Les lieux de la reconnaissance
Des personnels soignants demandant que l'on ne se contente pas de les applaudir mais qu'on leur donne davantage de moyens pour travailler, aux manifestants qui, dans le monde entier, réclament aujourd'hui justice pour les victimes de violences policières, un fil commun court : celui d'une demande de reconnaissance. L’œuvre du philosophe et anthropologue Marcel Hénaff, disparu il y a deux ans, peut nous aider à penser ce présent. Esprit lui consacre le dossier de son numéro de juin.
Dans les cérémonies de don des sociétés traditionnelles, Marcel Hénaff voyait une manière pour les groupes sociaux et les individus de se reconnaître réciproquement. Cette reconnaissance publique réciproque est ce qui assure la cohésion sociale, ce par quoi une société apaise les conflits possibles. Dans les sociétés modernes, elle est largement accordée par la loi, ce qui permet de définir le politique comme le lieu où s'institue la reconnaissance. Or la modernité, selon Marcel Hénaff, recouvre deux dévoiements possibles du politique : son instrumentalisation au profit du pouvoir coercitif, et la réduction des institutions publiques à la seule gestion économique. De ce point de vue, une politique ne doit pas être évaluée à l’aune du pouvoir ou de la richesse, mais à celle du gain de dignité qu’elle permet d’apporter.
La rédaction