
Habiter la nuit urbaine
La nuit urbaine n’est plus la période d’obscurité complète symbolisée autrefois par le couvre-feu, la fermeture des portes de la cité et le repos social. Dans les métropoles soumises au temps continu de l’économie et des réseaux, une partie de la vie sociale et économique reste désormais en éveil. Aussi la nuit a-t-elle beaucoup de choses à dire au jour.
Nocturnes dans les magasins et les musées, travail de nuit, amplitude horaire des transports : la nuit serait-elle en train de devenir un simple prolongement du jour ? Le fantasme de la « ville 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 » risque de détruire la fragilité et l’originalité de la nuit. Comment contrôler ces évolutions, en voyant aussi ce que la nuit peut apporter au jour ?
Dans la nuit se tiennent nos apprentissages en état de servir à d’autres, après nous.
En ce début de xxie siècle, la nuit urbaine n’est plus la période d’obscurité complète symbolisée par le couvre-feu, la fermeture des portes de la cité et le repos social qui inspirait les artistes en quête de liberté, servait de refuge aux malfaiteurs et inquiétait les « braves gens ». La société redéfinit ses nuits en profondeur, et la ville s’en ressent. Dans les métropoles soumises au temps continu de l’économie et des réseaux, une partie de la vie sociale et économique reste désormais en éveil. Aussi la nuit a-t-elle beaucoup de choses à dire au jour.
Territoire sous pression
Il y a désormais une vie après le jour. S’émancipant des contraintes naturelles, les métropoles s’animent sous l’influence de modes de vie de plus en plus désynchronisés, de la redistribution du temps de travail ou des nouvelles technologies d’éclairage et de communication. D’autres populations, d’autres centralités, d’autres limites et d’autres frontières se dessinent dans la nuit, qui devient peu à peu un territoire d’investigation, de créativité et d’expérimentation. Entre insécurité et liberté, un nouveau « quotidien urbain1 » se déploie non-stop. Depuis une quinzaine d’années, la colonisation s’accélère. La pression s’accentue, définissant une figure territoriale particulière, une « frontière2 » au sens américain de « front pionnier ». La lumière prend progressivement possession de l’espace urbain, gommant en partie l’obscurité menaçante de la nuit. Les activités diurnes peuvent se poursuivre de nuit et s’inscrivent dans les stratégies d’amélioration de la qualité de vie et de marketing territorial. Places illuminées, rues bien éclairées, zones d’activités mises en valeur sont censées répondre aux nouveaux besoins des habitants et des investisseurs, cadres ou touristes. Les entreprises fonctionnent en continu pour rentabiliser les équipements et, dans la plupart des secteurs, le travail de nuit se banalise : plus de 15 % des salariés travaillent la nuit en France, soit près de 3, 5 millions de personnes, un chiffre en constante augmentation depuis les années 1990, malgré les conséquences négatives sur la santé. Dans les entreprises de services, le « 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 » est un argument publicitaire banal. Partout en Europe, de la Pologne à l’Angleterre, en passant par l’Allemagne, les horaires d’ouverture se décalent vers le soir. Dans les magasins, les nocturnes commerciales sont de plus en plus nombreuses. La nuit est devenue un secteur économique rentable : les distributeurs automatiques se multiplient, les « nuits spéciales » font recette, les radios et télévisions fonctionnent en continu…
Les usagers de la ville (80 % des Français déclarent sortir en ville la nuit contre 60 % il y a trente ans) consomment la ville nocturne sous forme de parcours qui rendent plus difficile la maîtrise des nuisances sonores. Le téléphone portable permet de vivre la ville en « juste à temps ». La législation sur la consommation de tabac dans les espaces publics a renvoyé une partie des consommateurs dans la rue, multipliant les tensions et conflits avec les résidents. Conséquence de ces évolutions, même nos rythmes biologiques semblent bouleversés. On s’endort désormais en moyenne à 23 heures au lieu de 21 heures il y a cinquante ans et on dort moins que les générations précédentes.
Dans les grandes métropoles, la nuit urbaine, définie comme la période où les activités sont très réduites, se limite désormais à une tranche horaire de 1 h 30 à 4 h 30 du matin. Elle a ses rythmes hebdomadaires, saisonniers, mensuels mais aussi quotidiens. De 20 heures à 1 h 30, c’est « la soirée », marge de la nuit qui s’avance, envahie par les activités du jour, les temps des sorties culturelles ou amicales et des promenades. De 1 h 30 à 4 h 30, c’est le « cœur de la nuit », le temps de la ville de garde, des noctambules fêtards et des « nuiteux » travailleurs, avec ses activités spécifiques. De 4 h 30 à 6 heures, c’est le « petit matin », marge du jour qui arrive, où ceux de la nuit qui rentrent croisent ceux du jour qui s’en vont. Avant 20 heures et après 6 heures, c’est « l’empire de la ville de jour ». La nuit apparaît comme un espace-temps où les questions de sécurité sont essentielles et où les conditions d’habitabilité ne sont pas toujours réunies. C’est un environnement plus hostile que le jour (en termes d’éclairage, d’humidité, de température), peu peuplé, marqué par les fantasmes et les représentations, où l’homme est un peu déstabilisé, faute de lumière suffisante. C’est un moment où l’individu se trouve dans des conditions physiologiques et psychologiques particulières de fatigue ou d’extrême excitation. Enfin, c’est un espace-temps marqué par la consommation de substances qui lèvent les inhibitions (alcool, drogues) et qui peuvent générer d’autres rapports entre les individus. La ville qui dort, la ville qui travaille et la ville qui s’amuse ne font pas toujours bon ménage.
Innovations
La nuit est également un territoire d’innovation pour les organisations et les politiques publiques, avec de nouvelles formes de dialogue, de compromis, de médiation, de régulation et de gouvernance. Face aux pressions, les autorités tentent à la fois de conserver le contrôle (réglementation des raves, couvre-feux…) mais prennent également de nombreuses initiatives pour rendre les nuits urbaines plus accessibles et hospitalières, participant de la sorte à l’accroissement de la flexibilité. On ne peut pas encore vraiment parler de « politique publique de la nuit » ; en revanche, on constate la multiplication d’initiatives publiques s’inscrivant dans une double logique d’amélioration de la qualité de vie des habitants et de marketing territorial, entre contrôle et ouverture. De nombreuses métropoles cherchent à dépasser la « nuit des données » en partageant leurs diagnostics, comme Montréal (2011), Lyon ou Bruxelles, avec des observatoires ou des démarches de « traversées nocturnes ». Dès les années 1990, c’est dans les villes de Leeds et Manchester en Grande-Bretagne que les premières réflexions sur l’« économie de la nuit » ont été menées. En 2002, l’étude pour le Grand Londres “Late-Night London. Planning and Managing the Late-Night Economy” insistait sur les enjeux de la ville 24 heures sur 24. D’autres études ont suivi à Gloucester (2005), Leicester (2005), Sidney, Melbourne ou New York avec la New York Nightlife Association (2004) et ont été élargies à d’autres questions, notamment en Suisse et en France, dans le cadre d’états généraux.
On assiste également au développement des politiques d’éclairage public, avec de nouveaux outils d’aménagement comme les schémas et plans lumière qui conduisent à un « urbanisme lumière3 ». Les illuminations de bâtiments se multiplient et des « artistes lumière » comme Yann Kersalé à Saint-Nazaire sculptent la nuit et confèrent une singularité nocturne aux cités. A contrario, dans un souci écologique de préservation de la faune et de réduction de la facture énergétique, plusieurs municipalités réduisent la durée de fonctionnement de l’éclairage public et abandonnent le tout sodium. En France, depuis juin 2013, les vitrines, magasins, bureaux et façades de bâtiments non résidentiels comme les monuments, écoles et mairies restent éteints, ce qui économise deux cents millions d’euros par an et réduit les effets de la pollution lumineuse.
Partout dans le monde, la tendance générale est à une augmentation de la périodicité, de l’amplitude et de la fréquence des transports publics. Si certaines villes se dotent d’un service de métro 24 heures sur 24 en fin de semaine, comme Berlin et Barcelone, ce sont surtout l’extension et la hausse des cadences des bus de nuit qui sont privilégiées. En région parisienne, le réseau Noctilien remporte un large succès et les vélos en libre-service sont très utilisés la nuit, comme à Lyon. En 2015, le métro londonien sera ouvert toute la nuit en semaine et le week-end afin – selon le maire de la capitale britannique – de « cimenter la réputation de Londres en tant que meilleure grande métropole du monde en termes de qualité de vie, de travail, de tourisme et d’investissements ». Initiées au Canada, des « marches participatives » qui répondent à l’inégalité d’accès des femmes à la nuit permettent de travailler à la sécurisation des parcours nocturnes.
Le pouvoir a toujours cherché à contrôler la nuit (présence de la police et éclairage public). Ces stratégies se poursuivent avec l’apport d’autres dispositifs sécuritaires comme la vidéosurveillance et aussi, à l’instar de Rennes et de Strasbourg, avec les « correspondants de nuit », qui assurent une présence préventive et bienveillante dans l’espace public. À Barcelone et à Montréal, des « chuchoteurs » ont été déployés devant les établissements de nuit afin de réduire les nuisances. À Paris, le dispositif des « Pierrots de la nuit » est une forme inédite de cette médiation à la fois artistique et sociale. L’innovation est également dans les outils développés. Lille a été l’une des premières villes à lancer une « charte de la nuit », qui tente de concilier animation nocturne, attractivité de la ville et repos des résidents. Lyon, Strasbourg, Grenoble, Genève et bien d’autres villes offrent également un cadre original d’échange et de concertation entre les différents acteurs afin d’encadrer, de réguler et de gérer au mieux le développement de la vie nocturne.
Entre découverte culturelle et artistique et nouveau tourisme urbain, le calendrier nocturne s’épaissit : « Nuit des arts » d’Helsinki, « Nuit des musées » de Munich, « Nuits blanches » de Saint-Pétersbourg, Paris, Rome, Bruxelles, Montréal ou Naples ou encore « Nuit européenne de la science » à Berlin et ailleurs. Tous les salons et foires ont désormais leurs « nocturnes » et les « soldes de nuit » attirent les foules, tandis qu’on inaugure plutôt les nouveaux magasins en soirée. Dans les gymnases et salles des fêtes, les « Nuits du volley » succèdent aux « Nuits des infirmières ». Dans les villages, les marchés nocturnes sont désormais intégrés dans des dynamiques de développement local et touristique. On glisse peu à peu d’une gestion du calendrier événementiel à un « urbanisme des temps » dans lequel la dimension nocturne est centrale.
Émergence d’un espace public nocturne
Depuis des années, certains résidents se sont organisés pour interpeller les pouvoirs publics contre le développement de la nuit festive, les nuisances et l’épuration phonique et plus récemment contre la pollution lumineuse. Désormais, des collectifs d’acteurs (artistes, exploitants de lieux de diffusion, acteurs des musiques actuelles, professionnels de la nuit…) et d’usagers revendiquent la prise en compte de la nuit dans les politiques publiques et cherchent à faire pression sur les autorités, par exemple à travers des pétitions comme « Paris. Quand la nuit meurt en silence ». Des « états généraux de la nuit » ont été organisés à Genève, Lausanne, Paris ou Toulouse à l’initiative des municipalités ou des collectifs eux-mêmes. À São Paulo au Brésil, c’est un groupe d’artistes qui est à l’initiative du « Seminário da Noite Paulistana » réunissant les acteurs publics et privés concernés par la nuit urbaine. Ces travaux ont abouti à un « manifeste de la nuit » (Night Manifesto, 2014), qui pourrait servir de plate-forme internationale à ces collectifs.
Étape supplémentaire, ces mobilisations prennent de plus en plus souvent la forme d’élection de « maires de la nuit ». À Amsterdam aux Pays-Bas, depuis 2003, les acteurs de la nuit élisent leur Nachtbrugermeester, qui s’appuie sur un large réseau de bénévoles en charge de faire remonter les doléances nocturnes. En France, Paris, Toulouse et Nantes ont emboîté le pas avec l’élection symbolique de leurs maires de la nuit en 2013, « initiatives citoyennes pour donner une voix à la nuit » bien relayées par les réseaux sociaux. À Genève, un « Grand Conseil de la nuit » a été créé, groupe indépendant, composé de professionnels, d’amateurs et de spécialistes dont le but est de défendre « une vie nocturne riche, variée et vivante par l’établissement de conditions cadres favorables ». On est encore loin de la proposition d’élection d’un véritable « maire de nuit4 » mais peu à peu ce territoire, ses acteurs et habitants autrefois invisibles accèdent à une forme de représentation. On voit s’affirmer progressivement une « scène5 » nocturne associant à la fois un groupe de personnes qui bougent de place en place, les places sur lesquelles elles bougent, le mouvement lui-même et un « espace public nocturne » au sens d’Habermas.
Comment habiter la nuit ?
Espace-temps éphémère et cyclique, la nuit nous enveloppe et nous « pénètre par tous les sens6 ». Ici s’affirme toute l’importance de l’« habiter », à la fois mode de connaissance du monde et « type de relations affectives loin d’une approche abstraite ou technocratique de l’espace7 ». La nuit est l’occasion de passer d’une pensée de l’« organiser » à une pensée de l’« ex-ister », c’est-à-dire « avoir sa tenue “hors8” ».
Loin des certitudes et des blocages de la société diurne, on peut rêver d’une ville la nuit plus habitable, humaine, accessible et hospitalière, de nuit comme de jour, en reprenant à notre compte quelques propositions des situationnistes :
Ouvrir le métro, la nuit, après la fin du passage des rames […]. Laisser les squares ouverts la nuit. Les garder éteints. Munir les réverbères de toutes les rues d’interrupteurs ; l’éclairage étant à la disposition du public9.
Elles doivent tenir compte des particularités des nuits urbaines et intégrer les besoins de sécurité, confort, lisibilité, animation et information qui permettent à chacun de naviguer dans la ville la nuit en toute quiétude.
Dans un espace-temps où les notions de sécurité et de liberté sont essentielles, pour que les nuits urbaines soient aussi des moments d’échange et de convivialité et que les espaces publics deviennent attractifs, un nouvel urbanisme – l’urbanisme de la nuit – doit pouvoir être développé, qui s’appuierait sur quelques grands principes : l’hospitalité des espaces publics, des moyens de transport et du mobilier urbain face à la dureté des conditions de vie ; l’information face à un territoire mal appréhendé ; la qualité face à un environnement difficile ; l’égalité face aux trop grandes disparités entre centre et périphérie, individus ou groupes sociaux ; la sensibilité face à la stricte rationalité du jour ; la variété face aux risques de banalisation ; l’inattendu par l’invention et l’événementiel ; l’alternance ombre et lumière face aux risques d’homogénéisation ; la sécurité par l’accroissement du spectacle urbain et de la présence humaine plutôt que par les technologies sécuritaires, et l’enchantement par l’invention10. Ces principes développés la nuit pourraient naturellement irriguer le jour.
Quand la nuit illumine le jour
C’est la nuit que l’on refait le monde. Ici s’élaborent des solutions qui font appel au bricolage, aux « ruses » qu’analysait Michel de Certeau, à la transgression mais également à la coopération. Ici se déploient une « expertise quotidienne », des savoirs et des compétences distincts de l’expertise des élites, voire des « savoirs spécifiques de la nuit », où les travailleurs de nuit allient débrouille et polyvalence, comme dans le secteur hospitalier11.
Ouvrir le chantier des nuits urbaines, c’est apprendre à gérer des contradictions et paradoxes d’une société hypermoderne : éclairer la nuit sans pour autant la tuer ; rendre la nuit accessible et préserver son identité originelle ; développer l’activité économique sans créer de nouveaux conflits d’usage ; animer la nuit et respecter les rythmes biologiques ; assurer la sécurité publique sans imposer un couvre-feu ; ouvrir la nuit tout en préservant la santé des travailleurs ; assurer la continuité centre-périphérie sans uniformiser la nuit ; réguler la nuit tout en conservant une place pour la transgression ; ne pas tout réglementer sans pour autant abandonner la nuit au marché ; développer l’offre de services et conserver le silence et l’obscurité ; concilier « droit à la ville » et « droit à la nuit » et, enfin, investir la nuit tout en lui conservant une part de mystère. Compétence de tout le monde et de personne, la nuit urbaine oblige à l’échange et à la coopération entre toutes les parties prenantes, loin des frontières institutionnelles. Elle renvoie aux questions de vie quotidienne et met en avant une approche sensible et humaine de la ville dans une logique d’« innovation ascendante » ou d’« innovation par les usages » au sens développé par Eric Von Hippel12. Dans certaines agglomérations où les acteurs de la nuit sont suffisamment nombreux et organisés, on pourrait voir émerger des plates-formes d’innovation, des « districts nocturnes », des « écosystèmes territoriaux » ou des « clusters » (Michael Porter13) nocturnes permettant de créer des synergies entre parties prenantes dans des logiques de développement soutenable. Enfin, la mise à l’agenda de la nuit est notamment l’occasion de convoquer les créateurs et les artistes, très peu associés à la production urbaine diurne, pour enchanter la dimension nocturne, participer à la production de nouveaux imaginaires et à l’émergence d’une nouvelle condition nocturne.
La nuit permet d’intégrer le « vernaculaire » (dans la production de la pensée urbaine), c’est-à-dire tout ce qui tend à agencer de manière optimale les ressources et matériaux disponibles pour habiter une ville14. La réflexion oblige à dépasser la nuit urbaine pour élaborer une nouvelle approche de la ville et de la société. Il faut passer à une approche chronotopique, où le « chronotope » est défini comme « lieu de confluence de la dimension spatiale et de la dimension temporelle », et développer les outils de représentations spatio-temporels adaptés, voire passer à une « écologie des territoires urbains » comme le suggère désormais le philosophe Thierry Paquot15. Cette approche nécessite de penser l’« architecture temporelle » de la ville et des territoires16, comme expression à part entière de la culture urbaine, à la fois agencement des configurations temporelles et art de les imaginer, de les concevoir et de diriger leur réalisation. La réflexion doit basculer d’une logique de gain de temps à une logique de « qualité de temps » et donc de qualité de vie en développant une « écologie des temps17 », qui s’attache au milieu temporel, au régime temporel, aux cadres sociotemporels et à la culture temporelle. Compte tenu des évolutions, il nous faut définir un nouveau « droit à la ville » qui ne se limite pas à la période diurne, un « droit à la ville » pour tous, partout et à toute heure. La citoyenneté se comprend de jour comme de nuit, avec ses droits et ses devoirs.
Réfléchir à la nuit urbaine ne signifie pas valider la figure de la ville ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 718, laissant l’économie dicter seule ses lois. Entre prise de pouvoir et défense de la nuit, ville en continu et développement soutenable, il y a la place pour une autre approche, plus complexe, humaine et sensible, des nuits urbaines, qui renvoie à l’habiter poétique de Novalis :
Plus célestes que ces étoiles clignotantes, nous semblent les yeux infinis que la Nuit a ouverts en nous.
En ce sens, apprendre à habiter la nuit, c’est d’abord être présent au monde et à autrui.
- *.
Géographe, enseignant en aménagement et urbanisme à l’université Joseph-Fourier de Grenoble (Iga), responsable du master Innovation et territoire, chercheur au laboratoire Pacte (Umr 5194 Cnrs).
- 1.
Thierry Paquot, le Quotidien urbain. Essais sur les temps des villes, Paris, La Découverte, 2001.
- 2.
Luc Gwiazdzinski, la Ville 24 heures sur 24, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube/Datar, 2003.
- 3.
Roger Narboni, les Éclairages des villes. Vers un urbanisme lumière, Gollion, Éditions Infolio, 2012.
- 4.
Bernard Aghina et Luc Gwiazdzinski, « Les territoires de l’ombre », Revue Aménagement et nature, no 133, 1999, p. 105-108.
- 5.
Will Straw, “Scenes and Sensibilities”, Public, no 22/23, 2001, p. 242-257.
- 6.
Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945.
- 7.
Éric Dardel, l’Homme et la Terre : nature de la réalité géographique, Paris, Éditions du Cths, 1952.
- 8.
Henri Maldiney, Empreintes et figures du temps, Toulouse, Érès, 1990.
- 9.
Publié dans Potlatch, no 23, 13 octobre 1955.
- 10.
Voir L. Gwiazdzinski, Nuits d’Europe. Pour des villes accessibles et hospitalières, Belfort, Utbm Éditions, 2007.
- 11.
Anne Perraut Soliveres, Infirmières : le savoir de la nuit, Paris, Éditions Le Monde/Puf, 2002.
- 12.
Eric Von Hippel, Democratizing Innovation, Cambridge, Ma, Mit Press, 2005.
- 13.
Michael Porter, On Competition, Boston, Harvard Business Review Books, 1988.
- 14.
Ivan Illich, le Genre vernaculaire, Paris, Le Seuil, 1983.
- 15.
Voir son article dans ce dossier, p. 18.
- 16.
Voir Sandra Bonfiglioli, l’Architettura del tempo, Milan, Liguori Editore, 1990.
- 17.
William Grossin, Pour une science des temps. Introduction à l’écologie temporelle, Toulouse, Octarès, 1996.
- 18.
Voir L. Gwiazdzinski, la Ville 24 heures sur 24, op. cit., et Jonathan Crary, 24/7. Le capitalisme à l’assaut du sommeil, Paris, Zones/La Découverte, 2014.