Revue Esprit
Vendredi 7 janvier 2022

Que faire des antivax ?


La persistance d’oppositions au vaccin représente une épine dans le pied de nombreux gouvernements en ce début d’année. Compte tenu du poids que pèsent les contraintes sanitaires depuis deux ans sur nos vies personnelles et collectives, pousser à la vaccination est évidemment légitime. Tirer une ligne de démarcation entre les irresponsables d’un côté et les gens raisonnables de l’autre l’est en revanche beaucoup moins. C’est non seulement le meilleur moyen de conforter chacun du côté où il se trouve déjà, mais c’est surtout une dangereuse façon, en démocratie, d’opposer ceux qui « savent » à ceux qui « croient ».

Ce réflexe s’est malheureusement installé ces dernières années dans le débat public et les déclarations récentes d’Emmanuel Macron n’en sont qu’une manifestation parmi d’autres. À l’heure des fausses nouvelles et des réseaux sociaux, où des communautés se cristallisent autour de « vérités alternatives », on peut certes s’inquiéter de la disparition d’une raison partagée. Mais, outre que ce phénomène n’en est pas à sa première incarnation historique, l’appréhender comme un biais cognitif ou un vice intellectuel revient à manquer sa dimension sociale. Les raisons de refuser le vaccin peuvent être multiples, mais elles témoignent toutes d’une forme de défiance, d’un refus d’adhérer aux logiques que commandent nos institutions. C’est un refus de « jouer le jeu », dont on ne peut ignorer le contenu politique. C’est d’ailleurs pourquoi il n’a pas la même signification en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Russie ou aux États-Unis.

La démocratie a besoin que les citoyens sachent exercer leur jugement critique. Mais elle a surtout besoin qu’ils adhèrent à ses institutions, qu’ils y croient. C’est ce déficit de croyance et les voies pour refonder l’adhésion qui devraient préoccuper nos dirigeants et nos intellectuels, plutôt que la condamnation morale des irresponsables ou des ignorants.

La rédaction

La crédulité du savant

Camille Riquier, mars 2021 > Lire

À une époque où la science et le progrès sont de plus en plus contestés, l’alternative entre la pensée méthodique d’une part et la crédulité d’autre part, est mal posée. Elle consiste à mettre en balance la croyance et le savoir, comme si l’une devait s’élever chaque fois que l’autre descend et réciproquement. La réalité est pourtant autre et il s’établit entre elles un jeu de correspondances infiniment plus varié.

Les espoirs du croyant

Gérald Bronner, juin 2021 > Lire

Dans notre numéro de mars 2021, « Science sans confiance », Camille Riquier proposait une lecture critique du dernier livre de Gérald Bronner, Apocalypse cognitive. Gérald Bronner accepte ici de lui répondre, en réaffirmant l’impossibilité d’accorder au croire et au connaître la même valeur descriptive.

Fausses nouvelles : trouble dans la croyance

Juliette Roussin, novembre 2021 > Lire

L’adhésion aux fausses nouvelles recouvre une réalité plus complexe qu’on le croit. Loin de relever simplement de la crédulité du public, elle engage une multitude de régimes de croyance, allant de la fiction au mensonge à soi-même, qui invitent à interroger la position idéologique qu’elle traduit toujours.

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