
Troubles dans l’élevage
Deux romans explorent les scandales de la consommation de viande dans les sociétés industrielles, dans la Belgique contemporaine chez Gil Bartholeyns et dans l’Argentine du futur chez Agostina Bazterrica. Au centre de chacun d’eux, un homme confronte le vide de son existence à l’absurdité du système qu’il doit inspecter.
S’il y a un problème dans l’élevage industriel des animaux à des fins de consommation humaine, comment la littérature peut-elle en rendre compte ? La sociologie a décrit les formes d’aliénation dans le travail des hommes avec les animaux[1], tandis que la philosophie a conceptualisé les ruptures du contrat domestique qui permet d’attribuer aux animaux des droits[2]. La littérature peut recourir à la fiction pour changer notre point de vue sur le geste apparemment banal qui consiste à manger de la viande résultant de l’abattage industriel d’animaux.
Deux romans parus à la rentrée littéraire 2019 explorent les scandales logiques de la consommation de viande dans les sociétés industrielles, mais ils le font avec des procédés symétriquement inverses. Le roman de Gil Bartholeyns, Deux kilos deux[3], est un polar alternant des scènes de vie ordinaire et des méditations métaphysiques sur l’élevage des animaux par des humains. Celui d’Agustina Bazterrica, Cadavre exquis[4], est une « dystopie » décrivant un monde où les humains sont élevés et abattus comme des animaux. Au centre de chacun de ces romans, un homme confronte le vide de sa propre existence à l’absurdité d’un système industriel dont il doit se faire l’inspecteur.
Il ne s’agit pas cependant d’enquêtes au sens juridique ou ethnographique, car