BANLIEUES. UNE ANTHOLOGIE
Parler de la banlieue, ou plutôt des banlieues comme l’indique le titre, peut paraître étrange alors qu’on évoque, dans le cas de la région Île-de-France, les première, deuxième voire troisième couronnes. De même, les interrogations sur le périurbain font oublier que la banlieue a correspondu à la « mise au ban » du centre urbain, la périphérie étant coupée du centre historique. Alors que les scénarios du Grand Paris optent le plus souvent pour l’échelle régionale, cette anthologie composée et présentée par Thierry Paquot (textes inédits ou difficilement trouvables d’Hervé Vieillard-Baron, Paul Meuriot, Henri Sellier, Pierre George, Georges Chabot, J.-F Gravier, Olivier Guichard, Paul-Henry Chombart de Lauwe et Annie Fourcaut… auxquels s’ajoutent les luxuriantes bibliothèque et filmothèque de Paquot) rappelle à bon escient que l’histoire spécifique de la banlieue parisienne réside dans cette coupure historique entre le centre et ce qu’il repousse à l’extérieur. Faut-il le rappeler ? Les fortifications de Thiers datent de 1860 (elles n’ont rien d’haussmanniennes et sont strictement militaires) et ne disparaissent qu’au milieu du xxe siècle au profit du boulevard des Maréchaux et d’espaces sociaux ou sportifs qui font barrière avec les communes environnantes. Penser Paris en dehors du centre historique, c’est imaginer la fin d’une double méfiance : celle de la banlieue envers Paris et surtout celle de la Ville Capitale envers sa banlieue. Bien sûr, l’ouvrage ne porte pas que sur la banlieue parisienne (voir le texte de Jean-François Gravier). Mais l’esprit de cette anthologie est donné par le titre d’Annie Fourcaut, l’historienne par excellence de la banlieue, « Pour en finir avec la banlieue ? ». Paquot risque pour sa part une réponse nuancée à l’heure du Grand Paris : « Est-ce la fin des banlieues ? Oui et non. Oui, comme myriade de municipalités, chacune faisant au mieux dans son coin. Non, culturellement, car il existera un décalage temporel entre une réalité politico-administrative (le Grand Paris) et ses représentations, ses imaginaires, ses vécus ordinaires. L’habitant de telle ville de banlieue continuera à se sentir de cette commune, tout en étant persuadé d’appartenir à une entité plus large. Le Parisien du Grand Paris restera encore un peu banlieusard. »
O. M.