
La mémoire autrement ?
Ernest Pignon-Ernest et les fantômes de l’histoire
Ernest Pignon-Ernest compte parmi les artistes qui interrogent la manière dont la mémoire est construite et mise en scène dans nos villes. Ses œuvres graphiques font le choix de l’éphémère plutôt que du pérenne et investissent l’espace pour y montrer un patrimoine oublié.
« Je travaille sur des villes, elles sont mon vrai matériau. Je m’en saisis pour leurs formes, leurs couleurs, mais aussi pour ce qui ne se voit pas, leur passé, les souvenirs qui les hantent1. »
Attaques et destructions de statues, dé-commémorations : la mémoire célébrée dans l’espace urbain par la statuaire publique suscite toujours plus de controverses et de polémiques depuis le printemps 2020, marqué par les déboulonnages. Devenues les symboles détestables de l’esclavage, certaines statues ne trouvent plus leur place dans l’espace public urbain. Plus généralement, ces monuments à la postérité, faits de marbre et de bronze, juchés sur de hauts piédestaux, interrogent. À bien des égards, ils semblent venus d’un autre âge. La politique de la mémoire dans l’espace public a traditionnellement fait le choix des matériaux nobles et pérennes, pour inscrire dans le temps la postérité d’un récit ou d’une figure historique. Ne serait-il possible, pour la mémoire collective, de faire le pari de l’éphémère ? Au lieu du marbre et du bronze, le papier et le fusain ? Au lieu d’une volonté patrimoniale, un geste artistique tourné vers sa fin et sa disparition ? Récemment, historiennes et historiens se sont largement exprimés sur le sujet. Mais les artistes aussi ont leur mot à dire.
Depuis plus de cinquante ans, Ernest Pignon-Ernest fait de ces questions la matière même de son œuvre