Que faire des antivax ?
La persistance d’oppositions au vaccin représente une épine dans le pied de nombreux gouvernements en ce début d’année. Compte tenu du poids que pèsent les contraintes sanitaires depuis deux ans sur nos vies personnelles et collectives, pousser à la vaccination est évidemment légitime. Tirer une ligne de démarcation entre les irresponsables d’un côté et les gens raisonnables de l’autre l’est en revanche beaucoup moins. C’est non seulement le meilleur moyen de conforter chacun du côté où il se trouve déjà, mais c’est surtout une dangereuse façon, en démocratie, d’opposer ceux qui « savent » à ceux qui « croient ».
Ce réflexe s’est malheureusement installé ces dernières années dans le débat public et les déclarations récentes d’Emmanuel Macron n’en sont qu’une manifestation parmi d’autres. À l’heure des fausses nouvelles et des réseaux sociaux, où des communautés se cristallisent autour de « vérités alternatives », on peut certes s’inquiéter de la disparition d’une raison partagée. Mais, outre que ce phénomène n’en est pas à sa première incarnation historique, l’appréhender comme un biais cognitif ou un vice intellectuel revient à manquer sa dimension sociale. Les raisons de refuser le vaccin peuvent être multiples, mais elles témoignent toutes d’une forme de défiance, d’un refus d’adhérer aux logiques que commandent nos institutions. C’est un refus de « jouer le jeu », dont on ne peut ignorer le contenu politique. C’est d’ailleurs pourquoi il n’a pas la même signification en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Russie ou aux États-Unis.
La démocratie a besoin que les citoyens sachent exercer leur jugement critique. Mais elle a surtout besoin qu’ils adhèrent à ses institutions, qu’ils y croient. C’est ce déficit de croyance et les voies pour refonder l’adhésion qui devraient préoccuper nos dirigeants et nos intellectuels, plutôt que la condamnation morale des irresponsables ou des ignorants.
La rédaction