
Lignes d’univers
Métamorphoses des vies urbaines
Un physicien italien et une philosophe française écrivent d’une seule écriture un ouvrage qui, en sept chapitres brefs menés tambour battant, saisit le fait urbain contemporain et en dégage les « lignes d’univers » qu’affectionnent Deleuze et Guattari. Si la ville s’avère historiquement un lieu de liberté, la privatisation rampante, en cours, de ses espaces publics et de ses services en altère la dimension démocratique et accroît les murs (réels ou invisibles) au cœur de son territoire, à tel point qu’elle semble pestiférée. Cette image de la peste qui guette la ville est une métaphore puissante pour dénoncer le risque d’écocide qui menace toutes les réalisations humaines livrées à l’hubris. Pour les auteurs, c’est le milieu urbain qui est attaqué et doit se métamorphoser afin de se maintenir en devenant autre, mais les interrelations entre ses divers éléments constitutifs peuvent aussi bien dégénérer que reconfigurer les territoires et faire « milieu », où les humains et le vivant coopèrent. Le dérèglement climatique et ses réfugiés, l’aggravation des pollutions, les dégâts du productivisme, l’augmentation des inégalités sociales et économiques, la globalisation qui brouille ce qui relève du local et du global, la dépendance accrue aux réseaux et aux data-manipulations ne peuvent être contrecarrés que par l’avènement de la cosmopolis dont les lignes d’univers constituent l’armature adaptable et organique. Ces « lignes d’univers citoyennes » ne sont pas des flux, mais des démultiplicateurs non hiérarchisés de sociabilités inédites et d’alternatives habitantes. Les auteurs, pour en prendre la juste mesure, appellent à un changement de paradigme : penser autrement le monde pour qu’il devienne autre.
Thierry Paquot