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Notes de lecture

Dans le même numéro

Histoire du fascisme, de Frédéric Le Moal et Totalitarisme fasciste de Marie-Anne Matard-Bonucci

octobre 2018

#Divers

Fascisme ici, fascisme là : à force d’usage dans l’insulte politique ou infra-politique, le mot a perdu toutes ses arêtes significatives. En tout cas, peu seraient capables de le qualifier de manière précise, comme le font justement les ouvrages de F. Le Moal, plus historique, et d’A.-M. Matard-­Bonucci, plus thématique. Tous deux rappellent que le fascisme fut et reste réalisé dans sa forme pure, pour ainsi dire, dans l’Italie de Mussolini, entre le début des années 1920 et le 28 avril 1945, quand l’aventure s’est terminée avec les cadavres mutilés du Duce, de sa maîtresse et de quelques dirigeants, pendus à des crochets à Milan, la tête en bas, comme des pièces de viande de boucherie. Les antifascistes font un contre-sens en accusant en général de fascisme des gens de droite, car le fascisme est né et enraciné dans la gauche révolutionnaire, et il a en horreur la droite libérale et le capitalisme. F. Le Moal et/ou son éditeur sont brouillés avec les virgules mais, malgré ce défaut mineur, l’ouvrage sur la naissance et l’histoire du fascisme, avec ses tournants successifs, le rôle propre de Mussolini et du groupe dirigeant fasciste, ses initiatives politiques à l’extérieur et à l’intérieur est passionnant. Celui d’A.-M. Matard-Bonucci relève davantage des aspects particuliers du fascisme, comme la tentative de remodelage de la langue, le rôle du rire, la place de la race et du sexe dans la conquête de l’Éthiopie (le commerce sexuel avec les Éthiopiennes, d’abord encouragé, individuellement ou dans la prostitution organisée, sera ensuite diabolisé sous la poussée de la racisation du régime), l’antisémitisme de plus en plus virulent… Mais les deux auteurs s’accordent sur le rôle absolument central, accentué à mesure que s’avancent les années et que ­s’accumulent les conflits intérieurs et extérieurs de toutes sortes, de la violence (physique) : au cœur de la dynamique fasciste, elle nourrit sa vitalité, et réciproquement sa vitalité exige le recours à la violence. La république de Salò (ou «  République sociale italienne  », septembre 1943-avril 1945), où ­Mussolini et les fascistes sont rétablis par Hitler après sa destitution par le roi à la fin de juillet 1943, atteint de ce point de vue, comme dans une sorte de concentré d’un destin imparablement voué à la mort, un degré de violence extraordinaire ; pendant que les factions s’affrontent dans un État devenu collaborationniste et impuissant face à l’occupant, les unités militaires et paramilitaires créées spécialement exécutent indistinctement membres de la résistance et de la société civile, juifs et «  traîtres  » au fascisme. L’assassinat, en janvier 1944, après un semblant de procès, du gendre de Mussolini, Ciano, et de quelques autres hauts dignitaires du régime qui avaient préconisé la distance par rapport à l’Axe pour préparer une sortie honorable de la guerre, n’en est qu’un petit exemple. Comme dans la France occupée, les Allemands qui ont alors pris la main pillent systématiquement le pays et, au moment de l’écroulement final, ils multiplient les massacres criminels et les exécutions sommaires (comme celles des «  Fosses ardéatines  », en mars 1944, en représailles à un attentat contre des soldats allemands). En termes quantitatifs, la dimension de la catastrophe fasciste en Italie n’est certes pas comparable avec celle du nazisme et du communisme mais, du point de vue formel, la comparaison entre les trois totalitarismes donne à penser. Et après la guerre, la difficulté de la désignation, du procès et de la punition des coupables ressemble fortement à celle de la France, de l’Allemagne et d’autres pays d’Europe.

 

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Jean-Louis Schlegel

Philosophe, éditeur, sociologue des religions et traducteur, Jean-Louis Schlegel est particulièrement intéressé par les recompositions du religieux, et singulièrement de l'Eglise catholique, dans la société contemporaine. Cet intérêt concerne tous les niveaux d’intelligibilité : évolution des pratiques, de la culture, des institutions, des pouvoirs et des « puissances », du rôle et de la place du…

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