
Le Moyen-Orient au défi du chaos. Un demi-siècle d’échecs et d’espoirs de Denis Bauchard
[Ce] livre est à la fois une leçon de diplomatie, une réflexion historico-politique et le journal d’un haut fonctionnaire au service de l’État, artisan de la coopération franco-arabe et du maintien de rapports étroits avec Israël.
Denis Bauchard a été ambassadeur en Jordanie (1989-1993), directeur pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères (1993-1996), puis directeur de cabinet du ministre (1996-1997) et président de l’Institut du monde arabe (2002-2004). Désormais conseiller à l’Institut français des relations internationales (Ifri), il restitue dans ce livre, avec sympathie et lucidité, les pulsations du Moyen-Orient.
Quand il rejoint Beyrouth, en 1966, comme attaché financier, Denis Bauchard est saisi par l’acuité des problèmes de cette zone secouée par tant de crises, de la guerre israélo-arabe à la crise de Suez de 1956. Il arpente bien des pays, concentrant d’abord son regard sur les enjeux pétroliers, financiers et économiques, qu’il élargit ensuite aux questions géopolitiques, religieuses, culturelles et sociales. Il observe avec attention « le jeu mondial des pétroliers », titre de son ouvrage paru au Seuil en 1970, ce qui lui permet d’anticiper la crise de l’énergie et la montée des monarchies du Golfe. Il décrit un développement économique et social insuffisant, mais aussi l’émergence d’une société civile et l’aspiration démocratique révélée par les printemps arabes et le Hirak algérien. C’est au « cœur dangereux du monde » (Fernand Braudel), que la création d’Israël va bouleverser bien des équilibres. On a pensé que ce conflit allait encourager les pays arabes à mettre en commun leurs ressources. Cependant, au fil des années, ils ont conservé leur souveraineté et les États-nations sont devenus une réalité dans le monde arabo-musulman. La région a connu de multiples guerres et violences, l’émergence de milices organisées et la montée en puissance du terrorisme djihadiste. Denis Bauchard a suivi nombre de ces crises, de la guerre des Six Jours à la guerre du Golfe en 1990-1991. Devenu conseiller à l’Ifri, il n’a cessé de porter un regard vigilant sur l’affirmation de nouvelles puissances régionales, la perte d’influence des États-Unis et de l’Europe, le retour en force de la Russie et l’avancée discrète mais efficace de la Chine.
Son livre est à la fois une leçon de diplomatie, une réflexion historico-politique et le journal d’un haut fonctionnaire au service de l’État, artisan de la coopération franco-arabe et du maintien de rapports étroits avec Israël. C’est bien cette approche ouverte, équilibrée, réaliste qui définit la politique arabe de la France. En orfèvre, il la caractérise ainsi : « Affirmation d’une politique indépendante ; reconnaissance des pays du Sud comme interlocuteurs valables de la vie internationale ; affirmation que la France a, en Méditerranée comme au Moyen-Orient, des intérêts majeurs ; souci d’établir des relations de confiance avec les pays sous souveraineté française ; volonté de régler les problèmes par le dialogue et d’éviter toute intervention militaire illégale au regard du droit international ; réticences à l’égard de la politique des sanctions qui ne devraient être utilisées qu’à titre exceptionnel ; politique équilibrée entre Israël et les pays arabes et établissement de partenariats avec les pays de la zone. » Certes, l’activité diplomatique s’inscrit dans un environnement nouveau et difficile, mais elle vise toujours à représenter la France, protéger ses intérêts, négocier avec les représentants des pays d’accueil, s’informer par tous les moyens « licites », promouvoir des relations amicales et développer les relations économiques.