Hubert Beuve-Méry
(1902-1989)
Élevé dans une grande pauvreté par une mère seule, aidé par des ecclésiastiques à faire des études en travaillant, il apprend le métier du journalisme auprès du père Janvier, grand propagandiste d’un catholicisme intransigeant et ami de l’Action française ; il n’en adopte cependant pas les idées. Docteur en droit avec une thèse sur la pensée politique du théologien espagnol du XVIe siècle Vitoria, il est nommé en 1928 professeur de droit à l’Institut français de Prague. Il se lie aux dirigeants tchécoslovaques, rencontre et conseille Benès, devient correspondant de la revue intellectuelle des démocrates chrétiens Politique, mesure à l’occasion de diverses collaborations la dépendance de la grande presse envers les pouvoirs économique et politique français, assiste à la montée en puissance de l’impérialisme hitlérien en Europe centrale et tente d’alerter l’opinion française dans Le Temps, dont il devient le correspondant en 1935. Indigné et écœuré par l’abandon consenti à Munich, il l’écrit et démissionne du Temps.
Élevé dans une grande pauvreté par une mère seule, aidé par des ecclésiastiques à faire des études en travaillant, il apprend le métier du journalisme auprès du père Janvier, grand propagandiste d’un catholicisme intransigeant et ami de l’Action française ; il n’en adopte cependant pas les idées. Docteur en droit avec une thèse sur la pensée politique du théologien espagnol du XVIe siècle Vitoria, il est nommé en 1928 professeur de droit à l’Institut français de Prague. Il se lie aux dirigeants tchécoslovaques, rencontre et conseille Benès, devient correspondant de la revue intellectuelle des démocrates chrétiens Politique, mesure à l’occasion de diverses collaborations la dépendance de la grande presse envers les pouvoirs économique et politique français, assiste à la montée en puissance de l’impérialisme hitlérien en Europe centrale et tente d’alerter l’opinion française dans Le Temps, dont il devient le correspondant en 1935. Indigné et écœuré par l’abandon consenti à Munich, il l’écrit et démissionne du Temps.
Démobilisé à Lyon, il distribue dans les boîtes aux lettres des feuillets, Poignées de vérités, où il écrit ce qui ne peut s’imprimer : volonté de combattre les deux totalitarismes nazi et communiste associée à la condamnation de la démocratie libérale et du capitalisme pour leur mépris de l’intérêt général et leur corruption, réserve devant le régime du maréchal et surtout appel à une réforme morale et à une mobilisation civique pour rebâtir une communauté française. Par ses relations aux Affaires étrangères et dans la presse, il a des informateurs à Vichy. Travaillant sur la presse étrangère, il se fait une spécialité de la critique et de la vérification des informations, en antidote à la propagande et à la censure. Sans illusion sur la capacité de Pétain à résister à la pression du vainqueur, il pense qu’il faut utiliser la marge de liberté que laisse son régime plutôt que de tenter de le combattre sans moyens.
Engagé par Fumet pour une chronique régulière de politique mondiale dans Temps nouveau, il retrouve aussi Mounier, qui l’embauche à son conseil de rédaction. En janvier, sur le conseil de l’aumônier de l’École René de Naurois qui fréquente les réunions de Mounier, Dunoyer de Segonzac l’invite à passer deux jours à Uriage pour y présenter à l’équipe des instructeurs sa vision de la situation. La séduction est réciproque : Segonzac voit en cet intellectuel rugueux, lucide et rigoureux le conseiller dont il a besoin, et Beuve-Méry, d’abord réticent devant une allure aristocratique marquée par l’armée et le scoutisme, trouve là un style de vie communautaire et une qualité d’engagement, sans ambition de fortune ou de pouvoir, qui répondent à son aspiration profonde. Il apportera à l’École sa méthode de travail intellectuel et de recherche de l’information, avec son projet d’un engagement civique à fondement moral inspiré de Péguy. En proposant Péguy comme maître à la jeunesse française affrontée aux «révolutions du XXe siècle », il s’accorde parfaitement avec Mounier et Lacroix, avec lesquels il lie une confiante amitié.
Mais il est encore engagé, au début de 1941, avec les Affaires étrangères, qui lui ont proposé un poste à l’Institut français de Lisbonne. Il le fait transformer en tournée de conférences dans les universités portugaises. Parti à la mi-mars 1941, il rentre en juin prendre la direction du bureau d’études de l’École d’Uriage, au moment de « l’orage » consécutif à la visite de Darlan et des sanctions contre Mounier. Il restera à l’École jusqu’à sa suppression (31 décembre 1942), participera aux activités clandestines de l’équipe comme second du « vieux chef » (Dunoyer de Segonzac) et le suivra en 1944 dans le maquis du Tarn avant de retrouver le journalisme à la Libération comme rédacteur en chef de Temps présent ressuscité et d’être choisi comme directeur gérant du grand quotidien, le Monde, que de Gaulle veut voir succéder au Temps.
Bernard Comte