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Vaccinés à la norme

février 2010

#Divers

La crise du vaccin est révélatrice d’une tendance lourde de nos élites : prendre des mesures face au risque, sans égard pour les acteurs concernés.

Roselyne Bachelot résilie sa commande de la moitié des vaccins programmés contre la grippe A (h1n1). Nouvel épisode d’un long feuilleton sanitaire, c’est la reconnaissance de la faillite d’un dispositif autoritaire qui aura vu les internes réquisitionnés, les patients convoqués dans les gymnases, les experts invités à faire passer dans les médias des messages univoques de risque et de réassurance. Et si l’erreur avait été de ne pas faire confiance aux acteurs quotidiens de la santé – médecins généralistes, parents d’élèves, responsables locaux – au profit de lois prétendument infaillibles de la logistique sanitaire, édictées par des élites manifestement incapables de gérer collectivement l’incertitude ?

Cette faillite de l’opération « centre de vaccination » nous intéresse parce qu’elle révèle un échec sanitaire en même temps qu’un considérable gâchis d’argent public, dans une conjoncture économique difficile. Elle nous révèle en même temps un problème plus général. De façon récurrente, l’État, lorsqu’il doit faire face à une situation de risque de grande ampleur, se fie aveuglément aux normes et aux principes abstraits les plus cotés dans les milieux technocratiques (la « chaîne du froid », les économies d’échelle, l’organisation centrale et nationale comme garantie de l’égalité de traitement…). Les circulaires émanent d’un milieu qui tourne en rond et régissent des situations qui leur échappent.

Il est temps de réagir, d’autant que les situations de risque sont devenues le pain quotidien des sociétés contemporaines. Songeons aux émeutes récurrentes en banlieue, pour lesquelles la parole des acteurs (médiateurs, parents, sociologues) est condamnée à résonner dans le vide. Pour parer à une menace de dislocation du corps social, le gouvernement organise un débat sur l’identité nationale dans le cadre contrôlé des préfectures. Dans les cabinets gouvernementaux, les spécialistes des caméras de surveillance sont pris plus au sérieux que les conseils de quartier ou les élus locaux.

Une telle situation, où ceux qui savent parler aux gestionnaires sont préférés à ceux qui savent de quoi ils parlent, n’est pas saine. Cette gestion des politiques publiques est un dévoiement du principe de précaution, qui suppose que tous les acteurs concernés soient pris en compte pour s’assurer que la réponse au risque ait des chances raisonnables de succès. Il faut le rappeler : le principe de précaution, inscrit dans la constitution, est un principe démocratique opposable à la gestion autoritaire des affaires publiques. La crise des vaccins en est le symptôme : la réponse gouvernementale au risque doit désormais inclure, sous peine d’échouer, une attention plus fine aux dispositifs sociaux déjà existants.