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Notes de lecture

Dans le même numéro

Romans et nouvelles (1959-1977), de Philip Roth

avril 2018

#Divers

Ce volume de La Pléiade ramène à l’aube de l’œuvre de Roth, à l’époque où il construit son image grâce au recueil de nouvelles Goodbye Columbus et surtout à la Plainte de Portnoy (nouveau titre, moins parlant que l’original, Portnoy et son ­complexe). Le livre fait scandale dans la communauté juive qui se sent injuriée par une vipère élevée en son sein et qu’elle accuse de n’être occupée que de sa propre personne. Il est vrai qu’à l’époque, une telle gouaille linguistique dépote. Mais le roman est magistral. Portnoy devient l’un des masques de l’auteur. Il va poursuivre quelque temps sa saga populaire tout en déclinant d’autres figurations (dont un professeur métamorphosé en glande mammaire, en un clin d’œil à Kafka). Apparaît aussi le successeur de Portnoy : Zuckerman – sans doute son double le plus proche et qui deviendra plus tard le héros du plus grand livre de l’auteur, la Pastorale américaine. Pour l’heure, il convient de reprendre ces œuvres premières, loufoques, gouailleuses, impitoyables, et leur polyphonie, là où la fable, la critique sociale et la saga sarcastique trouvent une dimension impressionnante. Moins typé que Singer – et sans doute pour cela plus populaire –, Roth reste le maître de l’humour et de la désobéissance romanesque. Dénouant bien des pièges, par son audace de ton, il fait du discours sur la réalité un divertissement épique et (im)pitoyable. Et c’est sans doute ce qui donne aux aventures de Portnoy et de ses clones une vision aiguë du monde tel qu’il est. La fiction devient une onde textuelle qui traverse et poursuit, de pages en pages, la maladie de l’identité et celle du sexe, dont nul ne se remet. Ou si peu. L’Amérique s’ouvre à sa béance, son énigme, à travers divers milieux. Le monde juif bien sûr, cocon ou creuset de l’œuvre, mais il s’élargit au-delà sur une vision de New York dont héros et héroïnes deviennent castors ou grands hérons de la civilisation urbaine. Ce localisme insère l’histoire dans un lieu précis dont le genre romanesque est la grande épopée.

Gallimard,  La Pléiade , 2017
1 p. 64 €

Jean-Paul Gavard-Perret

Docteur en littérature,  poète, critique littéraire et critique d'art contemporain, il enseigne la communication à l’université de Savoie à Chambéry. Il est membre du Centre de Recherche Imaginaire et Création.

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