
Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en équations, de Pablo Jensen
Cet ouvrage nous invite à reconnaître de façon réfléchie et lucide les performances et avancées théoriques que l’application des sciences exactes aux sciences sociales est en mesure de réaliser. Il refuse d’accorder à la mathématisation du monde, à la modélisation du réel, la confiance aveugle que scientifiques et non-scientifiques sont parfois prompts à leur concéder, mais affirme qu’il est donc tout aussi erroné de récuser les ressources de l’outil mathématique appliqué aux sciences sociales. « Notre réalité est trop complexe pour se laisser construire d’une seule manière. Nous pouvons néanmoins tirer […] quelques enseignements sur la place de la formalisation dans l’exploration du monde social. » Ce n’est pas le moindre mérite de ce livre que de lutter à la fois contre nos penchants scientistes et contre l’affirmation d’un monde humain échappant à jamais aux procédures des sciences de la nature.
Il est d’ailleurs important de constater que cet exercice d’humilité et de mesure intellectuelles est le fait d’un chercheur ayant participé à des programmes de recherches en sciences dures et éprouvé les limites de ces derniers lorsqu’il est question d’en appliquer les procédures aux phénomènes sociaux. Pablo Jensen prend soin de lier ses analyses à la notion de « monde commun ». Parce que les sciences visent l’établissement de représentations objectives et démontrées,