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Dans le même numéro

Élaboration d'une revue

mars/avril 2017

#Divers

De 1926 à 1936 puis de 1940 à 1942, Emmanuel Mounier (1905-1950) a rédigé des « entretiens » – transcriptions sur le vif ou de mémoire des rencontres auxquelles il participait. Ces comptes rendus, écrits parallèlement à son activité d’étudiant puis de directeur de revue, lui permirent, à des moments clés de son existence, de juger de l’opportunité de cultiver telle ou telle relation, de suivre telle ou telle voie, de sorte qu’ils constituent aussi de véritables dialogues avec lui-même.

Les Entretiens sont d’une valeur exceptionnelle pour qui désire mieux cerner la personnalité et l’action de Mounier. Ils le sont également pour qui s’intéresse à l’effervescence des années 1920-19401. Soucieux de comprendre son temps, Mounier est allé à la rencontre de toutes sortes de milieux en Europe, mais surtout en France qu’il parcourt de long en large. Il y croise les intellectuels les plus en vue dans les cercles de Jacques Chevalier, Jacques Maritain, Nicolas Berdiaeff, puis ceux qu’il regroupe lui-même autour d’ Esprit. Philosophes, écrivains, théologiens, historiens, éditeurs, politiques, ecclésiastiques, ou simples témoins, nombreux, arrachés à l’anonymat : tous sont approchés par Emmanuel Mounier dans un même souci de restituer la vérité de chaque personne.

Ces Entretiens viennent d’être publiés2. Nous en donnons ci-après des extraits qui concernent l’élaboration d’une revue qui ne s’appelle pas encore Esprit. Pour les besoins de ce numéro, les notes ont été réduites au strict minimum.

Y. R.

Le 7 décembre [1930], de la rue Saint-Placide au Palais Royal, nous parlons, Georges Izard3 et moi, de la Revue dont nous avons besoin. « Et pourquoi ne nous en chargerions-nous pas ? » Nous sommes rue de Valois.

22 février 1931

Nous parlons à Maritain4 de la Revue. Je lui ai écrit mon intention il y a deux jours. Il l’accueille avec son habituelle charité.

Problème éditeur. Desclée pensait remonter la Revue des jeunes5. Je soutiens qu’il ne faut pas un replâtrage, mais quelque chose de nouveau, et d’une autre qualité que la Revue des jeunes. D’autre part serions-nous libres chez Desclée, notamment pour le roman ? Maritain suggère un petit éditeur comme Corrêa6, qui croîtrait avec nous. Il faudrait lui apporter de l’argent. Rien à faire avec Grasset, qui ne veut pas de périodique, et lâche Vigile7. Je préférerais pour ma part une affaire indépendante, en société anonyme. Il faudrait 500 000 francs.

Collaboration. Le problème de l’aile gauche. Nous voudrions la laisser très ouverte, Maritain pense que malgré tout nous aurions à préciser des limites dès le départ. J’accepterais Jouhandeau, Malraux8 – Maritain hésite. D’autre part, il faut compter avec les gens comme Claudel, qui réclament 3 000 ou 4 000 francs pour quelques pages, ou comme Mauriac, qui mène son aventure individuelle, se préoccupe peu de ce qui se fait en dehors et de l’encourager : consentirait-il à nous donner pour ses romans la préférence sur la Revue de Paris9 ? Enfin, parmi les jeunes, belle équipe en philo, questions politiques, etc., peu de littérateurs10. « Ce qu’il vous faudra éviter, ce sont les idéologues venant avec des systèmes tout faits. Vous placer sur le terrain d’un certain positivisme, de quaestiones disputatae11. »

Avec Gabriel Marcel12, 21 avril 1931

Sur la revue, dont je lui parle une première fois.

Me conseille son ami Claude Aveline, Lucien Marsaux, Daniel-Rops13. Collaboration possible avec quelques philosophes : Le Senne, peut-être Nabert14, avec lesquels il pense pouvoir aller très loin. Plus difficile chez les romanciers.

Préfère l’éditeur non catholique.

Avec Daniel Halévy15, vendredi 5 juin 1931

Sur la revue, qu’il accepte de patronner, et nos intentions : « J’ai déjà vu cela plusieurs fois. C’est ce qu’avait en somme tenté Péguy. Ce que j’ai voulu faire aussi dans les Écrits, qui ont échoué… »

Avec Ramon Fernandez16, dimanche 21 juin 1931

G. Izard, Déléage17 et moi.

Nous rencontrons une sympathie très marquée. Ne fait qu’une réserve : « Vous avez beaucoup de catholiques. Je discerne bien ce que je pourrais vous donner pour ne pas les gêner. Mais si par ailleurs je suis amené à combattre le catholicisme, je ne voudrais pas que vous vous sentiez gênés. Mais outre les essais purement littéraires, il y a bien des choses sur lesquelles nous pourrions nous entendre, ne serait-ce que sur le soutien d’une tradition et la défense de certaines valeurs morales.

– Nous irions d’ailleurs loin, et nous ne redoutons pas des révolutionnaires.

– Oui, des révolutionnaires, je comprends très bien, il y a un passage avec le christianisme. Un rationaliste, c’est autre chose… »

« J’ai la conviction qu’il y a une très grande place à prendre, et puisque vous faites tomber mes craintes, je suis tout à votre disposition. Il n’y a rien qui rende la sonorité que vous cherchez. Europe18 se maintient sur le plan politique (que nous appelons un plan formel, précise Déléage). À la Nrf, malgré nos efforts à Paulhan19 et à moi pour y introduire des éléments un peu moins séparés, nous sommes toujours un peu esclaves des premiers directeurs, Gide, et l’esthéticisme de 1909. »

Sur les hommes :

G. Marcel. « Vous sera tout à fait précieux. C’est un esprit ouvert à tous. Malheureusement il se sacrifie à ce dévouement, à tous les livres qu’il accepte de lire, à tous les groupes qu’il accepte de suivre. »

Du Bos20. « Je vous mets en garde. Sa femme dit : “Charlie, c’est un Mussolini qui s’ignore.” Rivière21 a eu des ennuis terribles quand il fallait lui refuser quelque chose ; ils ont même contribué à ruiner sa santé. Un jour il nous envoie une critique se terminant ainsi : “X est parmi nous un Constant22 en permanence.” – N’oubliez pas qu’il a une revue refoulée. » Sur le groupe de L’Esprit23 : « C’était bien Politzer qui avait le plus d’étoffe. Très bien aussi Friedmann. Raymond Aron aussi, qui fait un essai pour se déphilosophiser actuellement. »

« Je suis tout à fait favorable à votre idée de donner des enquêtes, des faits, des documents. »

Nous suggère de publier un courrier comme les revues anglaises.

En nous quittant : « J’ai vu bien souvent, par métier, des jeunes “fondateurs de revues” ; jamais je n’ai eu l’impression que j’ai ressentie aujourd’hui devant vous. C’est autre chose… »

Avec Maritain, Gabriel Marcel, Berdiaeff, Jean Hugo, Izard, Déléage, Van der Meer, Lacombe24, mercredi 24 juin 1931

Première réunion entre aînés et jeunes.

– Question des chroniques. Maritain, Marcel très intéressés par l’idée que nous exposons.

– Limites. Maritain : « Il y aurait danger à vous arrêter à Fernandez, qui est un bourgeois de gauche. Puisque vous voulez que rien d’humain ne vous soit étranger, il faut pouvoir publier des extrêmes, à condition de pouvoir engager la conversation avec eux et leur répondre. Non pas des hommes que vous n’avez pas intérêt à publier, bien sûr, comme Bayet25, mais, par exemple, des révolutionnaires, nous sommes tout à fait d’accord. »

– Plus longue discussion sur nos limites dans l’œuvre littéraire. Déléage systématise notre tendance et refuse de reconnaître dans une œuvre une autre valeur que la valeur humaine. – Maritain : « Attention ! Le moralisme, défaut essentiellement français. Sens humain, valeur humaine, vous prenez tout le temps ce seul critère subjectif, vous oubliez l’objet. Rejetterez-vous un poète qui soit un vrai poète, parce qu’il n’a pas cette résonance humaine ? Éluard ? D’autant plus dangereux que très souvent – je pense à Satie – ce qui semblait d’abord un pur jeu révèle sa profonde qualité humaine par la suite. »

Nous essayons malaisément de préciser le critère moral dans le choix des romans. Je dis que j’aurais pris la Voie royale et non pas les Enfants terribles26. Or Marcel voit dans le premier surtout le sadisme alors que j’y lis en première ligne un sens prodigieux de la mort. Je dis et je répète que le choix est proprement indéfinissable ; on ne peut décider que sur des cas singuliers. De même que nous choisirons et rejetterons des œuvres, non pas des hommes. Que par ailleurs des limites beaucoup moins strictes se posent à nous dans le domaine littéraire, puisque nous ne sommes pas une école littéraire, que dans l’idéologie.

Avec L. Massignon27, dimanche 28 juin 1931

Entièrement favorable à la Revue. Craint que je ne sois surchargé et déçu : « Tout ce qu’il faut lire, et voir ! Je le fais pour La Revue des études islamiques, parce que personne autre ne peut le faire et j’en éprouve une impression de vomissement… […] Il faut bien vous dire que vous avancerez dans la solitude… Ce devoir de correction fraternelle auquel nous nous sentons obligés comme chrétiens fait le vide autour de nous. Mais c’est peut-être votre voie. Moi qui suis un ermite manqué, j’ai été lancé en pleins débats temporels. »

Le 6 [juillet], abbé Charles28

Réticent, un peu sceptique, mais de plus en plus détendu et confiant. Le nom de Maritain d’abord l’arrête : « M. Maritain est un chef d’école, mais je ne crois pas qu’il s’impose pour centrer un rassemblement. » Je le rassure. Le nombre des revues catholiques… Leurs difficultés… (« Deux directeurs de revue sont venus me voir en se plaignant de n’être pas soutenus. ») Reconnaît que La Revue hebdomadaire29 est sans grandeur, la Revue des jeunes sans équipe, et que La Vie intellectuelle, « organe d’un parti », déraille déplorablement depuis que le P. Bernadot s’en retire30. Mais voit la difficulté de se tenir entre l’esprit de parti et l’éclectisme : « Il y a l’Église qui réalise cela : le pourrez-vous ? Vous prenez Copeau, donc vous excluez Baty31, ce n’est qu’un exemple. Et je crois par ailleurs que ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui apportent des opinions très arrêtées. »

Nous parlons des survivances. « Oui, vous avez raison, une revue doit être l’organe d’une génération, et savoir mourir. Aussi ne regardez pas trop en avant, vers les hommes de notre âge. Vous serez d’autant plus sympathiques au Cardinal32 que vous resterez une entreprise de jeunes, il a pour elles une affection particulière, on la lui reproche même souvent. Écrivez-lui en octobre, par déférence… pour lui demander sa bénédiction si vous le voulez ; il ne pourra guère faire autre chose. Et puis, croyez-m’en, ne sollicitez pas trop les crosses, c’est meilleur pour ne pas recevoir de coups de crosses. Ne soyez pas cléricaux. »

Avec Jacques Copeau33, Pernand-Vergelesses, le 11 juillet 1931

Nous parlons bientôt de la revue. Je le vois se pencher depuis son passé, sur cette nouvelle expérience qui émerge. Un banc, deux générations qui conversent par-dessus l’abîme de la guerre.

« Vous avez raison de vouloir maintenir la qualité. C’est essentiel. C’est ce qui nous a sauvés aux débuts, à la Nrf, bien que cela donnât un peu une impression de raréfaction.

Voyez, c’est à cela qu’il faudrait arriver, à une vraie critique chrétienne, lucide, audacieuse, et en même temps pleine de charité. On pourrait dire ainsi bien des choses qui ne sont pas dites. On pourrait poursuivre le mal, jusque chez lui, et il le faut, sans blesser pourtant personne. Si on avait été ainsi pour Gide !

Et puis il faudrait un ton de gaîté, même dans les choses sérieuses. On ne sait plus être gai. »

Avec le P. Décisier34, 16 juillet 1931

Quelques indications sur les dangers possibles que pourrait courir la Revue du côté de l’orthodoxie.

« Vous aurez une formidable résistance des puissances d’inertie et de méchanceté. Comme je disais à un Père de l’Action populaire35 : “Au lieu de ramasser des crottes et de vous surmener à perdre votre temps, menez donc un travail d’ensemble sur la solution catholique des grands problèmes de ce temps. – Oui, me répondait-il, mais chaque fois que nous sortons quelque chose qui ressemble à une idée, cent dénonciateurs se précipitent au Saint-Office.” Encore ont-ils de la défense, et peuvent-ils répondre aux théologiens : “Pardon, armes égales, je suis théologien comme vous.”

Beaucoup de jeunes gens, de jeunes prêtres sentent le besoin d’une révision des valeurs, des valeurs sur lesquelles eux catholiques ont vécu jusqu’ici. Vous êtes une manifestation de ce besoin. Mais chez beaucoup il est désordonné. Vous risquez d’être entraînés dans un tourbillon dangereux. C’est à surveiller.

Il faudrait avoir un ou deux hauts personnages qui vous couvrent en toute occasion.

Nous-mêmes, aux Études36, nous sommes très inquiets. Le Pape marque une telle prédilection pour les jésuites que nous craignons beaucoup la réaction des autres ordres. »

  • 1.

    Dans Emmanuel Mounier et sa génération. Lettres, carnets et inédits (Paris, Seuil, 1956 ; rééd. Saint-Maur, Parole et Silence, 2000), Paulette Mounier a publié un certain nombre d’extraits de ces Entretiens. D’autre part, Michel Winock en a tiré parti pour l’écriture de son maître-ouvrage : Esprit. Des intellectuels dans la cité (Paris, Seuil, 1996).

  • 2.

    Emmanuel Mounier, Entretiens (1926-1944), présentation et édition critique de Bernard Comte, assisté d’Yves Roullière, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.

  • 3.

    Georges Izard (1903-1973), jeune avocat, vient d’achever avec Emmanuel Mounier et Marcel Péguy la Pensée de Charles Péguy (Paris, Plon, coll. « Le Roseau d’or », 1931 ; réédition Paris, Le Félin, 2015).

  • 4.

    Jacques Maritain (1882-1973) a accueilli dans sa collection « Le Roseau d’or » la Pensée de Charles Péguy. Emmanuel Mounier est devenu depuis peu un habitué du cercle de Meudon.

  • 5.

    Desclée de Brouwer soutient la Nouvelle Revue des jeunes, fondée en 1924, que l’ordre dominicain confie à des intellectuels laïcs. Les négociations d’Emmanuel Mounier et de ses camarades avec l’équipe de la Nrj et l’éditeur prennent une grande place dans les mois qui suivent.

  • 6.

    Roberto A. Corrêa a édité le Songe de Descartes de Maritain et les œuvres de Charles Du Bos.

  • 7.

    Vigile, tentative de Nrf catholique fondée en 1930 et dirigée par Charles Du Bos et François Mauriac, passe de Grasset à Desclée de Brouwer, et Charles Du Bos la tiendra seul jusqu’en 1933.

  • 8.

    Marcel Jouhandeau (1888-1979), romancier célèbre dès son premier livre, la Jeunesse de Théophile (Paris, Gallimard, 1921). André Malraux (1901-1976), romancier célèbre depuis les Conquérants (Paris, Gallimard, 1928). Aucun des deux ne collaborera à Esprit.

  • 9.

    La Revue de Paris (1829-1970) doit son succès durable à la publication de grandes œuvres romanesques en feuilleton.

  • 10.

    Dans la première équipe, les philosophes étaient Étienne Borne, Olivier Lacombe, Jean Lacroix et Emmanuel Mounier ; les « politiques » : Louis-Émile Galey, Georges Izard, Alexandre Marc, Jean Plaquevent et André Ulmann ; les « littérateurs » : André Déléage, Edmond Humeau (poètes), Pierre-Henri Simon (romancier).

  • 11.

    Jacques Maritain vient de créer avec Charles Journet la collection « Questions disputées » chez Desclée de Brouwer. Emmanuel Mounier y publiera De la propriété capitaliste à la propriété humaine (1936).

  • 12.

    Gabriel Marcel (1889-1973), philosophe, dramaturge, critique littéraire, connu depuis la parution de son Journal métaphysique (Paris, Gallimard, 1927).

  • 13.

    Claude Aveline (1901-1992), essayiste et romancier proche de la revue anarchisante Les Humbles. Lucien Marsaux (1896-1978), romancier suisse, auteur des Prodigues (Paris, Plon, 1930). Daniel-Rops (1901-1965), romancier et historien, proche de la Revue des jeunes : il est le seul des trois à avoir (un peu) collaboré à Esprit.

  • 14.

    René Le Senne (1882-1954), philosophe et psychologue, auteur d’une thèse, le Mensonge et le Caractère (Paris, Alcan, 1930), enseigne dans le secondaire. Jean Nabert (1881-1960), auteur d’une thèse, l’Expérience intérieure de la liberté (Paris, Puf, 1923), enseigne à Henri-IV. Aucun des deux ne collaborera à Esprit.

  • 15.

    Daniel Halévy (1872-1962), ancien ami de Péguy, animateur chez Grasset de la collection « Les Cahiers verts » (1921-1937), a lancé en 1927 un éphémère recueil périodique, Écrits. Il collaborera à Esprit.

  • 16.

    Ramon Fernandez (1894-1944), écrivain socialiste, spécialiste de Molière, de Newman et de Gide, dirige la Nrf avec Jean Paulhan. Il a publié un essai marquant pour Mounier : De la personnalité (Paris, Au sans pareil, 1928). Il ne collaborera pas à Esprit.

  • 17.

    André Déléage (1903-1944), historien et militant politique. Avec Georges Izard et Emmanuel Mounier, il fait partie du trio qui élabore la revue.

  • 18.

    Europe, née en 1923 sous l’égide du pacifiste Romain Rolland, est animée depuis 1928 par Jean Guéhenno, accueillant aux diverses gauches.

  • 19.

    Jean Paulhan (1884-1968) dirige la Nrf depuis 1925.

  • 20.

    Charles Du Bos (1882-1939), critique littéraire, spécialiste de Byron et d’André Gide, vient de publier le quatrième tome de ses Approximations (Paris, Corrêa, 1930), recueil d’essais sur des auteurs anciens et modernes. Il ne collaborera pas à Esprit.

  • 21.

    Jacques Rivière (1886-1925), essayiste et romancier, dirigea la Nrf de 1919 à sa mort.

  • 22.

    Un être versatile, tel Benjamin Constant rallié à Napoléon après l’avoir honni.

  • 23.

    La revue L’Esprit (2 numéros en 1926 et 1927) rassemblait de jeunes philosophes marxistes dont Georges Politzer (1903-1942) et Georges Friedmann (1902-1977), ainsi que des spécialistes de Marx comme Raymond Aron (1905-1983), proche de la Sfio. Aucun ne collaborera à Esprit.

  • 24.

    Nicolas Berdiaeff (1874-1948), philosophe russe, exilé à Paris. Emmanuel Mounier fréquente son cercle à Clamart. Jean Hugo (1894-1984), peintre et décorateur, proche de Maritain. Pierre Van der Meer de Walcheren (1880-1970), éditeur chez Desclée de Brouwer. Olivier Lacombe (1904-2001), philosophe et indianiste, proche de Maritain. Seuls Berdiaeff et Lacombe collaboreront à Esprit.

  • 25.

    Albert Bayet (1880-1961), sociologue et philosophe à la Sorbonne, radical-socialiste.

  • 26.

    La Voie royale, d’André Malraux, Paris, Gallimard, 1930 ; les Enfants terribles, de Jean Cocteau, Paris, Grasset, 1929.

  • 27.

    Louis Massignon (1883-1962), islamologue, a fondé en 1926 la Revue des études islamiques après son installation au Collège de France.

  • 28.

    Eugène Charles (1875-1948), secrétaire de l’archevêque de Paris et secrétaire adjoint du conseil de vigilance de l’archevêché.

  • 29.

    La Revue hebdomadaire, organe catholique conservateur créé par Plon en 1892.

  • 30.

    Marie-Vincent Bernadot (1883-1941), fondateur en 1928 de La Vie intellectuelle, revue généraliste, est malade. Ses successeurs abandonnent la ligne maritainienne, thomiste, au profit de celle de l’Action catholique. Emmanuel Mounier y collaborera trois fois entre 1930 et 1932.

  • 31.

    Gaston Baty (1885-1952) défend un théâtre onirique, opposé à celui, réaliste, de Jacques Copeau.

  • 32.

    Jean Verdier (1864-1940), archevêque de Paris depuis 1929, opposant à l’Action française et promoteur de l’Action catholique.

  • 33.

    Jacques Copeau (1879-1949), homme de théâtre, cofondateur de la Nrf, s’est retiré avec sa troupe, Les Copiaus, en Bourgogne. Il ne collaborera pas à Esprit.

  • 34.

    Auguste Décisier (1878-1963), jésuite, aumônier de 1910 à 1937 de la jeunesse (Association catholique de la jeunesse française, Acjf) à Grenoble, y a créé le Centre catholique universitaire, où Emmanuel Mounier l’a connu.

  • 35.

    L’Action populaire, œuvre jésuite créée en 1902, édite trois périodiques : Revue de l’Action populaire, Le Mouvement social et L’Année sociale internationale. C’est l’un des principaux foyers de la pensée catholique sociale en France.

  • 36.

    Revue généraliste jésuite fondée en 1856, Études, après avoir sympathisé avec l’Action française, a suivi Pie XI dans sa condamnation du mouvement de Maurras à partir de 1929.

Emmanuel Mounier

(1905-1950) Né à Grenoble le 1er avril 1905 de parents modestes d’ascendance paysanne et fervents chrétiens, il fait des études de philosophie marquées par l’enseignement et l’amitié de Jacques Chevalier (1924-1927), dont il tient un temps le secrétariat. Il s’agrège au « groupe de travail en commun » formé autour du philosophe catholique, subventionné par le Lyonnais Victor Carlhian et animé…

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