animée par Camille Riquier, autour de leurs derniers livres :
Rupture(s) [Claire Marin]
(Éditions de l'Observatoire, 2019)
Qu’elles soient joyeuses ou tragiques, visibles ou non, les ruptures rythment notre existence, nous transforment, nous remettent profondément en question.
Comment conjuguer ces « bifurcations » de nos vies que sont les ruptures avec l’idée de notre identité, une et constante ? Nous révèlent-elles la multiplicité de nos identités possibles, ou le fait que nous nous affirmions progressivement, au fur et à mesure de ces « accidents » de la vie ? Nous épurent-elles ou nous démolissent-elles ?
Pour la philosophe Claire Marin, la définition de notre être est tout autant dans nos sorties de route que dans nos lignes droites, dans les accrocs au contrat que dans le contrat lui-même. Naissances ou deuils, séparation ou nouvel amour, besoins d’ailleurs : nos oscillations, nos vacillements fragilisent nos représentations, ébranlent nos certitudes, certes. Mais ils soulignent aussi fondamentalement la place de l’imprévisible, et questionnent notre capacité à supporter l’incertitude, à composer avec la catastrophe et, en les surmontant, à parfois démarrer une nouvelle vie.
Apprendre à perdre [Vincent Delecroix]
(Rivages, 2019)
Un jour nous allons tout perdre et nous le savons bien. Mais la perte a commencé bien avant : elle est partout dans notre existence. Non seulement nous perdons, tous et toujours, mais nous vivons avec ce qui est perdu, parlons avec les morts, errons dans nos souvenirs, rêvons de restitution. Ces expériences donnent à notre vie une irréductible dimension de survie. Presque à chaque instant, il faut apprendre à perdre. Morts de masse et deuils collectifs, exils et migrations d’individus qui perdent tout, craintes fantasmatiques de perte d’identités culturelles et nostalgies réactionnaires, liquidation progressive du sujet dans les maladies neurodégénératives, désastres écologiques, pertes économiques colossales ou destruction des conditions matérielles d’existence : notre époque elle-même vit la perte – et le plus souvent la produit. En questionnant la littérature et la philosophie, la douleur intime comme la conscience historique, ce livre cherche par fragments à comprendre la catégorie de ce qui, flottant entre l’être et le non-être, est perdu. Il ne vise ni la consolation ni la sagesse. Il ne prétend pas « apprendre à perdre » à qui que ce soit, mais à voir la perte.