
Du sujet de droit au sujet libidinal
L’emprise du numérique sur nos sociétés
Les technologies numériques sont régies par un principe de commodité qui engourdit l’esprit, consacre le sujet libidinal, sert le capitalisme des big data et aboutit à un illibéralisme des modes de vie.
Il se pourrait bien que le secret le plus intime de l’extension du numérique dans nos sociétés soit aussi ce qui se montre avec le plus d’évidence : son caractère éminemment pratique. « Oui, mais c’est tellement pratique ! » est la réaction la mieux partagée du monde, celle qui désarme la critique et abolit toute résistance. Le scandale Cambridge Analytica[1], les compromissions de Facebook[2] et toutes les bombes à retardement qui exploseront un jour n’y font, pour l’instant, rien : les utilisateurs lambda des outils numériques continuent de se connecter, de livrer leurs données, et ne rechignent pas à se faire géolocaliser ou à s’exposer sur les réseaux sociaux. Tout cela est un moindre mal, au regard des services rendus, tellement pratiques ! Si l’on veut donc tenter de percer le mystère de l’emprise du numérique, c’est sur ce caractère pratique lui-même qu’il faut d’abord s’interroger, car c’est en lui que pourraient bien se lover les prémices des évolutions sociales et anthropologiques du futur.
La double finalité des outils numériques
Une question désormais classique à propos des outils numériques consiste à savoir si, du silex préhistorique au silicium de la Silicon Valley, il y a rupture ou continuité, et sous quel rapport. J’utilise ici le terme de numérique pour désigner l’ensemble de