
Trois utopies contemporaines, de Francis Wolff
S’il est aujourd’hui convenu que la chute du communisme n’a en rien sonné la fin de l’histoire, qui avancerait pour autant qu’il nous reste des utopies ? C’est pourtant à l’examen critique de ce qu’il décrit comme trois utopies contemporaines – posthumaniste, animaliste et cosmopolite – que s’attèle Francis Wolff dans cet ouvrage. Les deux premières sont incompatibles avec un projet politique fondé sur une « éthique de la troisième personne », c’est-à-dire sur un principe de justice et d’impartialité. En effet, le posthumanisme ne vise que l’accroissement des capacités personnelles au détriment des autres et révèle le caractère absurde d’une vie condamnée à l’immortalité. L’animalisme s’appuie sur une éthique du care ne permettant pas de bâtir une communauté politique fondée sur la réciprocité. Seule l’utopie cosmopolite permet de réaliser l’humanisme en absolutisant ses principes par-delà les frontières et en étendant la libre circulation européenne à tout citoyen du monde. L’ouvrage, incisif, éclaire les dilemmes éthiques de notre temps. Mais il est regrettable d’opposer systématiquement éthique animale et éthique environnementale, dans une société dénuée d’espaces sauvages et qui pratique un élevage industriel polluant. Il aurait été plus intéressant que l’auteur développe ce qui semble faire l’objet principal de son inquiétude : la sauvegarde des traditions culturelles françaises.