La culture au grand jour
Quelques jours après le début des mesures de confinement en Italie du Nord, les Italiens prirent l'habitude de chanter, le soir, à leur balcon. Pour rompre l'isolement, partager une expérience et une émotion communes. Très vite, musiciens, chanteurs, artistes se mirent à rendre public, grâce aux outils numériques, un morceau ou une performance. Les institutions culturelles ont très vite emboîté le pas à ce mouvement, en proposant des visites virtuelles de leurs collections ou la mise en ligne d'une partie de leur programmation.
Quel rôle joue la culture dans une épreuve telle que celle que nous traversons ? Espace de respiration dans un quotidien étouffant et anxiogène ? C'est certain, mais on ne saurait la réduire à cela. Si elle paraît si nécessaire, c'est que la culture ne relève pas du supplément d'âme à laquelle on la réduit trop souvent. Les Italiens à leur balcon en ont témoigné les premiers : la culture est créatrice de lien. Cette formule, qui était devenue un lieu commun dans la défense des politiques culturelles, retrouve en ce moment une évidence. L'expérience esthétique est un des lieux privilégiés où s'éprouve notre commune humanité, et où se fait jour, en période de crise, une possible mise en commun de ce qui nous arrive.
Albert Béguin, qui a dirigé la revue Esprit entre 1950 et 1957, l'exprime au moment où il prend la succession d'Emmanuel Mounier : « Non seulement les arts entrent comme un élément non négligeable dans toute description d'une société, mais encore ils manifestent au grand jour ce qui ne peut être saisi par aucun autre moyen. »
La rédaction