
L'écologie politique existe-t-elle ?
L’écologie ne peut se contenter d’être scientifique ; il lui faut aussi être politique. Dès lors, elle doit faire place à ce qui divise, aux intérêts et aux conflits. Donner leur place aux contenus sociaux des contraintes écologiques, c’est rouvrir la possibilité d’une action politique autonome.
En novembre 2017, un manifeste, signé par plus de quinze mille scientifiques, a attiré l’attention sur l’état de la planète, l’ampleur des détériorations qui l’affectent et la nécessité pour l’humanité entière de changer de comportement afin d’éviter la catastrophe menaçante1. Vingt-cinq ans plus tôt, en 1992, une mise en garde du même genre, signée de nombreux Prix Nobel, avait souligné l’urgence de l’action : « Si nous voulons éviter de grandes misères humaines, il est indispensable d’opérer un changement profond dans notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle2. » Déjà en 1971, dans l’appel de Milan (publié dans toutes les langues du monde par le bulletin de l’Unesco), « 2 200 savants » lançaient le même type d’avertissement à la population mondiale de l’époque, les « trois milliards et demi de Terriens3 ». Dans cette succession d’appels, les scientifiques ne servent pas seulement de lanceurs d’alerte, ils présentent aussi un diagnostic de l’état de la planète et proposent une série de mesures pour corriger la situation. Mais quel que soit l’appui scientifique de ces mesures, elles font appel aux pouvoirs politiques pour être appliquées. L’écologie ne peut se contenter d’être scientifique ; il lui faut aussi être politique. En quoi est-ce que cela l’affecte ? Les appels des scientifiques s’adressent à l’humanité entière et tablent sur un consensus aussi large que possible : ce qui nous unit compte plus que ce qui nous sépare, disait l’appel de Milan ; il nous faut taire nos mesquines différences. En devenant politique, l’écologie ne doit-elle pas, au contraire, faire place à ce qui divise, aux intérêts, aux conflits ? Mais comment comprendre ceux-ci ?
Écologies scientifique et politique
Chronologiquement, l’écologie scientifique est première. Le nom en a été forgé (sur la racine grecque oïkos, qui est aussi celle de l’économie) en 1866, par un biologiste allemand, Ernst Haeckel, pour désigner la science des relations des êtres vivants avec leur milieu, et la discipline s’est développée au xxe siècle (avec, notamment, l’introduction du concept d’écosystème par Arthur G. Tansley, en 1935). Mais la distinction entre écologie scientifique et écologie politique se marque dans l’existence des deux substantifs et des adjectifs correspondants : les écologues font de la science, les écologistes font de l’écologie politique.
Certes, on peut considérer que les humains, en tant qu’êtres vivants, peuvent être étudiés, comme tous les autres organismes, dans leurs relations avec leurs milieux et d’autres êtres vivants. Mais l’écologie de l’espèce humaine a ceci de particulier que les relations des hommes à leur environnement social et naturel font l’objet d’une organisation et de projets de transformation conscients, ce qui la rend politique. Ces projets peuvent être divers et, pour être menés à bien, font appel à des connaissances scientifiques, y compris, quand la relation avec le milieu naturel devient particulièrement préoccupante, à l’écologie scientifique. Mais celle-ci ne représente qu’une discipline parmi d’autres. Le Giec, cet organisme international d’experts scientifiques chargés d’évaluer les risques liés au changement climatique, d’en anticiper les conséquences et de proposer différentes stratégies permettant d’y faire face, comprend plus de climatologues, de géologues ou d’économistes que d’écologues.
En dépit de ce que semble indiquer la chronologie, il ne faut donc pas se demander comment l’écologie, comme science, peut fournir une doctrine applicable à la situation présente (à la façon dont le marxisme pouvait se présenter comme science de la lutte des classes et des révolutions, du socialisme et du communisme), mais comprendre comment les politiques en charge du traitement de la situation écologique font appel à une grande variété de disciplines scientifiques.
C’est dans cette perspective qu’André Gorz distingue deux écologies. L’une, qu’il appelle « l’écologie scientifique », se donne pour objectif de corriger les excès du capitalisme en calculant les seuils à ne pas franchir sous peine de dégrader la biosphère. L’autre, « l’écologie politique », a pour objectif un nouveau modèle de civilisation capable de transformer les rapports des hommes entre eux, à leur environnement et à la nature4.
Ce qui distingue l’écologie politique des connaissances scientifiques auxquelles elle peut faire appel, c’est sa capacité à élaborer un projet de société différent des modèles en vigueur. Un tel projet vise à transformer à la fois les rapports sociaux et les rapports des hommes à la nature. C’est ce qui le distingue d’autres projets politiques d’altérité sociale, comme le socialisme, qui ne portent explicitement que sur les rapports des hommes entre eux. Mais cela fait aussi la différence de l’écologie politique avec le souci de protection de la nature. Ce souci, apparu dans les pays occidentaux, des deux côtés de l’Atlantique, dans la seconde moitié du xixe siècle, visait à mettre des espaces naturels – grâce, notamment, à la création de parcs nationaux – à l’abri des transformations induites par le développement urbain et industriel. Mais celui-ci n’était pas directement remis en cause. L’écologie politique considère au contraire qu’il ne s’agit pas de deux domaines séparés : si le rapport de l’homme à la nature passe par l’homme, comme disait Marx dans l’Idéologie allemande, on ne peut changer les rapports des hommes à la nature sans transformer les rapports des hommes entre eux et réciproquement. Toute la question porte sur l’importance et l’étendue de ces transformations.
Minimum et maximum
L’écologie politique, comme projet global de transformation des rapports sociaux des hommes à la nature, émerge dans les années 1970, avec, en 1972, la publication du rapport Meadows (faisant apparaître les conséquences écologiques globales qu’aurait la poursuite indéfinie de la croissance économique5) et la mise en place, après la conférence de Stockholm, du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), qui va très rapidement rencontrer le problème des rapports entre protection de la nature et développement des pays les plus pauvres. C’est aussi à cette époque que les pays se dotent de ministères de l’Environnement – ou de l’Écologie – et que différents partis verts se créent. Mais les projets ainsi engagés le sont, d’emblée, sous une double forme : entre un minimum et un maximum.
La distinction que fait Gorz entre deux écologies n’est pas seulement celle de la science et de la politique ; elle scinde la politique entre deux façons de faire de l’écologie. L’écologie scientifique (qu’il désigne parfois comme « écologisme ») consiste en une intégration, par le capitalisme dominant, d’un certain nombre de contraintes écologiques dans la production économique et l’action technique. Cela ne remet en cause ni l’industrialisme, ni la recherche du profit, mais cela en « ménage » le cours, c’est-à-dire, finalement l’économise (il s’agit toujours de faire mieux avec moins). L’écologie politique (parfois « l’écologie » tout court) est un « projet de civilisation », une véritable rupture avec les modèles existants.
C’est à une distinction de même type que procède Arne Næss dans son célèbre article de 1973, où il distingue entre une écologie « superficielle » (shallow) et une écologie « profonde » (deep) : l’une se préoccupe de remédier, par des moyens techniques, aux pollutions et à l’épuisement des ressources, tout en maintenant le bien-être des pays nantis, l’autre cherche à modifier l’ensemble des relations des hommes à leur environnement6. Sans doute Arne Næss accorde-t-il beaucoup plus d’importance à la nature et aux droits des êtres naturels (il parle d’« égalitarisme biosphérique ») que ne le fait Gorz, assez méfiant sur ce point, mais il ne s’en tient pas là. Dans Écologie, communauté et style de vie, il met l’accent sur la dimension sociale et politique de l’écologie7. La distinction entre des remèdes superficiels aux problèmes écologiques et une transformation de fond de notre mode de vie est donc commune à Næss et à Gorz. Andrew Dobson distingue, lui aussi, entre l’« environnementalisme », une approche « managériale » des problèmes environnementaux qui peuvent être résolus sans qu’il soit nécessaire de modifier les modes de production et de consommation, et l’« écologisme », pour lequel rien ne peut se faire sans changer radicalement nos rapports à la nature et nos modes de vie politiques et sociaux8. Les termes employés changent, mais la tension est toujours la même, entre un minimum et un maximum.
Aussi la retrouve-t-on lorsque les pays se dotent de cadres politiques pour l’action écologique. La stratégie de développement durable proposée par le rapport Brundtland en 19879 et adoptée par le Sommet de la Terre réuni par les Nations unies à Rio en 1992, avec l’articulation entre les trois pôles social, économique et environnemental, se partage entre sa version faible (qui accepte la substitution du capital technique au capital naturel, du moment que la valeur totale est maintenue) et la version forte (ou durable) qui exige le maintien du capital naturel. Mais ces deux versions peuvent être réunies dans un commun rejet par les théoriciens de la décroissance, pour qui le « développement durable » est un oxymore10. Cette version maximaliste peut mieux s’accorder avec l’idée d’une transition écologique, comme accès à un changement réel de système, et pas seulement une façon de faire durer plus longtemps ce qui existe déjà. Mais, à son tour, la transition écologique se déploie entre deux pôles : celui, minimaliste, d’une transition énergétique (substituer les énergies renouvelables aux énergies fossiles) et celui, maximaliste, d’une modification de fond en comble de nos formes de vie.
Cette tension entre le faible et le fort est si prégnante que même ceux qui, comme Luc Ferry, n’hésitent pas à appliquer le principe schmittien de la désignation de l’ennemi pour faire de l’écologie politique l’héritière du nazisme et y voir la nouvelle menace totalitaire, veulent quand même conserver la possibilité d’une politique écologique et distinguent donc, de la deep ecology ou de l’écologie radicale diabolisée, une écologie « humaniste » ou « démocratique » que le libéralisme peut intégrer11. Ceux qui, comme certains milieux d’affaires américains, suivis en cela par le président Trump, nient tout simplement l’existence du changement climatique, pour n’en faire qu’un complot des ennemis de l’Amérique, sont favorables à des techniques de géo-ingénierie, comme l’envoi de particules de soufre dans l’atmosphère, pour faire baisser la température.
Ce n’est certainement pas autour d’un minimalisme écologique que se formera le large consensus auquel aspirent les scientifiques qui lancent des appels à l’humanité. La conscience écologique de la gravité de la dégradation de nos rapports à la nature ne suspend ni les luttes sociales, ni les conflits d’intérêts : chaque partie en présence (riches et pauvres, Nord et Sud) fait tout ce qu’elle peut pour que l’autre partie supporte le poids des politiques écologiques. Parce que l’écologie est politique, elle est conflictuelle. Mais ce conflit n’est pas réductible à un antagonisme simple. Quelles que soient les tentatives pour faire de l’écologie politique un combat entre deux camps, soit selon les lignes préexistantes de la lutte des classes12, soit comme un affrontement nouveau entre « Humains » et « Terriens13 », elles passent à côté de ce qui caractérise l’écologie politique. Politique en ce qu’elle vise le rassemblement, elle ne dresse pas deux camps l’un contre l’autre, mais elle oscille entre un pôle minimaliste et un pôle maximaliste.
Malgré les accords réalisés sur le climat depuis 1992, les émissions de CO2 n’ont cessé de croître, et quand elles ont un peu ralenti, c’est pour des raisons extérieures aux politiques climatiques : la crise financière de 2008, notamment. Peut-on qualifier ces résultats négatifs comme une défaite (issue de l’affrontement, sur le modèle militaire, entre deux camps) ou comme un échec (qui suppose qu’on a quand même fait quelque chose) ? Plutôt une impuissance qui se manifeste, avant toute constatation des effets des politiques (ou de leur absence), comme la difficulté à mettre l’écologie à l’ordre du jour politique. « L’écologie a du mal à trouver sa place dans le champ politique14 », que celui-ci s’appréhende dans la diversité de ses institutions et de ses niveaux, ou dans celle de ses modes de représentation des forces politiques (représentation parlementaire, diversité des partis). Les objectifs applicables par les gouvernements en place (la version minimaliste) se trouvent en effet aisément supplantés par d’autres objectifs, sociaux ou économiques, qui font partie des politiques traditionnelles et sont soutenus par des forces sociales ou politiques bien installées (partis ou syndicats). Dans un champ politique saturé de conflits et de traditions, l’écologie est une intruse et les tentatives pour lui donner sa place à partir de modèles préexistants (celui du social, le plus souvent) se révèlent vaines ou insuffisantes.
On fera alors valoir que ces mesures fragmentaires et limitées ne suffisent pas, qu’il faut se situer au niveau d’un projet global et envisager un changement radical. Mais comment dire cette radicalité ? Depuis le xixe siècle, le vocabulaire du changement politique radical est celui de la révolution et du remplacement du capitalisme par le socialisme. Mais le mot de « révolution » s’est complètement dévalué en étant capturé, à un niveau infra-politique, par l’annonce répétée de révolutions technologiques qui n’apportent aucun changement majeur, et le terme de « transition » (l’idée qu’on ne peut pas changer de système d’un seul coup, qu’il faut des mesures intermédiaires) paraît bien faible pour assurer la succession de la « révolution » déchue. Quant au socialisme – ou à l’idée que l’on s’en fait le plus souvent –, apportera-t-il vraiment une solution aux dégradations écologiques que le capitalisme a provoquées ? Capitalisme et socialisme partagent une même foi non interrogée dans le progrès technique et dans un productivisme qui repose cependant sur un assujettissement de la nature15. Mais peut-on vraiment s’en prendre à un capitalisme qui a su absorber et retourner à son profit les critiques qui lui ont été adressées, à tel point que beaucoup en viennent à penser que ce que nous prenons pour une régulation écologique, difficilement et tardivement arrachée, n’est en fait qu’un instrument au service du développement sans entrave d’une économie qui s’empare du vivant ? Comme l’a remarqué Fredric Jameson, « de nos jours, il semble plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme16 ».
Et c’est bien là qu’intervient le catastrophisme qui, pour nombre d’écologistes, n’est pas seulement un artifice méthodologique (comme le « catastrophisme éclairé » de Jean-Pierre Dupuy17), mais une réalité ontologique, notre horizon ou notre destin.
Échapper au catastrophisme
Le catastrophisme est l’irruption que Gaïa menace de faire inopinément dans nos vies18, la condamnant sinon à une destruction immédiate, du moins à une telle réduction des possibles qu’il n’y aura plus de place que pour un lent effondrement de nos existences appauvries19. Alors que Marx saluait les communards qui avaient osé monter à l’assaut du ciel, c’est le ciel, c’est-à-dire la biosphère, qui nous donne à lire ce que nous pouvons ou, plutôt, ce que nous ne pouvons plus faire. Le catastrophisme naturalise notre impuissance en la projetant au niveau planétaire.
Aussi donne-t-il la parole et l’autorité aux scientifiques. C’est à eux qu’il revient, comme l’ont fait Johan Rockström et son équipe du Stockholm Resilience Center20, de présenter les limites globales du système-Terre (changement climatique, érosion de la biodiversité, perturbations des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore, modifications des usages des sols, utilisation d’eau douce, diminution de la couche d’ozone atmosphérique, acidification des océans) et de les actualiser régulièrement. Il leur appartient également (ils jugent qu’ils ont la compétence pour ce faire) de proposer un certain nombre de mesures que les politiques n’auront plus qu’à appliquer. L’appel des quinze mille scientifiques propose ainsi de « déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital ».
Déjà, en 1973, Georges Canguilhem avait mis en garde ceux qui, réduisant l’environnement ou le monde vécu dans sa dimension sociale et historique au seul milieu biophysique, s’exposaient à dissimuler, « sous les apparences d’une rupture d’équilibre biologique, la crise d’un système de rapports économiques de production21 ». Considérer la taille de la population humaine comme une donnée physico-biologique dont on peut fixer la grandeur, c’est effectivement faire de l’idéologie, c’est-à-dire occulter la dimension politique et sociale des données démographiques (tous les humains ne pèsent pas du même poids sur la Terre) en faisant passer pour une vérité scientifique ce qui est un jugement politique. C’est faire peser la responsabilité de la crise écologique sur une démographie galopante, qui est celle des pays pauvres. De plus, ainsi présentée, une telle mesure ne peut être réalisée qu’autoritairement, ce que Gorz qualifiait de « technofascisme22 ».
L’écologie politique fait appel aux sciences. Cela pose le problème de la place que l’on peut accorder à la parole des experts dans la démocratie23. Mais cela peut-il suffire à empêcher les dérives autoritaires d’une « expertocratie » qui, faisant de la politique l’application de connaissances scientifiques, met en cause l’autonomie politique ? Donner leur place aux contenus sociaux des contraintes écologiques, c’est rouvrir la possibilité de la politique, d’une action politique autonome.
Joan Martinez Alier et son équipe sont en train de dresser un « Atlas global de la justice environnementale » qui répertorie, à travers le monde, les conflits environnementaux autour de questions de distribution. L’hypothèse en est celle de l’écologisme des pauvres, c’est-à-dire de l’existence, dans diverses parties du globe, de luttes des populations les plus pauvres pour leur survie24. Cette hypothèse va de pair avec un choix en faveur de la décroissance : le projet vise aussi à étudier les relations entre ces mouvements pour la justice environnementale globale et les mouvements décroissants. Il ne s’agit pas de déterminer a priori les limites des actions, mais de comprendre comment ces luttes locales modifient le métabolisme social dans lequel elles s’insèrent. Ce sont des mouvements en lutte et des compétences qu’y révèlent ceux qui s’y engagent que viennent les connaissances réunies par les participants au projet.
À l’impuissance politique dont le catastrophisme projette notre image naturalisée, ouvrant la voie à l’autoritarisme scientifique, la réalité des mouvements en lutte comme la diversité des initiatives écologiques citoyennes opposent la possibilité de l’autonomie politique. Mouvements de lutte contre les inégalités environnementales, nouvelles formes d’économie solidaire, mise en place de circuits locaux liant production et consommation, façons de produire qui sont aussi des façons d’expérimenter d’autres modes de vie, comme la permaculture, mobilisations autour de la question animale ou de l’alimentation : la transition écologique s’engage dans un foisonnement d’expériences. Il est déjà possible de vivre autrement, et de façon plus écologique, à l’intérieur du capitalisme. Ces expériences sont à la fois des façons de vivre autrement et des expériences démocratiques, d’actions autonomes et égalitaires. La démocratie n’y est pas un moyen pour obtenir des résultats extérieurs à la sphère politique : c’est en vivant autrement que l’on pratique la démocratie. Pour que ces expériences puissent être mises en réseau, qu’elles ne restent pas des « hétérotopies », des îlots d’altérité sociale et écologique dans un océan productiviste, la démocratie ne doit pas se comprendre seulement comme des institutions, ni même comme des contre-pouvoirs, mais comme une forme de vie25. L’écologie politique s’invente ainsi, à l’écart des polarisations entre maximum et minimum, entre les luttes environnementales et la désobéissance civile.
Note
- 1.
BioScience et Le Monde du 13 novembre 2007.
- 2.
Union of Concerned Scientists, “World Scientists’ Warning to Humanity”, 1992 (www.ucsusa.org).
- 3.
« SOS environnement », Le Courrier de l’Unesco, juillet 1971, p. 4-6.
- 4.
Voir André Gorz, Écologie et politique, Paris, Seuil, 1978, p. 40 et « L’écologie politique, entre expertocratie et autolimitation », repris dans Écologica, Paris, Galilée, 2008, p. 43-70.
- 5.
Donella Meadows, Dennis Meadows et Jorgen Randers, les Limites à la croissance (dans un monde fini) [1972], traduit par Agnès El Kaïm, Paris, Rue de l’Échiquier, 2012.
- 6.
Arne Næss, “The Shallow and the Deep, Long Range Ecology Movement : A Summary”, Inquiry, vol. 16, no 1, 1973, p. 85-100.
- 7.
A. Næss, Écologie, communauté et style de vie [1989], traduction par Charles Ruelle, révisée par Hicham-Stéphane Afeissa, Paris, Éditions MF, 2008.
- 8.
Andrew Dobson, Green Political Thought, Londres et New York, Routledge, 1995.
- 9.
Commission mondiale sur l’environnement et le développement, présidée par Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous, 1987, disponible sur www.diplomatie.gouv.fr.
- 10.
Voir Agnès Sinaï (sous la dir. de), Penser la décroissance. Politiques de l’anthropocène, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.
- 11.
Voir Luc Ferry, le Nouvel Ordre écologique, L’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Grasset, 1992.
- 12.
Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique, Paris, La Découverte, 2014, p. 13.
- 13.
Bruno Latour, Face à Gaïa. Huit conférences sur le régime climatique, Paris, La Découverte, 2015.
- 14.
Lucile Schmid, La France résiste-t-elle à l’écologie ?, Lormont, Le Bord de l’eau, 2016, p. 5.
- 15.
Voir Jason W. Moore, Capitalism in the Web of Life : Ecology and the Accumulation of Capital, Londres et New York, Verso, 2015.
- 16.
Fredric Jameson, “Future City”, New Left Review, no 21, mai-juin 2003.
- 17.
Jean-Pierre Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Seuil, 2002
- 18.
Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, Paris, La Découverte, 2009.
- 19.
Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Paris, Seuil, 2015.
- 20.
Johan Rockström et al., “A Safe Operating Space for Humanity”, Nature, no 461, septembre 2009, p. 472-475.
- 21.
Georges Canguilhem, « La question de l’écologie. La technique ou la vie » [1973], dans François Dagognet (sous la dir. de), Considérations sur l’idée de nature, Paris, Vrin, 2000, p. 187.
- 22.
A. Gorz, Écologie et politique, op. cit., p. 24.
- 23.
Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique, Paris, Seuil, 2010.
- 24.
Joan Martinez Alier, l’Écologisme des pauvres. Une étude des conflits environnementaux dans le monde, traduit par André Verkaeren, Paris, Les Petits Matins/Institut Veblen, 2014.
- 25.
Voir Sandra Laugier et Albert Ogien, le Principe démocratie. Enquête sur les nouvelles formes du politique, Paris, La Découverte, 2014 et Antidémocratie, Paris, La Découverte, 2017.