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Vie urbaine et temps communs

décembre 2014

#Divers

Les politiques temporelles ont une histoire déjà assez ancienne, qui remonte aux années 1950. Mais alors qu’au départ elles se fondaient principalement sur l’aménagement des horaires dans un but économique (réduire les embouteillages, supprimer les « temps morts »), elles ont pris une dimension plus large d’articulation des temporalités pour faciliter la vie des citoyens même si elles restent trop peu reconnues.

Depuis une vingtaine d’années, le thème des temporalités s’invite dans les réflexions sur les espaces urbains. La globalisation, l’individualisation généralisée, les mutations du travail, l’étalement urbain, la division fonctionnelle des espaces, les technologies de l’information et de la communication sont pointés du doigt comme les causes majeures des problèmes rencontrés. Les individus sont, en effet, directement confrontés à la difficulté d’articuler les différents temps de la vie quotidienne, à maîtriser l’accélération des rythmes de vie, à réagir à la sensation d’un manque de temps et au sentiment d’urgence1.

Cette articulation des temps urbains relève d’un choix de société et induit des décisions politiques. C’est le cas, par exemple, de l’ouverture des commerces le dimanche ou du travail de nuit. Les débats sur les temps urbains oscillent actuellement entre la référence au modèle d’une ville « à la carte », fonctionnant en continu, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et la nécessité d’harmoniser entre eux les temps sociaux et individuels.

La ville en continu pose la question de ses bénéficiaires2. Elle provoque une montée des conflits, une augmentation des inégalités et des risques d’accroissement des divisions socio-spatiales. Le travail de nuit et le non-respect des rythmes biologiques entraînent des risques pour la santé. De certains de ces constats sont issus les « politiques temporelles » et les « bureaux des temps ».

Pour un « droit au temps »

L’appel à la reconnaissance d’un « droit au temps » est apparu en Italie dès le milieu des années 1980 ; il y a trouvé une réponse politique et législative, à différents échelons territoriaux. L’intérêt pour le sujet s’explique par le poids de la recherche qui existait déjà sur les temps sociaux ainsi que par le rôle des mouvements féministes, soutenus par les syndicats3. En 1990, l’article 36 de la loi 142-90 sur la réforme de l’administration locale attribue aux maires le pouvoir de coordonner les horaires des services publics, dans l’objectif de mieux les adapter aux nécessités des citadins. Cet article est issu d’une proposition de loi intitulée « Les femmes changent le temps : une loi pour rendre plus humains les horaires de travail, les horaires de la ville, le rythme de la vie », soumise au Parlement italien par les élues de l’ancien Parti communiste italien (Pci) à la fin des années 1980. Cette proposition de loi n’a pas été acceptée. Toutefois, elle a participé à instaurer l’idée que les difficultés des femmes – en particulier les mères de famille – à gérer leur emploi du temps constituent un problème collectif, qui relève donc des politiques publiques. Elle a accéléré certains processus, en renforçant les espaces de dialogue entre les féministes et les syndicats et en faisant des femmes des acteurs sociaux majeurs. Elle est aussi devenue une référence pour les politiques qui ont suivi.

La ville de Milan instaure un bureau des temps et rédige un plan régulateur des horaires dès 1994. Ce document directeur est un plan d’action global qui établit les thèmes, les objectifs et désigne les différents acteurs concernés. Plusieurs villes prennent des mesures semblables comme Gênes, Rome, Catane, Bolzano, Modène ou Pesaro. D’autres lois affirment par la suite la nécessité d’agir sur les horaires traditionnels. En 2000, en particulier, le gouvernement impose aux villes de plus de 30 000 habitants de disposer d’un bureau des temps et d’établir des plans territoriaux des horaires.

Ces bureaux des temps sont des structures coordonnant les actions des politiques temporelles et poursuivent l’objectif de favoriser l’accès aux différents services de la ville : commerces, services publics, services privés et transports. Selon Sandra Bonfiglioli :

De nombreuses personnes retiennent qu’agir sur les horaires d’ouverture des guichets ou des services est une action banale, et seulement rationalisatrice. L’expérience a démontré le contraire. Que ce soit dans le cas des guichets ou à l’intérieur des services, agir sur les horaires nécessite de modifier la relation complexe entre organisation du travail, mobilité et diversité des usagers4.

Pour ces raisons, la participation des divers acteurs de la vie urbaine quotidienne est fondamentale : les utilisateurs des services, les syndicats, les représentants des entreprises privées ou publiques, pour ne citer qu’eux, sont couramment associés aux études et prises de décisions. Les interventions sur les horaires sont particulièrement pertinentes dans le cadre des horaires de travail, puisqu’ils sont les premiers ordonnateurs des rythmes de l’activité urbaine.

C’est à la suite de ces initiatives italiennes que se sont diffusées les politiques temporelles dans plusieurs pays européens, notamment en France, mais aussi en Allemagne ou en Espagne. Un réseau européen a été fondé en 2009 à Barcelone, première ville espagnole à avoir créé un bureau des temps.

Des objectifs économiques aux objectifs sociaux

En France, ce sont près d’une trentaine de collectivités françaises qui tentent désormais d’intégrer la question des temps dans leurs démarches5. Cependant, les premières expériences françaises en matière d’aménagement du temps remontent à la fin des années 1950 – on ne parle pas à l’époque de « politiques temporelles » mais d’« aménagement du temps ». Celui-ci est alors relié aux questions d’aménagement territorial et de temps de travail.

Deux structures, en particulier, ont mené des expérimentations dans les villes. La première est le Comité national pour l’aménagement des horaires de travail (Cnat), dépendant du ministère des Travaux publics et des Transports. Créé dès 1958, le Cnat possède un comité décentralisé dans plusieurs villes comme Lille, Angers, Grenoble ou Toulouse. La seconde, le Comité pour l’étude et l’aménagement des horaires de travail et des temps de loisirs (Catral), voit le jour en 1966 en Île-de-France. Ayant le statut d’association loi de 1901, le Catral est chargé de définir, de promouvoir et de mettre en œuvre une politique d’aménagement du temps. Il naît des difficultés croissantes que rencontre la région pour faire face à l’augmentation rapide des migrations alternantes. La multiplication des moyens de transports et l’aménagement de l’espace sont jugés insuffisants pour répondre à ces problèmes. De nombreux rapports sont commandés et montrent alors le besoin d’instaurer une politique d’horaires variables et de désynchronisation des activités. Entre les années 1950 et 1990, ce sont ces deux axes qui guident les actions d’aménagement du temps. Celles-ci ambitionnent surtout de résoudre des problèmes de congestion dans les transports et de « temps morts » qui nuisent à l’économie. Le « décalage » est le maître mot de cette période.

Mais bien souvent, les expérimentations restent cantonnées au niveau local ; les réalisations concrètes dans les villes sont peu nombreuses et souvent limitées à l’Île-de-France. Par ailleurs, les premiers partisans de l’aménagement du temps sont issus des milieux industriels et commerciaux qui repèrent d’abord les manques à gagner provoqués par les embouteillages, les longs temps de transport, les retards cumulés dans les livraisons, bref ce qui coûte. Pour eux, le temps est avant tout envisagé comme ressource économique.

Les objectifs et les acteurs de l’« aménagement du temps » sont radicalement différents de ceux des « politiques temporelles ». Ces dernières, en France, s’inspirent des actions entreprises en Italie mais s’inscrivent également dans une démarche plus large visant à renouveler les bases de l’aménagement des territoires. Elles sont apparues en même temps que de nouvelles lois visant à changer les formes de la planification territoriale (la loi sur l’intercommunalité est votée en 1999, la loi solidarité et renouvellement urbain – Sru – en 2000). Les premiers bureaux des temps sont créés en France à partir de 2001, en partie grâce au programme de prospective de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar), « Territoires 2020 ». L’objet du débat engagé par la Datar fait en outre pleinement écho aux lois Aubry de 1998 et 2000 qui organisent le temps de travail salarial réglementaire à trente-cinq heures par semaine et qui recommandent, dès l’article premier, une harmonisation des services publics en rapport avec les besoins des habitants.

Les politiques temporelles ne proposent pas de projets urbanistiques spectaculaires, remarquables aux yeux de tous, comme la requalification d’un quartier ou la construction d’un éco-quartier. Peu visibles, car agissant sur l’objet « temps », elles restent, plus de dix ans après les premières initiatives menées, encore méconnues, peu de bilans ayant été dressés depuis6.

Parfois résumées de façon rapide à des politiques d’horaires, les politiques temporelles ambitionnent de saisir la notion de « temps » sous divers aspects, tendant à considérer celui-ci comme un objet qui résulte d’une longue évolution historique, d’ordre social et culturel. Elles le perçoivent comme quelque chose qui se vit, se comprend, s’emploie de manière différente selon les individus, qui ne génère pas les mêmes comportements et attentes pour tous. Et, selon ses initiateurs, les politiques temporelles seraient à l’origine de pratiques urbanistiques inédites, considérant le temps sous diverses formes et donnant naissance à un « urbanisme temporel ».

Apports et limites des politiques temporelles

Les rythmes urbains, au cœur des politiques temporelles

Les politiques temporelles portent un regard novateur sur les territoires urbains : elles présentent l’intérêt de recentrer les actions urbaines sur les usages, en les abordant de manière explicite sous l’angle du temps. Plus précisément, c’est la question du rythme, cette expression concrète du temps, au cœur de la quotidienneté7, qui est au centre de ces politiques, même s’il n’est pas un concept utilisé de façon explicite et régulière par leurs acteurs. La ville est la concrétisation de rythmes cohabitant et interagissant entre eux : s’intéresser à cette polyrythmie permet alors de penser autrement les espaces et leurs aménagements. La prise en compte des rythmes urbains s’exprime dans les actions de trois façons principales.

Premièrement, les politiques temporelles prêtent attention à la diversité des rythmes quotidiens et tentent de les coordonner. S’inscrivant au départ dans la lignée des expériences italiennes, elles se sont d’abord centrées sur les services aux familles avant d’élargir leur population cible pour améliorer l’accessibilité aux services urbains. D’une façon générale, la rigidité des horaires traditionnels se heurte aux emplois du temps de plus en plus diversifiés et changeants des populations. Ainsi, l’un des objectifs majeurs des bureaux des temps est d’agir sur les difficultés croissantes des gens à gérer leur emploi du temps quotidien. Leurs actions portent sur la modification des plages horaires de certains équipements, le regroupement de services afin de réduire les temps d’attente et de déplacements, et la multiplication des moyens d’information sur les horaires d’ouverture. À Rennes, Montpellier, Saint-Denis, Paris ou Lyon, ceux-ci ont permis à certains équipements et services (administratifs, culturels, sportifs, ou de transports, de garde d’enfants, de loisirs) de devenir accessibles à des moments où ils ne l’étaient pas (en particulier en soirée, le dimanche et à l’heure du déjeuner). Des nocturnes ont ainsi été instaurées dans des piscines ou des musées, des marchés alimentaires ont été créés l’après-midi et des bibliothèques ont été ouvertes le dimanche. Ces démarches sont le reflet d’une prise en compte de la diversité des rythmes quotidiens, s’attachant aux difficultés de synchronisation de certaines populations aux temps sociaux dominants et aux évolutions des rythmes majeurs comme des rythmes mineurs.

Deuxièmement, la diversité des rythmes urbains quotidiens est abordée par les bureaux des temps par leur intérêt à ce que l’on peut appeler la « polychronie » des lieux. Celle-ci se rapporte à la diversité rythmique d’un lieu et à sa faculté d’engendrer des usages pluriels en un même moment. Les politiques temporelles s’intéressent surtout aux conflits temporels, directement issus de l’intensification de la polychronie urbaine. La multiplication d’activités durant certains moments est fortement propice au développement de tensions dans l’espace urbain, en particulier la nuit entre sortants nocturnes, riverains et établissements de nuit. Face à la montée des conflits, les bureaux des temps se positionnent en médiateurs entre les diverses parties prenantes. Bien souvent, ils tentent de renouer le dialogue entre les riverains, les bars, les boîtes de nuit, les restaurants, les usagers de ces lieux et la préfecture. Nombreux contribuent au développement de chartes locales des usages ou de chartes nocturnes, comme à Lyon, Caen, Montpellier, Paris ou Rennes. Certains proposent des solutions originales. La ville de Rennes a ainsi lancé en 2005 un dispositif appelé la « Nuit des 4 jeudis ». L’objectif est d’offrir une alternative aux nuits trop souvent alcoolisées des jeunes, de proposer d’autres façons de « faire la fête » et d’encourager les initiatives innovantes en matière de loisirs nocturnes8. D’une façon générale, l’attention portée aux conflits temporels semble aujourd’hui nécessaire à la constitution de villes apaisées et à la bonne cohabitation entre citadins.

Troisièmement, ces politiques s’intéressent aux enchaînements rythmiques, à la succession des pratiques, à la suite des événements, qu’ils soient récurrents ou ponctuels, prévus ou imprévus. Elles tentent de traiter de façon différenciée les espaces urbains et les équipements publics selon les moments. Cette démarche vise à considérer la polyvalence des territoires : il s’agit de révéler les usages possibles des lieux selon les périodes de temps. Des expériences d’optimisation de l’utilisation des équipements ont été menées à Paris, par la mairie du 9e arrondissement et le bureau des temps de la ville. Après concertation auprès des principales entreprises, grands magasins, commerces locaux, Ratp, compagnies d’assurance, Chambre de commerce et d’industrie et Chambre des métiers, une étude identifiant les services et espaces qui pourraient être mutualisés a été réalisée. La diversification temporelle des usages des espaces publics est également au cœur des préoccupations des politiques temporelles. Lors de la requalification du centre-ville de Saint-Denis ou de la mise en place d’une aire piétonne circulée à Poitiers par exemple, des études ont été réalisées sur les usages de ces lieux selon les différents moments de la journée, de la semaine et de l’année avant leur réaménagement. L’objectif est alors de tenir compte des spécificités temporelles des lieux, tout en élargissant le champ des activités potentielles.

Des politiques peu intégrées dans les projets urbains

La volonté d’étudier et d’adapter les territoires à la multiplicité des rythmes sociaux apparaît dès les premières actions entreprises. Toutefois, faute de moyens suffisants et de reconnaissance par les praticiens (architectes, urbanistes et paysagistes), les actions des politiques temporelles manquent de portée globale. Les rapports entre aménagement et politiques temporelles sont ambigus. Alors que ces dernières sont nées au sein de la Datar, leurs acteurs présentent les bureaux des temps comme des institutions liées aux « services à la personne », ce qui peut laisser penser à un éloignement de leurs préoccupations territoriales. D’autant plus que peu de liens existent généralement avec les aménageurs. Trois raisons peuvent être identifiées : très peu d’aménageurs travaillent dans des bureaux des temps, ces derniers sont rarement intégrés au sein d’un service d’urbanisme ou d’une agence d’urbanisme, et la formation des urbanistes les sensibilise rarement aux problèmes temporels.

Ainsi, les bureaux des temps se heurtent souvent aux cloisonnements des compétences et restent très peu sollicités par les aménageurs. Ils interviennent parfois au niveau du diagnostic dans les projets urbains mais ne sont pas intégrés dans la définition des orientations, ni dans le suivi des projets.

L’urbanisme chronotopique, nouvel enjeu pour les villes

Malgré les limites précédemment évoquées quant aux bureaux des temps, on peut supposer que ces structures ont participé à affirmer l’intérêt pour la question des temps sociaux dans les politiques urbaines. En effet, les bureaux des temps jouent indéniablement un rôle de diffuseur de « bonnes pratiques », de mise en réseau d’expériences dispersées, d’appui aux initiatives locales et de médiateur entre acteurs aux intérêts antagonistes. Le Conseil de l’Europe a conforté, en 2010, les actions des politiques temporelles en reconnaissant le « droit au temps » de chaque citoyen et en encourageant les États à mener des recherches sur ce thème, à promouvoir les politiques temporelles et à créer des bureaux des temps dans les agglomérations.

Mais d’autres initiatives temporelles existent. Les mouvements slow, en particulier, se développent, dans un contexte d’éloge de la lenteur9. Dans ce cadre, le réseau international des Cittàslow, ou « villes lentes », a été fondé en 1999. Il est directement issu du Slow Food, créé en 1986 en Italie, promouvant le plaisir de manger, certaines formes d’agriculture, de production artisanale et d’approvisionnement. Ces principes sont repris dans la charte des Cittàslow10, s’intéressant plus largement aux problématiques urbaines. Le réseau, né en 1999 dans quatre villes italiennes, compte, début 2014, environ cent cinquante villes adhérentes dans le monde. Seules les villes de moins de 50 000 habitants peuvent obtenir le label. Concrètement, l’adhésion implique l’éloignement des voitures du centre, un développement des transports alternatifs, des rues piétonnes, des terrasses de cafés, des bancs, des espaces verts et de loisirs, la suppression de places de parking, un étalement urbain réduit, le développement des commerces de proximité…

Par ailleurs, un nombre important d’actions liées à la gestion temporelle des villes sont menées par la plupart des collectivités locales : variation de la durée de l’éclairage public et des horaires de fermeture des parcs et jardins selon les saisons ; gestion des horaires de circulation des transports en commun et d’ouverture des services publics ; promotion des modes de déplacement doux, tels la marche à pied ou le vélo, et instauration de limitations de vitesse de circulation automobile (zones 30, espaces partagés) ; organisation d’événements festifs, etc. Cependant, ces actions sont souvent cloisonnées et rarement coordonnées entre elles. Dans un contexte de transformation des rythmes urbains traditionnels, il faudrait avoir une vision plus globale de ces actions temporelles afin d’établir des lignes directrices.

L’aménagement urbain a longtemps été étroitement considéré comme organisation spatiale des villes, excluant toute dimension temporelle. Les schémas de cohérence territoriale (Scot), par exemple, qui fixent les objectifs en matière d’habitat, de développement économique, de loisirs, de déplacement des personnes et des marchandises, n’offrent traditionnellement aucune réflexion, aucune cartographie sur les rythmes urbains. Les reconfigurations spatiales liées à l’alternance du jour et de la nuit, aux différences entre les jours de la semaine ou les périodes de l’année, ne sont pas prises en compte. Pourtant, en agissant sur la disposition des activités dans l’espace, l’urbanisme agit sur l’organisation temporelle de la ville et influe sur les rapports au temps des habitants. L’étalement urbain et le fonctionnalisme ont produit des espaces divisés, aux régimes temporels singuliers. De façon schématique, la ville a éclaté en espaces aux activités différenciées, dédiés au logement, au travail, aux courses ou aux loisirs. Cela entraîne des mobilités importantes et des pertes de temps. À l’inverse, le modèle de ville dense, compacte, prônant la mixité des fonctions, est, lui, fortement susceptible de générer des conflits en rapprochant activités et populations aux régimes temporels divergents.

Penser le temps en urbanisme est devenu essentiel. L’urbanisme chronotopique, tenant compte des rythmes existants au sein d’un espace donné, représente un enjeu fondamental pour les villes de demain mais peine à émerger. L’analyse des transformations des rythmes de vie et des problèmes qu’ils engendrent, la reconnaissance des actions directes et indirectes déjà menées par les collectivités sur les temps urbains en sont des clés d’entrée incontournables.

  • *.

    Maître de conférences en aménagement et urbanisme à l’université de Reims Champagne-Ardenne, membre de l’Institut d’aménagement des territoires, d’environnement et d’urbanisme de l’université de Reims (Iateur), laboratoire Habiter EA 2070.

  • 1.

    Voir Paul Virilio, Vitesse et politique, Paris, Galilée, 1977 ; Thierry Paquot, le Quotidien urbain. Essais sur les temps des villes, Paris, La Découverte, 2001 ; Nicole Aubert, le Culte de l’urgence. La société malade du temps, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2003 ; Hartmut Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010.

  • 2.

    Voir Sandra Mallet, « Les rythmes urbains de la néolibéralisation/The Urban Rhythms of Neoliberalization », Justice Spatiale/Spatial Justice, no 6, juin 2014 (http://www.jssj.org/article/les-rythmes-urbains-de-la-neoliberalisation/).

  • 3.

    Voir Sandra Bonfiglioli, « Ville et temporalités urbaines », Urbanisme, no 304, janvier-février 1999, p. 23-25.

  • 4.

    S. Bonfiglioli, « Les politiques des temps urbains en Italie », traduit de l’italien par François Rosso, Les Annales de la recherche urbaine, no 77, 1997, p. 24.

  • 5.

    Voir le document publié en 2013 par l’association Tempo Territorial, les Politiques temporelles au cœur de votre territoire.

  • 6.

    On pourra néanmoins se reporter à Jean-Yves Boulin, Villes et politiques temporelles, Paris, La Documentation française, 2008 et S. Mallet, « De l’urbanisme-lumière à la chronotopie. Vers un urbanisme temporel », thèse de doctorat en urbanisme, Iup-Paris-12.

  • 7.

    Voir Henri Lefebvre et Catherine Régulier, « Le projet rythmanalytique », Communications, no 41, 1985, p. 191-199.

  • 8.

    Voir l’article de Luc Gwiazdzinski dans ce numéro, p. 46.

  • 9.

    Voir Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, Paris, Payot & Rivages, 1998 et Carl Honoré, Éloge de la lenteur, Paris, Marabout, 2005.

  • 10.

    Sophie Chapelle, « Cittàslow. Des villes où il fait bon vivre », Urbanisme, no 381, 2011, p. 25-32.