chambre isolée au fond du couloir…), livré aux seuls rituels dont nous soyons capables, les soins médicaux, qui n’offrent pas de sens métaphysique ni affectif ; ce n’est d’ailleurs pas leur fonction. Il n’y a plus d’accord sur l’approche ni sur la prise en charge du mourant. Nous sommes inévitablement confrontés à une quête de sens dans un monde où s’affrontent des systèmes de valeurs différents et des individus aux conceptions personnelles variées. La professionnalisation du mourir est une donnée stable, l’Observatoire national de la fin de vie (Onfv) montrant que l’on meurt toujours principalement à l’hôpital en France5.

À cet arrière-plan des mentalités, il faut ajouter les difficultés liées aux progrès médicaux eux-mêmes. En premier lieu, il convient de souligner que le processus de mort se fragmente, et cela, d’un double point de vue. D’abord, celui du patient conscient, des maladies dont on mourait rapidement autrefois deviennent aujourd’hui chroniques. On a tout lieu de se réjouir de l’allongement de l’espérance de vie, mais les progrès en efficacité se sont accompagnés, on le sait, d’une série de questions éthiques nouvelles. Le suivi d’une maladie évolutive peut, à un moment donné, devenir problématique : de rémission en rechute, de complication en complication, les traitements deviennent parfois si lourds qu’on s’interroge sur la pertinence de ce que l’on fait. Lorsqu’un cancer évolue jusqu’au moment où les moyens médicamenteux et chirurgicaux, l’assistance par machines, la finesse des investigations (bilans biologiques, imagerie médicale…) finissent par paraître vains ou inutilement pénibles pour le patient, se pose la question de la conduite à tenir : quand faut-il décélérer, c’est-à-dire réduire les traitements ? Est-ce si facile à déterminer ? Où commence une phase terminale ? Peut-on s’appuyer sur la volonté du patient ?

Ensuite, du côté du patient inconscient. Ce n’est plus l’arrêt cardiaque qui indique la mort, mais la cessation des activités cérébrales6. Depuis que la Commission de Harvard en a ainsi décidé en 1968, ce principe est admis dans le monde entier. L’arrêt irréversible des fonctions cérébrales entraîne la mort, ce dont des examens cliniques et paracliniques (électro-encéphalographie [Eeg], angiographie cérébrale, angioscanner) permettent d’attester.

Plusieurs problèmes se posent alors sur un plan éthique. Parfois, le cerveau est mort ou endommagé, mais d’autres fonctions vitales demeurent. L’activité cardiaque et la respiration peuvent être maintenues ou se maintenir d’elles-mêmes. Un premier problème est celui des prélèvements d’organes. On dispose de quarante-huit heures pour maintenir artificiellement les organes en vue d’un prélèvement alors que la mort est certaine. Compte tenu de la pénurie d’organes, la France a adopté le principe du consentement présumé dès lors que la personne concernée n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement. Si le médecin n’a pas connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir le témoignage de la famille. Certains médecins ont su mettre en évidence le conflit que l’on observe entre les besoins de la société en organes, que le médecin doit s’efforcer de pallier, et l’attitude plus retenue des patients ou de leur famille. Faut-il par ailleurs maintenir une réanimation en vue de disposer d’organes ? Un autre problème se pose, celui des états végétatifs chroniques, où les fonctions végétatives seules demeurent en état (pression artérielle, respiration, cycle veille/sommeil…) dans un tableau d’absence de conscience manifeste de soi ou du monde extérieur, d’absence d’activité motrice volontaire adaptée au contexte… Est-on dans ce cas une personne morte ou vivante ? Faut-il maintenir ce patient en vie ? Enfin, dans les cas de patients admis en réanimation qui présenteront des séquelles dont les niveaux (graves ou modérés) peuvent être identifiés, la question fondamentale se pose de savoir quel niveau de handicap est acceptable. Et pour qui : le patient, son entourage, qui en aura la charge, l’équipe soignante qui s’interroge sur le sens de sa conduite7 ?

Du côté du patient conscient comme du côté du patient inconscient, on voit que les frontières se brouillent, que la mort peut être un processus au ralenti, qui nous mène de palier en palier, où chaque fois sont en jeu des questions éthiques différentes.

Ce problème de frontières en fait surgir un autre : quand est-on dans l’obstination raisonnable, quand verse-t-on dans l’obstination déraisonnable, ou, si on veut, dans l’acharnement thérapeutique ? On l’a vu, quand on a traité quelqu’un pendant des années, ou qu’on observe, après une réanimation d’attente, la réaction clinique d’un patient qui évolue selon des voies qu’on ne peut pas toujours anticiper, se pose la question du sens qu’il y a à poursuivre des traitements. Deux fortes valeurs sont ici en concurrence : la durée de la vie et la qualité de la vie. C’est au nom de la durée de vie que l’on peut être tenté par l’acharnement thérapeutique, mais où faut-il placer la frontière entre bonnes et mauvaises pratiques ? On voit que la médecine est confrontée à des difficultés d’un type nouveau qui constituent le revers de ses incontestables progrès techniques.

La dignité au cœur du débat

Le débat sur la fin de vie au nom de la dignité se situe dans un consensus sur l’importance accordée à la dignité humaine. Les grands textes internationaux sur ce sujet sont officiellement entérinés dans le monde entier et indiquent l’attachement général à cette notion, attachement dans le cadre duquel se situe notre débat. C’est ainsi que pour la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), dans son article premier, « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

Néanmoins, on a beau éplucher les textes qui contiennent le terme de dignité, celui-ci n’est jamais défini mais simplement posé. Il est présenté comme essentiel, placé en premier dans les grands textes, ainsi qu’on le voit au début du préambule de cette même Déclaration : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde […] » Ici, comme dans l’article premier, on ne sait pas quel est le sens de la dignité ni pourquoi elle est à côté des droits eux-mêmes, considérés comme tout aussi premiers et fondamentaux. On comprend qu’en elle-même elle n’est pas un droit (c’est-à-dire une liberté reconnue), mais on ne sait pas pour autant ce qu’elle est. On ne détient donc ni définition d’un terme délicat à cerner, ni justification de son importance, elle-même reconnue assez récemment (absente des autres grandes déclarations comme celle des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, en France). Même façon de procéder pour la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine de 1997 (dite convention d’Oviedo), dont l’article 1 affirme la protection de « l’être humain dans sa dignité et son identité » dans le domaine biomédical.

On comprend donc que ce caractère flou de la notion pousse Ruwen Ogien à considérer que le terme de dignité n’apporte rien aux questions éthiques. Les arguments qui s’y réfèrent sont, d’après lui, fondés sur une « notion confuse8 », dont la valeur est purement « incantatoire », point de vue qu’on serait tenté de partager, vu la difficulté qu’on a à en cerner le sens.

On peut toutefois trouver à cette dignité dans les grands textes internationaux des accents kantiens. Le philosophe pose lui aussi la suprématie humaine comme une sorte d’évidence.

L’humanité est en elle-même une dignité ; en effet, l’homme ne peut être utilisé par aucun autre homme (ni par d’autres ni même par lui-même) simplement comme moyen, mais doit toujours être traité en même temps comme fin […]. Tous les êtres humains ont une valeur absolue et non relative. Ce qui a un prix peut aussi bien être remplacé par quelque autre chose, à titre d’équivalent ; ce qui est supérieur à tout prix et par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité9 […]

Cette dimension d’évidence morale propre à la personne humaine, qui la place à part dans la nature des êtres, à laquelle nous paraissent faire écho les grands textes officiels, apparaît également dans des déclarations récentes, comme le Protocole additionnel portant interdiction du clonage humain de 1998, qui condamne « l’instrumentalisation de l’être humain par la création délibérée d’êtres humains génétiquement identiques », la déclarant « contraire à la dignité de l’homme » (Préambule, article 6).

Cependant, Kant ne se contente pas de poser cette suprématie morale ; il justifie la dignité, parce que l’homme est un être raisonnable capable de n’obéir qu’aux lois (morales, soustraites aux inclinations de la sensibilité) qu’il établit lui-même, et cette législation a aussi une dignité qui appelle le respect : l’autonomie est donc le principe de la dignité humaine et de toute valeur raisonnable10. Seul l’homme est capable de moralité, au sens où lui seul est capable de fonder son action morale sur une loi universelle.

Kant n’est pas le premier à avoir caractérisé l’humanité par sa dignité. On sait combien Platon, ou les stoïciens, par exemple, ont fondé la hauteur ou dignité de l’homme sur la raison, seule capable de mépriser les appétits du corps et de la sensibilité. Le bonheur chez les stoïciens, l’idéal chez Platon, consistent à fonder son jugement sur la raison, principe de connaissance et source de notre liberté intérieure. Dans le christianisme, chez les Pères de l’Église, comme Thomas d’Aquin, l’homme est fait à l’image de Dieu : il possède le libre arbitre et trouve son bonheur, la béatitude, dans la contemplation de son auteur. Mais les Pères de l’Église ont aussi puisé aux sources philosophiques pour commenter la Bible, comme on peut le voir par exemple avec la quête du souverain bien empruntée à Aristote par Thomas d’Aquin sous la forme christianisée de la béatitude11.

On voit que l’usage récent de la dignité dans les textes internationaux est certes proche de la conception qu’en a Kant et, à travers lui, de toute une tradition, mais que cet usage ne cherche pas à se fonder sur des justifications. Il pose la dignité avec force (on sort de la Seconde Guerre mondiale), mais pour défendre une dimension de l’homme qui va pour ainsi dire de soi.

Un seul point est donc acquis : la dignité, c’est ce qui confère à l’humanité sa respectabilité, compte tenu de sa nature morale irréductible. Mais le problème qui se pose à nous dans les questions de médecine ou plus largement de bioéthique est le suivant : poser la suprématie humaine morale ne nous donne pas d’indications suffisamment précises ni consensuelles pour savoir, dans telle ou telle situation, où est la dignité, quand elle est préservée, quand elle est menacée. Plus d’une fois, on en a fait le constat12. Et c’est pourtant bien au nom de la dignité que l’on s’affronte. On le voit dans beaucoup de polémiques, où les adversaires en ont une vision opposée : les mères porteuses sont-elles instrumentalisées et perdent-elles toute dignité, ou au contraire sont-elles louables et généreuses ? Un être humain cloné perdrait-il sa dignité ou, en tant qu’être humain vivant, aurait-il la même dignité que n’importe qui ? Pour garder sa dignité, le mourant doit-il être exaucé dans son désir de mourir ou violera-t-on sa dignité si on transgresse l’interdit fondamental de tuer ?

La dignité pour les partisans de la mort volontaire

Les polémiques qui ont entouré de multiples affaires médiatiques (Vincent Humbert, Chantal Sébire, et bien d’autres) se sont faites au nom de la mort sur demande, ou mort volontaire. On distingue trois formes de mort volontaire : le refus de traitement (parfois qualifié d’euthanasie passive), l’euthanasie (action consistant à administrer des substances mortelles), suicide médicalement assisté (action du patient se suicidant à l’aide de substances létales qu’on lui a confiées13). En quel sens entendre dignité ici ? Quel sens est donné à l’éminence morale ?

On ne peut pas séparer la dignité de la qualité de vie. Or, la maladie est souvent associée à la « dégradation » de soi, à la « déchéance », à la « perte de sens ». Donc la dignité dans ce contexte signifie une certaine idée de soi-même qui serait altérée par la maladie. Dans cette perspective, il faudrait anticiper la mort pour échapper aux pressions croissantes de la maladie14. On notera qu’on nous présente toujours des situations terribles ou des douleurs insurmontables dans les affaires qui défraient la chronique. Lorsque Ruwen Ogien considère que la dignité est une notion inutile, dans le champ de la mort anticipée, ce n’est pas sûr : car on se place ici sur le terrain d’une nature morale perdue ou menacée, d’une fierté ou d’une image élevée de soi attaquées par la maladie. La nature morale se perd à proportion des pertes du moi.

Ainsi, on ne peut pas séparer la notion de dignité de celle d’autonomie. Mais l’autonomie prend ici un sens très différent de celui que l’on trouve chez Kant, pour qui elle suppose une volonté indépendante des conditions sensibles, car l’indépendance du principe déterminant de la volonté à l’égard des mobiles subjectifs de l’action est le propre d’une « volonté libre ». Tristram Engelhardt, dans sa recherche des Fondements de la bioéthique, accorde une place majeure à l’autonomie entendue comme autorisation accordée à autrui de me traiter selon mon bon vouloir. Son système repose sur deux fondements ou deux principes, l’autonomie et la bienfaisance. Comment s’y prend-il pour les justifier ? Il fait plusieurs constats. Nous vivons dans un monde où les prétentions universalistes des Lumières ont échoué, comme en témoignent la diversité des valeurs et les conflits éthiques incessants, où nous sommes, les uns pour les autres, des « étrangers moraux » : chaque individu, ou chaque communauté, a son propre système de valeurs, hermétique à ceux des autres. Sur quoi, dès lors, fonder notre vie éthique ? La violence n’est pas envisageable. Il faut donc accorder deux grands principes : le principe d’autonomie et le principe de bienfaisance qui en découle. Par autonomie, il faut entendre l’autorisation que me donne autrui d’agir selon sa représentation du bien. Dès lors, bien agir, c’est agir selon ce bien. Cette autonomie accordée à autrui est subjectiviste, fondée sur le ressenti des valeurs et sur la sensibilité d’autrui ; elle est aussi universaliste, au sens où tous les hommes sont ainsi faits, et méritent d’être reconnus dans leurs aspirations, mais pas au sens kantien où le devoir refuse de se fonder sur les mobiles subjectifs de chacun.

Ce principe d’autonomie est considéré comme le vrai garde-fou contre l’acharnement thérapeutique ; le patient, conscient de son diagnostic, conscient des soins qui peuvent lui être prodigués et de leurs effets (informé, éclairé) et qui souffre par ailleurs d’une façon insupportable (quelles que soient les modalités de cette souffrance : morale, physique…), serait le plus à même de décider si sa vie doit continuer.

Ainsi, l’autonomie du sujet ouvre la voie à un droit de mourir. Ne disons pas « le droit à la mort », expression qui serait ridicule car en tant que mortels nous allons mourir, c’est un fait, non un droit. N’a de sens que le droit de mourir (sous-entendu : de façon anticipée). Comme le fait remarquer Hans Jonas, il y a bien des paradoxes dans cette formulation, car tout droit est une extension du droit de vivre ; de plus, la mort est un négatif, c’est un mal : comment revendiquer un mal ? Mais il existe un concept du droit de mourir parce que les autres peuvent m’imposer un devoir de vivre (ma famille, par exemple). Un jour ou l’autre surgit l’« étape où le traitement se limite à maintenir l’organisme en marche, sans améliorer son cas en aucun sens […] où on ne sait plus si les droits propres du patient sont violés ou préservés15 ». Jonas évoque ainsi les situations éthiques épineuses inédites dues aux progrès de la réanimation. Il revendique un droit à la vérité sur son diagnostic et un droit à s’approprier sa mort, à contempler sa finitude, même s’il admet que, dans la plupart des cas, les hommes refusent de voir la vérité en face, et qu’il faut aussi respecter ce refus. Ainsi Jonas en vient-il à défendre le droit de refuser des traitements et le droit d’interrompre les comas profonds. Ces deux revendications sont admises en France dans le cadre actuel de la loi Leonetti.

L’un des grands présupposés de cette position est que la seule sortie possible de l’acharnement thérapeutique et/ou de la dégradation serait l’euthanasie ou l’aide au suicide. La médiatisation d’affaires nous montrant des patients dans des situations jugées atroces et insupportables par ceux-là mêmes qui les subissent (à une époque et dans une partie du monde où on n’a jamais autant disposé de moyens antalgiques efficaces) présente de la mort un visage repoussant et très angoissant. Ce présupposé en implique donc un autre : l’acharnement thérapeutique serait une fatalité. Constamment, on nous présente, dans différentes affaires, les médecins comme un groupe de conservateurs indifférents à la souffrance et uniquement soucieux de préserver la vie à tout prix. Voilà une présentation des choses qui mérite d’être examinée.

Enfin, à tout centrer sur l’individu et ses droits, on passe sous silence un problème moral de taille : le droit de mourir crée-t-il l’obligation pour autrui de me tuer ? On entend sans cesse à propos du mourant : « Mais puisqu’il le demande… » En quoi est-ce un argument ? Il y a un conflit éthique fort entre le droit personnel de mourir et l’interdit de tuer. Ruwen Ogien, sur les questions de morale, met l’accent constamment sur l’individu, en s’appuyant sur Mill et son traité De la liberté. Il défend une liberté totale de l’individu à partir du moment où elle ne nuit pas à autrui, ligne qu’il qualifie de minimaliste16. De ce point de vue, chacun est libre de sa façon de vivre et de mourir, on ne peut pas moraliser la vie des gens par des normes extérieures. Sur bien des plans, on peut s’accorder avec son propos, mais sur la question du droit de mourir, peut-on dire qu’autrui n’est pas concerné ?

Si l’on considère la question du suicide en général, il est loin d’être évident que celui-ci ne concerne que le suicidé. On sait l’impact d’un tel geste sur l’entourage, la douleur qu’il provoque chez les proches, renforcée par la culpabilité. Cependant, le suicide est une réalité et une liberté publique, et n’entre pas dans le cadre des revendications des défenseurs du droit de mourir. Le problème de fond de ce droit, qui serait organisé dans nos institutions, légalement protégé, comme il l’est dans d’autres pays, peut être formulé ainsi : peut-on, même sous certaines conditions, même avec les meilleures intentions, instituer un droit de tuer, rendu possible par la reconnaissance du droit d’être tué ? Que fait-on de celui qui agit ? Qui fait le geste de tuer ? Il est intéressant de noter qu’il n’est jamais question de cette personne, engagée à commettre un geste qui n’est pas rien. Ruwen Ogien, et c’est logique compte tenu de sa logique éthique, ne se penche pas sur la relation entre les individus, ou ne le fait que sous l’angle de ce que cela apporte à l’individu. Or, cela me paraît escamoter la dimension éthique essentielle : le droit de mourir implique-t-il un devoir de tuer et donc de transgresser non seulement l’interdit de tuer, qui pèse sur tout citoyen, mais aussi l’interdit de nuire ou de ne pas porter secours qui pèsent sur les soignants ?

Dignité, autonomie, qualité de vie

Il existe des réponses de terrain, qu’on peut qualifier de bonnes pratiques médicales, qui vont nous permettre de traiter les présupposés soulevés plus haut.

À propos de l’acharnement thérapeutique, il faut bien voir que cette notion d’apparence si évidente est en fait très délicate à éclaircir : où commence l’acharnement thérapeutique, où cesse l’obstination raisonnable ? Quels éléments permettent de dire qu’on est déraisonnable, que des thérapeutiques ou des soins sont trop lourds ? Trop lourds, par rapport à quoi : la guérison, l’amélioration, la stagnation ? Par rapport au temps de vie gagné ou par rapport à la qualité de cette vie ? Et qui sait à l’avance quoi que ce soit du vécu intérieur de cette qualité : comment réagira le patient à un traitement, médicalement et personnellement ? Et acharnement par rapport à quelle prédiction médicale : sait-on toujours à l’avance comment va évoluer tel ou tel patient aux traitements qu’il subit ? Car si on réanime tel enfant pour six mois, les parents en seront soulagés, mais s’il meurt dans les deux jours, on dira que c’est de l’acharnement thérapeutique, or on ne peut pas tout prédire, pronostiquer sans rien affirmer de précis et, en médecine, il arrive que ce soit a posteriori, après coup, quand toute la chaîne des soins est finie, que l’on sache ce qu’on aurait dû faire ou ne pas faire. Et que sait-on de la durée de vie ? Enfin, que doit-on comparer ? Des éléments hétéroclites, difficilement comparables : des techniques de réanimation et un bienfait personnel, des soins intensifs et une durée de vie, bref du médical quantifiable et du qualitatif subjectif…

Comment s’y prennent les professionnels ? Réfléchissant à ces questions, les soignants de diverses spécialités les plus concernées (oncologie, néonatologie, réanimation, gériatrie mais aussi les généralistes, en coopération avec le personnel paramédical) ont élaboré des recommandations et inventé de sages pratiques : lorsqu’il y a une disproportion entre les soins engagés et la qualité de vie qui en résultera dans un contexte de vie brève, de mort à courte échéance (bien que personne ne puisse rien pronostiquer avec exactitude sur le temps qui reste à vivre), la pratique la plus raisonnable et qui gagne du terrain, qui est même maintenant banale, est de laisser le patient en paix, sans traitement agressif qui entraînerait une prolongation de la vie aux bénéfices maigres, sans investigation désormais dépourvue de sens, et de le laisser s’éteindre en traitant l’inconfort et en autorisant toutes les relations avec l’entourage. Futilité : ce terme désigne le soin qui, dans d’autres contextes, est utile, mais qui ne sert plus à rien, ou si peu, dans d’autres. À partir d’un certain moment, seuls les symptômes sont dignes d’attention, les causes devenant hors sujet. Lorsque le curatif ne doit apporter que de piètres résultats (quelques jours de vie de plus dans des conditions pénibles voire exécrables), on peut, on doit, leur substituer la prise en charge de la douleur. La médecine devient alors un moyen d’adoucir l’existence, nous le savons, elle devient accompagnement, en ayant comme priorité le traitement de la douleur.

Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10.

(extrait de la loi Leonetti, 2005)

En un mot, quand on fait à la médecine le reproche de l’acharnement thérapeutique, c’est facile, car la frontière entre le raisonnable et le déraisonnable est difficile à tracer, alors que les professionnels eux-mêmes ont de bonnes raisons d’hésiter ; et c’est injuste, parce que la médecine s’interroge sur les limites de sa propre démarche : la limitation thérapeutique, dite aussi le renoncement thérapeutique, est acquise, elle contient même de fines distinctions comme celle qui sépare le withdraw (retrait de soins en place : interruption du respirateur, des antibiotiques…) du withold (abstention de la mise en place d’un soin nouveau faisable).

On a des indications de conduite à tenir, il y a une volonté d’éviter l’obstination déraisonnable. C’est largement sur un contresens, ou simplement une ignorance, que s’est instaurée la méfiance qui crée l’illusion que les médecins s’acharnent et ne savent pas s’arrêter à temps.

Il est vrai que la spécialisation des soins (un patient mourant peut se voir poser un pacemaker par le chirurgien qui ne connaît pas forcément bien le dossier dans son ensemble…), la crainte de mal faire (puisqu’on peut sauver un patient, sauvons-le : c’est un travers typique de jeune médecin) ou l’ignorance des lignes directrices énoncées plus tôt expliquent les situations d’obstination déraisonnable. Néanmoins, il existe une réflexion des sociétés savantes et de certaines spécialités confrontées couramment à la mort, qui devrait servir de ligne directrice.

Rappelons que les soins palliatifs en contexte de fin de vie visent à soulager toutes les douleurs et tous les inconforts et ce, depuis l’usage du cocktail Brompton par Cicely Saunders, la fondatrice du mouvement, jusqu’à l’usage très savant des morphiniques et autres psychotropes aujourd’hui. La qualité de vie y est centrale, elle est la cible principale des soins palliatifs. On sait que Cicely Saunders a forgé le concept de total pain, ou souffrance globale, qui caractérise la fin de vie (aux douleurs s’ajoutent l’angoisse de la mort et la détresse de la solitude) et ouvre la voie à une démarche médicale multidimensionnelle, où sont favorisées les relations avec les proches, par exemple17.

Pour les soins palliatifs, la dignité n’est pas relative à des conditions d’existence. Elle n’est pas variable selon l’état de notre santé ou de notre moral. La douleur n’altère en rien la permanence de la valeur morale. Il ne s’agit pas de nier la dureté de certaines situations, mais peut-on dire que quelqu’un qui a perdu des facultés ou de l’énergie, ou qui a mal, est indigne, ou qu’il meurt dans l’indignité ? Ce n’est pas parce que l’on souffre qu’on est indigne. Le problème est sans doute mal posé par l’Admd : dans l’éventuelle souffrance de la fin de la vie, on ne perd pas sa dignité (cette perte autoriserait à nous tuer, puisque le sujet moral serait déjà mort) ; on perd le goût et l’intérêt de vivre, parce qu’on n’a pas trouvé les moyens de nous soulager. Quoi qu’il advienne, on conserve sa dignité humaine, et c’est bien parce qu’elle est non négociable qu’il faut agir pour préserver les meilleures conditions d’existence possibles d’un individu qui demeure une personne digne d’intérêt et un sujet moral. C’est ce principe qui commande toutes nos actions pour une amélioration des conditions d’existence. Sans la conviction que la dignité perdure, pas de recherche, pas de progrès, pas d’activisme, mais un certain défaitisme, puisque tout est joué. Les soins palliatifs distinguent le sujet moral de son état psychologique. C’est bien parce que le sujet moral est toujours vivant et digne, qu’il est digne de soins.

L’autonomie prend donc un sens particulier. Restaurer ou maintenir l’intérêt de vivre, par les moyens antalgiques dont on dispose aujourd’hui, c’est donner à la personne la possibilité de continuer son chemin et c’est lui donner la possibilité de trouver du sens à sa vie, aussi modeste ce sens puisse-t-il paraître aux bien portants. Il ne faut pas ici confondre l’autonomie avec l’aisance physique et la pleine possession de moyens dans l’éclat de la santé et de la jeunesse. Il faut entendre par là que, même aidé, même appareillé, on reste le sujet de ses idées et de ses projets. De ce point de vue, les éléments de l’autonomie, tels qu’ils ont été analysés par Beauchamp et Childress dans leur célèbre rapport18, sont éclairants. L’autonomie se caractérise par la capacité (ou aptitude à exécuter une tâche), qu’il faut entendre en un sens large, qui inclut la capacité de décider. Si on détaille son contenu, cette capacité suppose celle de comprendre l’information matérielle et de juger cette information à la lumière de ses propres valeurs, de projeter un certain résultat et de communiquer. Il faut ajouter à la notion de capacité le caractère volontaire de la décision (absence de pressions) et le consentement (ou autorisation). L’autonomie est donc aptitude, compréhension, expression de valeurs, voire capacité de raisonnement et capacité à décider. Cette définition (très résumée ici) a le mérite de pouvoir s’appliquer à un champ large de situations médicales, y compris dans les maladies incurables et les états affaiblis. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre cette recommandation du Conseil de l’Europe :

L’obligation de respecter et de protéger la dignité d’un malade incurable ou d’un mourant est la conséquence naturelle de la dignité inviolable inhérente à l’être humain à tous les stades de la vie. Ce respect et cette protection se traduisent par la création d’un environnement approprié qui permet à l’être humain de mourir dans la dignité19.

Cependant, la force des soins palliatifs se rapporte au sujet conscient. Pour ce qui concerne les patients en état végétatif chronique (Evc) ou en situation d’être réanimés avec la perspective de lourd handicap, la décision sera toujours délicate : elle implique d’être partagée et rapportée à des situations toujours singulières, où la situation à venir du patient est sans doute inséparable de ses liens avec son entourage. Quel sens peut prendre la dignité dans un tel contexte ? Dans le cas des Evc, il semble que le sujet moral se soit dérobé : aux frontières de la mort et de la vie, tout laisse à penser que le patient est entré dans un monde d’inconscience irréversible qui le place plutôt du côté des défunts. Le renoncement thérapeutique dans ce cas de figure (par arrêt ou abstention de traitements) ne semble pas pouvoir être qualifié d’euthanasie : il faudrait être sûr de précipiter la mort d’un sujet moral vivant. La situation est plus complexe et incertaine pour les handicaps lourds : la dignité du patient repose-t-elle sur son maintien en vie, puisque rien n’est plus précieux que la vie, même largement diminuée dans ses possibilités ? La dignité consiste-t-elle à ne pas rendre aux familles une personne devenue largement incapable de communiquer des préférences et de mener une vie autonome, comme quand on diagnostique un « niveau de séquelles sévères20 » ? Il faut aussi inclure dans les considérations la force de la famille à pouvoir assumer de tels états, force elle-même très variable selon les situations. Les types de sortie de coma qui nous placent aux frontières mêmes de la vie et de la mort, en raison des progrès de la réanimation, sont ceux qui demeurent les plus problématiques.

La dignité continue de faire débat dans le registre de la fin de vie médicalisée, où elle prend un sens variable selon les positions qu’on adopte. Il n’est pas sûr que les choses s’éclaircissent si, comme on le fait souvent dans les médias, on associe ou on confond constamment la position des soins palliatifs et celle des partisans de l’euthanasie. Il s’agit là de deux positions éthiques divergentes. Les soins palliatifs opèrent une critique incisive d’un emploi insatisfaisant du terme de dignité. D’aucuns penseront cependant que le double effet ou la sédation, dans les situations extrêmes, n’est qu’hypocrisie, là où d’autres verront exigence tout en finesse. De plus, les sorties problématiques de coma reposent sans cesse aux professionnels la question d’une juste approche de la dignité, sans que l’on puisse apporter de critères absolument fermes et certains de sa nature.

Remarquons qu’implicitement, il est surtout question du patient conscient dans les polémiques. À propos du patient inconscient qui ne récupérera pas ou mal ses facultés, le renoncement thérapeutique, mal connu, fait moins débat. La vigilance y est cependant des plus aiguës pour justifier, au cas par cas, des choix incertains, sources d’interrogations, et forcément difficiles à faire.

  • *.

    Inspectrice d’académie de philosophie.

  • 1.

    Rapport remis le 18 décembre 2012 au président de la République au nom de la commission de réflexion sur la fin de vie.

  • 2.

    Paula La Marne, Vers une mort solidaire, Paris, Puf, 2005, p. 43-50 et 72-73.

  • 3.

    Voir Philippe Ariès, l’Homme devant la mort, Paris, Le Seuil/Hachette Université, 1977 et Michel Vovelle, la Mort et l’Occident, de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, rééd. 2000.

  • 4.

    Louis-Vincent Thomas, la Mort en question, Paris, L’Harmattan, 1991 et Rites de mort pour la paix des vivants, Paris, Fayard, 1996.

  • 5.

    Observatoire national de la fin de vie, Fin de vie : un premier état des lieux, II : « Fin(s) de vie et système de santé », rapport 2011, p. 80.

  • 6.

    P. La Marne, « Mort », dans Dominique Lecourt (sous la dir. de), Dictionnaire de la pensée médicale, Paris, Puf, 2002-2004, p. 752-757.

  • 7.

    Sur toutes ces questions, voir Louis Puybasset (sous la dir. de), Enjeux éthiques de la réanimation, Paris, Springer, 2010.

  • 8.

    Ruwen Ogien, la Vie, la mort, l’État, Paris, Grasset, 2009, p. 88.

  • 9.

    Emmanuel Kant, Métaphysique des mœurs, II, Doctrine de la vertu, trad. A. Joëlle Masson et Olivier Masson, § 38, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », Œuvres complètes, vol. III, p. 758-759 et 301-302.

  • 10.

    Id., Métaphysique des mœurs, op. cit., p. 303.

  • 11.

    Thomas d’Aquin, « L’homme étant fait à l’image de Dieu, […] doué d’intelligence, de libre arbitre et d’un pouvoir d’action autonome, […] l’homme […] est, lui aussi, le principe de ses propres actes, parce qu’il possède le libre arbitre et la maîtrise de ses actes », Somme théologique, Prima secundae, Prologue.

  • 12.

    Dignité humaine et bioéthique, rapport du Conseil du président des États-Unis sur la bioéthique, mars 1998.

  • 13.

    Sur ces types de mort volontaire et sur les différentes législations en la matière (leur contenu, leur contexte d’apparition), voir P. La Marne, Vers une mort solidaire, op. cit., chap. 3.

  • 14.

    Bernard Baertschi, la Valeur de la vie humaine et l’intégrité de la personne, Paris, Vrin, 1995, p. 75-82, 79-80 et 101.

  • 15.

    Hans Jonas, le Droit de mourir, trad. P. Ivernel, Paris, Rivages, 1996, p. 19-20.

  • 16.

    R. Ogien, l’Éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes, Paris, Gallimard, 2007.

  • 17.

    Mary Baines, Robert J. Dunlop, Cicely Saunders, la Vie aidant la mort. Thérapeutiques antalgiques et soins palliatifs en phase terminale, trad. M. Pradel, Paris, Arnette Blackwell SA, 1995 (3e éd.). La fameuse règle du double effet permet d’augmenter l’administration d’antalgiques qui peuvent précipiter la mort : l’intention est le soulagement des douleurs (effet recherché), en s’ajustant au plus près aux besoins du patient, même si le risque est réel de précipiter la mort (effet non recherché mais possible). La loi Leonetti permet cette pratique qui était jusqu’ici interdite (article 2). Elle est, avec la sédation (sommeil artificiel), la forme extrême de la recherche du soulagement de la douleur. Ces deux procédés ne doivent pas masquer que les traitements antalgiques ordinaires constituent le plus gros du travail.

  • 18.

    Tom L. Beauchamp, James F. Childress, les Principes de l’éthique biomédicale, trad. Martine Fisbach, Paris, Les Belles Lettres, 2008.

  • 19.

    Recommandation 1418 du Conseil de l’Europe (1999), « Protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants ».

  • 20.

    Voir par exemple : « Coma post-anoxique », dans D. Lecourt (sous la dir. de), Dictionnaire de la pensée médicale, op. cit., p. 368.