L'année 2020 restera bien mal aimée, à en juger par la tonalité si particulière de cette période de vœux. Chacun sent qu'il ne suffira pas de changer de nombre pour tourner la page de la pandémie, bien que le début de la campagne de vaccination marque, heureusement, l'espoir de finir un jour par l'enrayer. Mais l'année qui se termine reste également difficile à déchiffrer : nous pressentons qu'elle a marqué un tournant, sans bien comprendre encore quel cycle historique elle pourrait ouvrir, ni quels changements durables elle aura installé dans le monde.
Avec le recul, nous avions – involontairement – visé juste en l'engageant avec un numéro consacré au « partage de l’universel ». A-t-on jamais connu d'expérience plus universelle que cette année erratique, soumise de pôle à pôle aux mêmes impératifs de la « distanciation sociale » et des « gestes barrières », aux mêmes observations impuissantes de courbes sur lesquelles nous n’avions pas de prise, aux mêmes atermoiements publics mais aussi intimes entre la volonté de briser la course du virus et celle, beaucoup plus familière, de vivre normalement ?
Esprit n’a pas échappé à cette communion inopinée. Et tout comme elle nous a conduits à adapter notre organisation de travail, l'épidémie de Covid nous a amenés à revoir certains choix éditoriaux. Sans pour autant les absorber tout entiers, ce dont témoignent les thèmes choisis pour nos derniers dossiers, de l'Afrique à la Chine en passant par l'antiracisme de la jeunesse ou l’anthropologie de Marcel Hénaff. Continuer à porter notre regard plus loin et à interroger le sens de l'événement, au-delà de l’écume du jour : c’est la promesse que nous pouvons vous adresser pour l’année qui vient. Nous l'accompagnons de nos meilleurs vœux !
Anne-Lorraine Bujon,
Directrice de la rédaction