
Jean-Luc Nancy, cœur pensant
Professeur de philosophie à l'Université de Strasbourg et membre du Collège international de philosophie, auteur de nombreux essais sur l'art et la littérature, la communauté ou encore le corps, Jean-Luc Nancy s'est éteint le lundi 23 août, à l'âge de 81 ans.
Le corps de Jean-Luc Nancy repose désormais dans le cimetière Nord de la Robertsau, à Strasbourg, la ville où il était venu enseigner la philosophie. Il y repose avec ce cœur qu’il avait reçu en lieu et place du sien qui, avait-il écrit, lui était devenu étranger. « Un cœur qui ne bat qu’à moitié n’est qu’à moitié mon cœur1 » ou encore « Si mon propre cœur me lâchait, jusqu’où était-il le “mien” et mon “propre” organe ». Il y repose avec ce cœur transplanté dont il avait dit, pour en signifier l’étrangeté, qu’il était peut-être celui d’une femme noire. Il s’exprimait ainsi pour dire qu’être, c’était dès lors, pour lui, être avec un autre. Cet « intrus » avait été convoqué par l’intrusion préalable de l’étrangeté de son « propre » cœur… Nancy l’avait raconté comme s’il le racontait pour lui. Ce faisant, il le disait pour nous. Nous ne sommes nous-mêmes que par l’intrusion de l’étrangeté – non pas seulement selon le titre d’un livre de Paul Ricœur « soi-même comme un autre », mais soi-même avec un autre. De cet « avec » qui constitue la communauté, de cet « avec » qui en hébreu biblique s’écrit en deux lettres (ayin-mem) qui désignent aussi le « peuple ».
Ce cœur autre de Jean-Luc Nancy faisait communauté par sa capacité de se rendre présent à l’autre, avec la justesse de l’écart nécessaire pour qu’une relation s’établisse et vive, et plus encore pour que cette vie se