Le travail d’après
Parmi les dimensions de nos vies qui ont été bouleversées par la crise sanitaire, il y a le travail. Le premier confinement a fait basculer des millions de salariés dans l’expérience du télétravail. Beaucoup y ont pris goût, et alors même que la situation sanitaire permettrait de retrouver les rythmes et l’organisation d’avant la crise, le télétravail s’impose comme un enjeu de dialogue social pour de nombreuses entreprises.
Si la confiance mutuelle et l’invention de règles au jour le jour avaient prévalu au plus fort de l’épidémie, il faut maintenant poser un cadre qui donne aux collectifs de travail la prévisibilité dont ils ont besoin, dans le respect des règles du droit. Casse-tête pour les employeurs, la situation peut aussi devenir source de frustration chez les salariés. Un moment d’autonomie accrue – lorsqu’il a fallu trouver des réponses à des questions inédites – se referme, suscitant démotivation et perte de sens, la pandémie ayant par ailleurs favorisé l’interrogation de tout un chacun sur « l’utilité sociale » de son travail. Les discussions sur les horaires, les modalités de contrôle ou les équipements du salarié à distance mettent de surcroît en lumière le caractère inadapté de nombreuses règles, pensées dans une perspective fordiste pour des travailleurs à la chaîne.
Mais ces tensions témoignent surtout du fait que le travail est toujours conçu, notamment en France, comme un espace d’accomplissement, où se conquiert une capacité à agir de soi-même, au sein d’un collectif. Quand cette possibilité fait défaut, le travail devient souffrance. C’est pourquoi les discussions sur l’organisation du travail importent tant. C’est dans le travail que les individus peuvent faire la double expérience de leur autonomie et de leur interdépendance. Une dialectique essentielle, plus largement, pour les sociétés démocratiques.
La rédaction