Simone Weil, l'Enracinement, la décolonisation
Écrit alors qu’elle travaillait dans les services de la France libre, l’Enracinement ne traite pas seulement de la Résistance et de la reconstruction du pays. C’est une méditation paradoxale sur la politique : vouée aux rapports de force et à la lutte, la politique est dénuée de grandeur. Pourtant, sans elle, les valeurs spirituelles risquent de disparaître. Mais l’éloge de la Résistance française ne doit pas faire oublier les dommages de la colonisation et la condition des prolétaires, ce que le concept d’enracinement permet de penser d’un même mouvement.
C’est dans les services de la France libre à Londres que Simone Weil, travaillant pour le Comité général d’études, l’organe de réflexion du Conseil national de la Résistance à qui est confiée la mission de préparer la réorganisation politique, administrative, institutionnelle et économique de la France, écrit en 1942 et 1943 plusieurs textes réunis dans les Écrits de Londres, ainsi que l’Enracinement, son deuxième livre, publié en 1949 par Albert Camus qui le décrit ainsi :
On lui demande en 1943 un rapport sur la situation morale de la France et elle écrit le livre publié aujourd’hui sous le titre l’Enracinement, véritable traité de civilisation. […] Ce livre, un des plus importants, à mon sens, qui ait paru depuis la guerre, jette aussi une lumière puissante sur l’abandon où se débat l’Europe. Et il fallait peut-être la défaite, l’hébétude qui l’a suivie et la méditation taciturne que tout un peuple a poursuivie dans les années obscures, pour que des idées aussi inopportunes, des jugements qui renversent tant d’idées reçues, qui ignorent tant de préjugés, puissent trouver enfin chez nous leur exact retentissement. […] Il me paraît impossible en tout cas d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies dans l’Enracinement1.
Ce livre, comme le concept qui lui donne son titre, est cependant difficile à cerner, sujet à mésinterprétations et récupérations : on l’a dit barrésien, vichyste ; il s’est même récemment retrouvé dans la bibliographie indiquée sur le site internet gouvernemental dédié au mémorable débat sur l’identité nationale – il a dû échapper aux idéologues d’un régime si prompt à vilipender la repentance que c’est un des premiers livres où la colonisation en général et l’impérialisme français en particulier sont si violemment dénoncés, comme le sont l’orgueil national, l’esprit de conquête ou l’enfermement dans une culture. Nous souhaiterions insister ici sur cet aspect de ce texte peu mis en avant et qui en est pourtant le cœur. L’enracinement, ce n’est pas l’amour des racines et l’identification à la nation, c’est la réponse à un des plus grands crimes qui soient contre les hommes : la colonisation, qui est un déracinement.
C’est à la lumière du désastre humain et spirituel qu’est le déracinement que Simone Weil reprend dans l’Enracinement tous les thèmes de sa réflexion : le travail, le déracinement ouvrier, le colonialisme, l’éducation, l’histoire, la connaissance, la théorie de la science, la religion… Et c’est la pensée du déracinement qui justifie son engagement dans le combat contre l’agression nazie et donc l’écriture de ce livre, et qui permet de savoir au nom de quoi cette guerre est menée et la forme qu’elle doit prendre pour incarner les fins qu’elle poursuit.
Pour comprendre le geste politique qu’est l’écriture de l’Enracinement, texte écrit en réponse à une conjoncture et pour agir sur la conjoncture – sur les moyens du combat et sur la reconstruction future –, pour comprendre la nécessité et les contradictions de ce geste et du texte, il faut en effet rappeler qu’après des années de militantisme, déçue par les mouvements révolutionnaires pourtant nécessaires pour combattre un ordre social oppressif et injuste, persuadée que la contradiction entre leurs moyens et leurs fins est inéluctable et qu’elle les voue à l’échec, rendant impensable une émancipation démocratique, Simone Weil écrivait :
J’ai décidé de me retirer entièrement de toute espèce de politique, sauf pour la recherche théorique2.
Elle précisait que sur le plan politique elle ne se préoccuperait plus que de lutte anticoloniale et de lutte contre la guerre. Et pourtant, en 1942, pacifiste, sans goût pour la politique entendue comme « technique de l’acquisition et de la conservation du pouvoir3 » et lucide sur le fait que la politique se réduit le plus souvent à cela, que la plupart des mouvements de libération ne font que remplacer une oppression par une autre, Simone Weil rejoint la France combattante. La Seconde Guerre mondiale rend nécessaire l’engagement politique et militaire. Et ce pour une raison très précise que Simone Weil indique dans un projet d’article rédigé juste avant le déclenchement du conflit, intitulé « Réflexions en vue d’un bilan » :
Contrairement à ce qu’on affirme souvent, la force tue très bien les valeurs spirituelles, et peut en abolir jusqu’aux traces. Sans cela qui donc, sauf les âmes basses, s’inquiéterait beaucoup de politique4 ?
C’est sous le signe de cette phrase que nous proposons de lire l’Enracinement.
La contradiction à laquelle répondent le geste et le texte de Simone Weil est la suivante : la politique est presque exclusivement un jeu de forces, une lutte pour la domination, elle n’a aucune grandeur. Mais elle est nécessaire au maintien de valeurs spirituelles. Alors même qu’elle semble les exclure. Il ne s’agit pas ici de dire qu’il est besoin de grandeurs temporelles pour défendre les grandeurs spirituelles. En effet, pour Simone Weil, nous y reviendrons, les moyens ne sont jamais neutres, ils produisent mécaniquement leurs propres effets ; la force employée comme moyen extérieur du spirituel finit toujours par le remplacer et l’anéantir. C’est pourquoi l’organisation politique ne peut être la condition d’une civilisation que si elle en incarne l’inspiration, la spiritualité, à même ses moyens – à même la force : telle est la contradiction. Le temporel n’est donc pas le moyen de faire advenir le spirituel. Mais les collectivités, facteurs d’oppression et de conflits, sont les conditions de la transmission de la culture, de la civilisation, des pensées de ceux qui ont eu conscience de la destinée éternelle de l’homme, et par là d’un accès à des valeurs spirituelles éternelles. C’est ce qui conduit Simone Weil à soutenir que l’enracinement est le premier besoin de l’homme, besoin de participer réellement, activement, à l’existence de collectivités qui conservent vivantes des traditions passées et ouvrent vers l’avenir, parce que l’homme reçoit « la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie5 ».
Le pur fait contingent des appartenances géographiques et sociales conditionne l’accès à l’éternel. En conséquence, lorsque ces conditions sont menacées – et en 1943 elles le sont –, il est nécessaire de faire de la politique, même si le combat politique corrompt ; il est nécessaire de défendre un pays qui est la condition d’une civilisation, même si son organisation avant la guerre était injuste. L’engagement contradictoire de Simone Weil (faisant de la politique contre ses aspirations, lucide sur la perversion inéluctable de tout combat pour une cause juste et sur le caractère oppresseur de la France qu’il est pourtant nécessaire de défendre) répond à la contradiction inhérente à la condition humaine : un enracinement dans une collectivité contingente et imparfaite est la condition d’une vie morale, intellectuelle, spirituelle.
C’est pour répondre à cette contradiction que l’Enracinement noue les exigences de pensée les plus contradictoires : d’une part, la prise en compte de la conjoncture (celle, en 1943, de la guerre et de la menace nazie) et, d’autre part, l’affirmation des obligations éternelles envers l’être humain. Mais – autre contradiction – respecter ces obligations morales éternelles suppose de répondre aux besoins vitaux inscrits dans le corps, dans le psychisme et dans le social, en passant donc par les intermédiaires disponibles dans une conjoncture historique et politique donnée. D’où une conception de la politique qui n’y voit qu’un intermédiaire, qu’une condition, mais une condition indispensable et indépassable – on ne sortira pas de la violence des rapports de force. Le problème étant de penser ensemble qu’on ne sortira pas des rapports de force et que tout dans l’univers ne se réduit pas à la force.
La contradiction est à son comble si on prend en considération le type d’écrit qu’est l’Enracinement, en tant qu’il se rapproche de l’œuvre de propagande, assumant l’ambition de définir une « méthode pour insuffler une inspiration à un peuple6 », problème dont l’importance a été vue par Platon, par Rousseau, par les révolutionnaires de 1789 et 1793, mais aussi, écrit Simone Weil, par Hitler. L’enjeu est celui de la mobilisation politique de tout un peuple, et aussi de son éducation, et par là de son inspiration – soit de la possibilité de susciter à la fois des vertus civiques et des aspirations spirituelles, sans qu’il y ait là simple manipulation mentale de masses fanatisées. Où la frontière est ténue.
Deux traditions de pensée se rejoignent ici : d’un côté, le machiavélisme comme pensée de la constitution d’un peuple par les actes, les institutions, l’organisation (les bonnes armes et les bonnes lois capables de produire, dans telle conjoncture, une unité populaire et un esprit civique), de l’autre, les grandes philosophies politiques et morales de l’éducation, où l’enjeu de l’organisation politique n’est pas seulement la constitution de la communauté politique comme telle, mais aussi ce dont la communauté politique est la condition : l’humanité au sens fort. D’un côté donc, des théories de la guerre, Machiavel, Clausewitz, Thomas Edward Lawrence, qui prennent en compte les « facteurs moraux de la guerre » comme des forces mécaniques sur lesquelles un chef de guerre peut s’appuyer pour constituer et mobiliser un peuple, et, de l’autre côté, les philosophies des conditions politiques et sociales de la plus haute pensée. D’un côté, la pensée est conçue comme une force parmi d’autres sur laquelle on peut s’appuyer, qu’on peut modifier, en s’en servant comme un instrument. C’est l’un des moyens du combat. De l’autre côté, la pensée est ce qui met au contact du réel, des plus grands principes, de l’éternel – toutes choses qui échappent aux conjonctures relatives et aux rapports de force. Ces deux traditions se rejoignent dans la question de savoir s’il est possible de s’appuyer méthodiquement sur la pensée dans ce qu’elle a de mécanique pour produire une inspiration – et cela à l’échelle d’un peuple. De concilier, donc, la mobilisation des esprits pour le combat et l’orientation civique et spirituelle.
Dans cette tentative de concilier des plans contradictoires7 est en jeu la possibilité d’incarner l’éternité dans une conjoncture, d’entrer dans le jeu des rapports de force pour que tout dans le monde ne se réduise pas à la force. À cette condition seulement une victoire militaire peut être sensée. Cela suppose de donner à la force une inspiration qui la dépasse (et dont le fanatisme est très proche).
L’écriture de l’Enracinement est donc prise dans les contradictions suivantes :
première contradiction : s’engager en politique contre ses aspirations personnelles, sans goût pour les rapports de force, en étant lucide sur le fait que les combats politiques les plus justes sont toujours pervertis ;
deuxième contradiction : se résoudre à la politique du calcul, de la ruse, à la mobilisation des esprits ; être, à contrecœur, machiavélien – ce qui est être machiavélien au plus haut point ;
troisième contradiction : incarner dans le combat, à même la force, des valeurs spirituelles. Car s’il faut se résoudre au calcul et à la force, c’est pour gagner un combat qui en vaille la peine, et qui doit être mené sur un terrain spirituel – tel est l’enjeu de cette guerre qui menace l’Europe d’un déracinement radical.
Déracinement et colonisation
Pour comprendre l’enjeu spirituel qu’a, aux yeux de Simone Weil, la Seconde Guerre mondiale, il faut revenir sur ce fait que prouve de manière paradigmatique la colonisation : la force peut détruire la pensée. Or, on ne sortira pas de la force. D’où la nécessité de faire de la politique. Et d’inscrire dans la force ce qui ne s’y réduit pas.
« La force tue très bien les valeurs spirituelles, et peut en abolir jusqu’aux traces » : Simone Weil écrit cette phrase dans un texte où elle décrit le moment tragique que vit l’Europe en 1939, caractérisé par « le poids exceptionnel dont pèse […] sur les esprits du monde entier le jeu des rapports de force ». La politique accapare tous les esprits à un degré tel qu’on ne l’a jamais vu depuis le moment où Rome anéantissait Carthage et étouffait la Grèce, poursuit-elle8. Cette comparaison avec ce qui est à ses yeux la catastrophe de l’histoire la conduit à interpréter la guerre qui s’annonce comme une guerre de colonisation. L’autre exemple historique à l’aune duquel elle pense la catastrophe spirituelle que provoque le déracinement est la destruction de l’Occitanie au xiiie siècle. Lorsqu’elle est encore à Marseille, au cours de l’hiver 1940-1941, elle en écrit l’histoire pour parler discrètement de la situation de la France :
Contrairement à un préjugé très répandu, une décision purement militaire peut influer sur le cours des pensées pendant de longs siècles, sur de vastes espaces ; car l’empire de la force est grand. […] Rien n’est plus cruel envers le passé que le lieu commun selon lequel la force est impuissante à détruire les valeurs spirituelles ; en vertu de cette opinion, on nie que les civilisations effacées par la violence des armes aient jamais existé ; on le peut sans craindre le démenti des morts. On tue ainsi une seconde fois ce qui a péri, et on s’associe à la cruauté des armes. La pitié commande de s’attacher aux traces, même rares, des civilisations détruites, pour essayer d’en concevoir l’esprit. L’esprit de la civilisation d’Oc au xiie siècle, tel que nous pouvons l’entrevoir, répond à des aspirations qui n’ont pas disparu et que nous ne devons pas laisser disparaître, même si nous ne pouvons pas espérer les satisfaire9.
Le programme qu’est l’Enracinement répond à cette exigence : sauver ce qui reste à sauver des valeurs spirituelles dont on peut encore avoir une idée malgré leur destruction en cours.
La colonisation est donc un fil directeur de ce livre. La notion d’enracinement n’a alors rien d’abstrait ni de naturaliste : elle est appelée par la conjoncture internationale, ce qui lui ôte toute connotation barrésienne. Suivons en effet l’argumentation de Simone Weil : ayant commencé par définir la notion d’obligation éternelle envers l’être humain, puis indiqué qu’elle ne peut se manifester que par l’intermédiaire des besoins terrestres des hommes, elle donne « quelques indications » concernant les besoins terrestres de l’âme et affirme :
L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine10.
L’enracinement est le besoin d’une collectivité comme condition de la vie morale, intellectuelle et spirituelle ; c’est un besoin d’avoir de multiples racines, besoin donc de circulation entre des milieux d’enracinement (l’enracinement ne saurait être confinement dans un milieu fermé et autarcique).
Elle énumère alors les cas où « il y a déracinement » : « Toutes les fois qu’il y a conquête militaire11. » Le déracinement est d’abord pensé sous la conjoncture et sous le paradigme de la guerre. Mais Simone Weil distingue entre les types de conquêtes : celles d’où résulte un métissage, celles où le conquérant reste étranger au territoire sur lequel il se comporte en possesseur, celles qui sont accompagnées de déportations massives, comme dans l’Europe occupée par l’Allemagne, jusqu’à la suppression brutale de toutes les traditions locales, comme a fait la France dans ses possessions d’Océanie.
Lors des conquêtes coloniales, les populations conquises sont traitées comme ennemies12, comme esclaves, comme choses qui n’existent pas, elles sont déportées et exterminées massivement ; leur soumission ne les protège ni de l’humiliation, ni de la torture, ni de l’extermination. Elles ne perdent pas simplement leur autonomie et la maîtrise d’un territoire, elles sont soumises à une
décomposition morale qui non seulement brise d’avance tout espoir de résistance effective, mais rompt brutalement et définitivement la continuité de la vie spirituelle, lui substituant une mauvaise imitation de médiocres vainqueurs, [anéantissant] la faculté même de réagir, par l’empire qu’exerce sur l’imagination un mécanisme impitoyable13.
La colonisation est d’abord désubjectivation. C’est pourquoi elle est destruction spirituelle.
Ce paradigme de la colonisation est fondamental. Il permet en effet, d’une part, de justifier l’engagement dans une guerre qui est une guerre de colonisation, et de la pire espèce. L’Europe est menacée d’être colonisée par l’Allemagne et par là déracinée, ses populations anéanties matériellement et spirituellement. Ce qui est en jeu n’est pas seulement la perte d’une position dans le concert des nations, il ne s’agit pas de défendre le système des traités et des pactes, mais un peuple et ses valeurs : celles, politiques, de la Révolution française ; celles, spirituelles, de la Grèce. Et c’est cela seulement qui fait que, aux yeux de Simone Weil, « jusqu’à nouvel ordre, les principes n’ont plus cours14 ».
Ce paradigme de la colonisation est particulièrement explicite dans un autre texte datant de 1943, « À propos de la question coloniale dans ses rapports avec le destin du peuple français » :
L’hitlérisme consiste dans l’application par l’Allemagne au continent européen, et plus généralement aux pays de race blanche, des méthodes de la conquête et de la domination coloniales15.
Le mal qu’aurait fait l’Allemagne à l’Europe si elle avait gagné, poursuit-elle, « c’est le mal que fait la colonisation, c’est le déracinement. Elle aurait privé les pays conquis de leur passé. La perte du passé, c’est la chute dans la servitude coloniale » ; et cette privation de passé, de tradition, est privation de l’âme des hommes : c’est pourquoi « la colonisation les réduit à l’état de matière humaine16 ».
Le paradigme de la colonisation est également fondamental en ce qu’il permet, d’autre part, de penser les enjeux de la guerre d’un point de vue qui n’est pas strictement militaire, et surtout de ne pas faire de l’Allemagne la cause de tous les maux de la France. Lorsque Simone Weil énumère les degrés de la conquête et du déracinement, c’est pour donner comme exemple du déracinement le plus violent celui provoqué par la France coloniale. S’il faut se battre contre l’Allemagne en tant que puissance colonisatrice, alors il est nécessaire de combattre le fait que la France a un empire colonial. Sans quoi la résistance contre l’Allemagne ne serait motivée que par le chauvinisme ; les soldats français ne seraient pas différents des nazis et la victoire ne changerait rien au véritable problème : celui du déracinement. De même qu’une libération qui ne serait due qu’à l’armée américaine, et qui consacrerait l’hégémonie mondiale du dollar, substituerait une colonisation et un déracinement à un autre. Résister à l’invasion nazie, c’est contribuer à se libérer soi-même et n’être pas seulement tributaire des combats américains, et combattre le déracinement sous toutes ses formes.
« Il faut arrêter le déracinement17 », écrit fermement Simone Weil – y compris et d’abord le déracinement que la France a propagé, non seulement dans son empire colonial, mais aussi en métropole. Le combat contre l’Allemagne n’a donc pas de sens sans réforme intérieure – en un double sens : sans réforme intérieure des structures sociales et des institutions françaises, et sans réforme intérieure d’un point de vue personnel et spirituel.
D’où la nécessité de comprendre les processus de déracinement produits par l’organisation sociale, politique, institutionnelle et économique de la France. C’est l’objet de la partie de l’Enracinement consacrée aux déracinements ouvrier, paysan et national, et dont les causes principales sont, selon Simone Weil, la domination de l’argent, l’omnipotence de l’État et la dégradation de l’instruction. Le maintien du paradigme colonial pour analyser ces formes de déracinement intérieur est notable. Son expérience en usine avait déjà fait comprendre à Simone Weil que la force peut anéantir la capacité de penser. Elle en avait vécu la menace en elle-même. Et elle avait déjà noté que les ouvriers sont comme en exil, qu’il leur est impossible de se sentir chez eux dans les usines et dans la société. Elle y revient dans l’Enracinement : les ouvriers sont « admis sur le lieu du travail comme des immigrés qu’on laisse entrer par grâce18 ». Au-delà de la métaphore, elle note que la partie vraiment misérable de la population des ouvriers est faite des « adolescents, des femmes, des ouvriers immigrés, étrangers ou coloniaux19 » abandonnés par les syndicats. Le problème ouvrier est à présent interprété comme une partie d’un problème plus large, le déracinement, dont le paradigme colonial permet de comprendre que c’est un problème mondial.
Le deuxième lieu du déracinement est le plus paradoxal : les paysans sont déracinés de leurs propres terres, d’abord parce que toute la vie sociale et surtout culturelle et intellectuelle se vit en ville. On leur présente en tout cas « tout ce qui a rapport à la pensée comme une propriété exclusive des villes ». D’où leur sentiment d’être out of it.
C’est la mentalité coloniale, à un degré seulement moins aigu. Et comme il arrive qu’un indigène des colonies, frotté d’un peu d’instruction européenne, méprise son peuple plus que ne le ferait un européen, il en est souvent de même pour un instituteur fils de paysans20.
En troisième lieu, le déracinement géographique est le résultat de la substitution de la nation, c’est-à-dire de la domination de l’État, à toutes les autres collectivités. L’État et l’argent ayant remplacé tous les attachements, le sens des collectivités a disparu, sauf pour la nation, ce qui contredit l’exigence de circulation des influences et produit un nationalisme guerrier excluant tout universalisme. Simone Weil retrace des épisodes de ce qu’elle décrit comme une conquête intérieure ou une colonisation intérieure de la France par l’État : la conquête des pays du sud de la Loire au xiiie siècle, la concentration étatique sous Richelieu et Louis XIV, qui eut pour résultat que, « parmi les territoires placés sous l’obéissance du roi de France, certains se sentaient des pays conquis et étaient traités comme tels21 », etc.
Lire la condition ouvrière du monde capitaliste des années 1930, le déplacement des centres de vie dans les villes, l’institution d’un État centralisé et la colonisation comme des phénomènes analogues, systématiques, produisant un même déracinement, cela peut rapprocher Simone Weil de Marx et de sa lecture par Rosa Luxemburg, plus particulièrement de leurs analyses sur l’accumulation primitive (destruction de toutes les appartenances, de tous les modes de vie, pour soumettre les populations désaffiliées à la seule logique capitaliste), sur le lien constituant entre capitalisme et impérialisme (et donc colonisation), avec les effets de retour que la colonisation produit inévitablement en métropole (ce qu’on peut appeler colonisation intérieure, colonisation d’une population par des structures sociales, économiques et policières – par l’État et par l’argent). Comme Rosa Luxemburg, Simone Weil insiste sur le caractère mondial du déracinement, apporté par l’Europe en Afrique, en Asie et en Amérique. La Seconde Guerre mondiale révèle que l’expérience coloniale dans laquelle s’est engagée l’Europe la menace en retour, sous la forme, non seulement de la colonisation intérieure, mais aussi des modalités de la guerre importées des guerres coloniales.
Relier ainsi la conquête nazie, la colonisation et la colonisation intérieure de la société capitaliste, c’est indiquer ce qu’il est nécessaire de combattre dans la politique extérieure et intérieure de la France, et d’abord ce à quoi il faut veiller dans l’organisation du combat pour la libération :
Nous ne sommes pas en Europe dans la situation de civilisés qui luttent contre un barbare, mais dans la position bien plus difficile et bien plus périlleuse de pays indépendants menacés de colonisation ; et nous ne ferons pas utilement face à ce danger si nous n’inventons pas des méthodes qui y correspondent22.
Les procédés que Simone Weil recherche pour susciter une inspiration susceptible de mobiliser les Français à la résistance sont ainsi liés à deux caractères de la colonisation.
Premièrement, le problème de la colonisation n’étant pas seulement le changement de chefs mais le déracinement, la perte de spiritualité, l’enjeu n’est pas de défendre la France en tant que telle mais en tant que porteuse de valeurs spirituelles, notamment les valeurs d’émancipation énoncées par la Révolution de 1789. Il s’agit donc de comprendre que l’ennemi, ce n’est pas la nation étrangère, ce n’est pas tel tyran, mais c’est un esprit et des méthodes, qu’il faut combattre autant en soi qu’en l’ennemi. C’est pourquoi la lutte contre l’hégémonie nazie sera impossible sans décolonisation intérieure, sans une révolution spirituelle qui fait renouer la France avec l’idéal de l’émancipation populaire et transforme sa conception de la grandeur. Car dans l’admiration des grandeurs de conquête et de l’argent les valeurs de 1789 se sont déjà perdues.
Si la liberté doit périr lentement dans les âmes avant même d’être politiquement anéantie, la défense nationale perd tout objet réel ; car ce n’est pas un mot ou une tache sur la carte dont la défense peut valoir des sacrifices, mais un certain esprit lié à un milieu humain déterminé23.
Deuxièmement, dans la mesure où c’est l’esprit qui est menacé par la force et qui est perçu comme précaire, c’est l’esprit qu’il faut sauver. La guerre doit donc être menée sur ce terrain du spirituel.
[Trouver une méthode pour insuffler une inspiration à un peuple est] le problème que nous avons aujourd’hui à résoudre de toute urgence, sous peine non pas tant de disparaître que de n’avoir jamais existé24.
Des moyens et des fins en politique
Simone Weil en avait conscience dès les années 1930, et c’est ce qui l’éloigna de la politique : les moyens mis en œuvre dans un combat politique l’emportent sur les fins, parce qu’ils contribuent à structurer les rapports au sein du groupe et l’imaginaire collectif. Si un groupe lutte pour sa liberté, et que pour être efficace il doit être organisé, si l’organisation n’est possible que par la coercition, alors le but (la liberté) disparaît sous l’effet des moyens (la coercition). La guerre est le tombeau des révolutions. En conséquence, la justesse des buts de guerre ne suffit pas à juger une guerre. Seuls comptent les moyens, et leur capacité intrinsèque à produire la fin qu’ils visent.
La méthode matérialiste consiste avant tout à examiner n’importe quel fait humain en tenant compte bien moins des fins poursuivies que des conséquences nécessairement impliquées par le jeu même des moyens mis en usage25.
Après la guerre d’Espagne, Simone Weil insiste sur l’atmosphère morale et spirituelle que suscite le combat, contraire aux aspirations qui en sont l’origine :
Les nécessités, l’atmosphère de la guerre civile l’emportent sur les aspirations que l’on cherche à défendre au moyen de la guerre civile26.
Comme les buts de guerre (la liberté, l’égalité, etc.), les aspirations des combattants se perdent dans l’atmosphère de la guerre, celle du meurtre devenu quotidien. À même le combat se constitue ce que sera le peuple qui combat pour son existence : ce que seront son organisation, les relations entre ses membres, son esprit collectif, ses principes. De même qu’il faut étudier selon la « méthode matérialiste » les machines et les techniques de commandement pour comprendre les relations humaines qui s’y nouent, de même il faut étudier les mécanismes des transformations subjectives, qui font que, par exemple, des hommes qui tuent par nécessité, pour atteindre un idéal, finissent par devenir simplement des tueurs :
Le mécanisme en question consiste en ceci qu’une action, après avoir été menée avec effort pour des motifs extérieurs à elle-même, devient par elle-même objet d’attachement27.
Si on tue des soldats allemands pour servir la France, au bout d’un certain temps assassiner des êtres humains devient un goût. Les moyens sont plus présents que les fins et deviennent seuls réels. Et le problème est moins de commettre des meurtres pour la liberté que l’incapacité à éviter cette transformation psychologique presque inéluctable28.
En tenant compte de ce problème hérité de l’expérience de la guerre d’Espagne, Simone Weil cherche dans l’Enracinement une méthode pour créer une atmosphère incarnant l’idéal de la lutte et qui puisse être mobilisatrice. Devant le risque que la guerre habitue à ne valoriser que la force et le prestige, l’urgence est de recréer une atmosphère de liberté, pour que la liberté puisse être un mobile du combat. Libérer le pays, ce n’est pas seulement le soustraire à la domination d’un occupant, c’est faire de la liberté l’âme du peuple, ce qui inspire ses actes. Au moment où on croit possible la reconquête du pouvoir contre les nazis, il convient de comprendre qu’une victoire militaire de la France sur l’Allemagne ne serait pas à elle seule une victoire de la démocratie si les rapports sociaux et l’atmosphère en France n’étaient pas transformés. Le pouvoir n’a de sens que s’il est inspiré par une civilisation qu’il est en mesure de préserver.
Simone Weil reprend notamment à Gandhi l’idée que l’inspiration du combat décide de son issue : les moyens l’emportant sur les fins, le succès n’est possible qu’à condition de rendre identiques les moyens et les fins, d’inclure les fins dans les moyens. La mobilisation spirituelle et les liens créés dans l’action commune sont plus importants que l’élimination de l’adversaire, à la fois pour la victoire et pour l’éducation du peuple. Pour Simone Weil, l’exigence est d’incarner des fins spirituelles dans l’usage de la force : d’organiser efficacement la résistance sans produire de domination coercitive (ce qui suppose qu’est possible « une action qui, tout en ayant pour objet tout un peuple, reste par essence une action, non pas collective, mais personnelle29 » : une action tournée contre la domination et non pas soumise à une domination), de mobiliser au combat sans susciter une atmosphère excluant toute spiritualité (ce qui suppose par exemple d’inspirer du courage non par haine de l’ennemi mais par l’exemple de la liberté, de la solidarité).
L’Enracinement pose les rudiments d’une telle méthode politique : considérer les moyens de la lutte en examinant tous les effets qu’ils sont susceptibles d’avoir, du point de vue de la victoire et du point de vue de la fondation politique, pour encourager ceux qui sont aptes à forger une communauté fondée sur la solidarité et non sur la violence. Il est alors possible d’accepter la violence dans la mesure où elle ne structure pas une société violente, en joignant autant que possible l’expression des mobiles aux actes qu’ils inspirent, et en inventant des actes qui en eux-mêmes seront civiques et élèveront l’âme.
La foi est plus réaliste que la politique réaliste. Il faut donc examiner et peser d’extrêmement près, en faisant chaque fois le tour du problème, chacun des modes d’action qui constituent la résistance illégale en France. […] Il n’est pas exclu non plus qu’il puisse y avoir lieu d’inventer des formes d’action nouvelles, en tenant compte à la fois de ces considérations et des buts immédiats (par exemple, nouer tout de suite une vaste conspiration pour la destruction des documents officiels relatifs au contrôle des individus par l’État, destruction qui peut être opérée par des procédés très variés, incendies, etc. Cela aurait des avantages immédiats et lointains immenses30).
Il s’agit par là d’incarner une inspiration et des valeurs politiques dans les actes de résistance, car le peuple, avec ses rapports, son imaginaire, se constitue dès le combat ; car dans un monde où les rapports de force sont indépassables, la victoire spirituelle se joue à même la lutte, au niveau de ce qui l’inspire. C’est la leçon des guerres révolutionnaires ; c’est vrai au plus haut point en 1943, la dimension spirituelle de cette guerre étant particulièrement cruciale. D’où, selon Simone Weil, la mission du gouvernement de Londres :
Aider la France à retrouver une inspiration authentique, et qui, par son authenticité même, s’épanche en dépense d’effort et d’héroïsme pour la libération du pays31.
L’inspiration contradictoire
Le désastre du déracinement provoqué par la colonisation met en lumière une « contradiction fondamentale de la situation humaine » : il est nécessaire d’être enraciné dans un milieu fini et contingent pour avoir accès à ce qu’il y a d’infini en l’homme ; par suite il est nécessaire de respecter des objets finis pour s’acquitter d’une obligation inconditionnée envers l’infini en l’homme : la patrie est une chose limitée dont l’exigence est illimitée.
Bien que la patrie soit un fait et comme telle soumise à des conditions extérieures, à des hasards, l’obligation de la secourir en cas de danger mortel n’en est pas moins inconditionnée32.
De manière contradictoire, la patrie doit absolument être défendue, non comme un absolu, mais comme une condition contingente et imparfaite de la vie humaine ; non pour défendre telle nation (avec sa gloire, ses conquêtes, son empire), mais pour préserver une inspiration, la justice, un milieu spirituel et humain : comme lorsque les Français de 1789 se battaient pour le pays du peuple émancipé, libre et souverain.
On peut aimer la France pour la gloire qui semble lui assurer une existence étendue au loin dans le temps et l’espace. Ou bien on peut l’aimer comme une chose qui, étant terrestre, peut être détruite, et dont le prix est d’autant plus sensible33.
Un tel amour pour une réalité précaire, condition de la spiritualité, peut mobiliser pour le combat sans pervertir les esprits, et sans les réduire à un nationalisme comparable à celui des nazis. Cela suppose de transformer le sens de la grandeur, d’en avoir une conception qui ne permette pas de glorifier la nation, les conquêtes, l’Empire, ou Hitler. Dans les termes de Simone Weil, il faut choisir entre une conception cornélienne de la grandeur et avoir une âme – et alors renoncer à l’Empire. Orienter ainsi l’admiration implique de réformer l’enseignement de l’histoire, pour qu’il ne donne à admirer que ce qu’on peut admirer sans mensonge et sans avoir l’âme basse – cela implique de réformer l’éducation collective, et le rapport à soi : pour Simone Weil comme pour Gandhi, la lutte contre l’envahisseur commence en soi-même, par une réorientation de ses affects, de son admiration, de ses aspirations.
L’écriture de l’Enracinement et les contradictions de la condition humaine
Concluons par quelques remarques sur la manière dont ce livre indique les nécessités auxquelles il répond, les contradictions qu’il doit assumer et les exigences qui en découlent. Il s’ouvre sur un problème : la condition relationnelle et sociale de l’homme le voue à la contradiction. Et le plus grand désordre social est celui qui oblige les hommes à sacrifier des obligations pour en satisfaire d’autres. Ce déchirement est celui de Simone Weil lorsqu’elle s’engage aux côtés de la France combattante. D’où, peut-être, le premier besoin de l’âme qu’elle mentionne : l’ordre – un ordre qui permette autant que possible la non-contradiction des obligations. Notre désir du bien « empêche que nous puissions jamais nous résigner aux situations où les obligations sont incompatibles » : soit « nous avons recours au mensonge pour oublier qu’elles existent » – c’est un crime, au lieu que nous ne sommes pas responsables des contradictions que nous impose une conjoncture ; soit « nous nous débattons aveuglément pour en sortir34 ». Essayer de concilier les contradictoires, d’incarner des fins dans des moyens qui semblent les exclure – se débattre pour sortir de la contradiction : tel semble bien être ce que fait Simone Weil en écrivant l’Enracinement.
On pourrait relire la liste des besoins de l’âme comme l’indication de ce que doivent prendre en compte la réflexion politique pour rester lucide et ce livre pour respecter le peuple dont il appelle la renaissance. Les analyses sur le besoin d’expression et de vérité sont à ce sujet cruciales : comment appeler à la mobilisation sans galvauder les mots dont les hommes ont besoin en en faisant de vulgaires mots d’ordre, sans manipuler les âmes par les mensonges ? Comment influencer un pays tout en laissant les idées circuler pour que s’expriment les besoins réels des individus ? Comment conseiller les princes et les peuples sans fabriquer de la domination, en restant au service de la libération politique et spirituelle d’un peuple ? Telle est la contradiction fondamentale, indépassable, de toute politique d’émancipation, et de toute politique qui se pense comme la condition des plus hautes aspirations politiques, morales et intellectuelles.
- *.
Philosophe, elle a dirigé le collectif Simone Weil, lectures politiques, Paris, Éd. Rue d’Ulm, 2011.
- 1.
Albert Camus, « Simone Weil », Bulletin de la Nrf, juin 1949, © Catherine et Jean Camus, cité dans Simone Weil, Œuvres, Florence de Lussy (sous la dir. de) Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1999, p. 1264.
- 2.
Voir Simone Pétrement, la Vie de Simone Weil, Paris, Fayard, 1973, p. 291.
- 3.
Simone Weil, l’Enracinement, Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1949, p. 276.
- 4.
Id., « Réflexions en vue d’un bilan » (printemps-été 1939), dans Œuvres complètes, t. II, vol. 3 : Écrits historiques et politiques. Vers la guerre (1937-1940), Paris, Gallimard, 1989, p. 113.
- 5.
Id., l’Enracinement, op. cit., p. 61.
- 6.
S. Weil, l’Enracinement, op. cit., p. 237.
- 7.
S. Weil, « De “composition sur plans multiples” », l’Enracinement, op. cit., p. 274.
- 8.
S. Weil, « Réflexions en vue d’un bilan », art. cité, p. 99.
- 9.
S. Weil, « L’agonie d’une civilisation vue à travers un poème épique » (hiver 1940-1941), dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 2 : Écrits de Marseille (1941-1942). Grèce, Inde, Occitanie, Paris, Gallimard, 2009, p. 406-413.
- 10.
Id., l’Enracinement, op. cit., p. 61.
- 11.
Ibid., p. 62.
- 12.
S. Weil, « L’agonie d’une civilisation… », art. cité, p. 411.
- 13.
Id., « Réflexions sur la barbarie », dans Œuvres complètes, t. II, vol. 3, op. cit., p. 224.
- 14.
Id., « Réflexions en vue d’un bilan », art. cité, p. 113.
- 15.
Id., « À propos de la question coloniale dans ses rapports avec le destin du peuple français » (1943), dans Œuvres, op. cit., p. 430-431.
- 16.
S. Weil, « À propos de la question coloniale… », art. cité, p. 432.
- 17.
Id., l’Enracinement, op. cit., p. 72.
- 18.
S. Weil, l’Enracinement, op. cit., p. 74.
- 19.
Ibid., p. 86.
- 20.
Ibid., p. 115-116.
- 21.
Ibid., p. 137.
- 22.
S. Weil, « Réflexions sur la barbarie », art. cité, p. 224-225.
- 23.
S. Weil, « À propos de la question coloniale… », art. cité, p. 433.
- 24.
Id., l’Enracinement, op. cit., p. 239.
- 25.
Id., « Réflexions sur la guerre » (novembre 1933), dans Œuvres complètes, t. II, vol. 1 : Écrits historiques et politiques. L’engagement syndical (1927-juillet 1934), Paris, Gallimard, 1988, p. 292.
- 26.
S. Weil, « Réflexions pour déplaire » (1936), dans Œuvres complètes, t. II, vol. 2 : Écrits historiques et politiques. L’expérience ouvrière et l’adieu à la révolution (juillet 1934-juin 1937), Paris, Gallimard, 1991, p. 389.
- 27.
Id., l’Enracinement, op. cit., p. 268.
- 28.
Sur ces questions je me permets de renvoyer à mon article : « Les contradictions du pouvoir politique », dans Valérie Gérard (sous la dir. de), Simone Weil, lectures politiques, op. cit.
- 29.
S. Weil, l’Enracinement, op. cit., p. 243.
- 30.
S. Weil, l’Enracinement, op. cit., p. 269-270 ; elle souligne.
- 31.
Ibid., p. 251.
- 32.
Ibid., p. 213.
- 33.
S. Weil, l’Enracinement, op. cit., p. 219.
- 34.
Ibid., p. 19.