
Un temps à soi. Pour une écologie existentielle
Pour une écologie existentielle
Le temps n’est pas homogène, ni absolu. Il se construit, dans l’articulation entre temps biologique et temps social. L’apparition de l’horloge, la mécanisation du travail, le développement des loisirs déterminent notre manière de percevoir le temps et de nous y situer. À l’heure de la flexibilité et de l’accélération, comment harmoniser ces temporalités différentes ?
Si l’écologie s’attache à saisir les interrelations entre les éléments constitutifs d’un même ensemble, il va de soi qu’elle se préoccupe aussi des processus et, par conséquent, des rythmes et des temporalités qui participent à ces interrelations. On retrouve cette idée dans le qualificatif de « durable », utilisé mécaniquement par les « écotechnocrates ». Pourtant, l’écologie temporelle n’occupe pas la place qu’elle mérite dans les débats environnementaux et sociétaux. Lorsqu’on évoque les rythmes scolaires ou le statut férié ou non du dimanche, il ne s’agit pas seulement d’un dispositif administratif, juridique et finalement politique, mais surtout écologique. En effet, ces deux cas, parmi bien d’autres, relèvent de la chronobiologie et de la synchronisation ou non des temps individuels et des temps socialisés.
Chronobiologie
La chronobiologie vise la connaissance des rythmes des êtres vivants. Dès le néolithique, les humains ont repéré les différents cycles des végétaux et des animaux, ce qui favorise leur domestication progressive. La saisonnalité des fruits et des légumes, la migration des oiseaux, la période de la reproduction, etc., sont également observées, tout comme l’influence de la lune et l’importance du soleil sur les divers comportements tant des humains que du monde vivant. Les premiers calendriers témoignent de cette connaissance intuitive, de même que les cultes solaires, alors très répandus, et le cadran solaire. Mais il faudra attendre le xviie siècle pour que Santorio Santorio établisse des liens entre la température du corps, le pouls et le poids, découvrant sans le savoir le « métabolisme » (ensemble des réactions chimiques propre à un être vivant) et le rythme « circadien », terme proposé en 1959 par Franz Halberg pour désigner le rythme biologique d’environ vingt-quatre heures (circa en latin veut dire « environ » et diem, « jour »). Le médecin Julien Joseph Virey suggère déjà en 1814 l’expression « horloge du vivant », l’entomologiste Auguste Forel, en 1910, décrit celle interne des abeilles et, un an plus tard, l’éthologue Karl von Frisch en précise le fonctionnement.
Plusieurs recherches sur des végétaux et des animaux s’évertuent alors à bien distinguer la veille du sommeil et contribuent à l’élaboration de la chronobiologie, assurée en France par Alain Reinberg1, pour qui cette discipline examine les rythmes biologiques entendus comme l’adaptation des êtres vivants aux changements réguliers de leur environnement. En effet, tout être vivant est sensible à une variation de son environnement, impulsée par un « synchronisateur ». Dans le cas des humains, ces synchronisateurs peuvent être environnementaux mais aussi sociaux et agissent directement sur le cortex. C’est donc le cerveau qui réceptionne ce « message » et le traite. Ainsi, par exemple, la sonnerie du réveil crée le réflexe de l’éteindre et de se lever, c’est un synchronisateur qui conditionne notre perception du temps et son vécu. Il existe également des « désynchronisateurs » qui perturbent nos habitudes temporelles ou plus simplement notre « milieu » temporel, comme le décalage horaire lors d’un voyage à l’autre bout du monde (le fameux jet lag) ou encore le travail de nuit (la majorité des travailleurs de la nuit sont dépendants de médicaments et un tiers de cette population au rythme décalé « fait » des ulcères gastriques et duodénaux).
Où se trouve cette « horloge » ? William Grossin répond : « Elle réside dans les noyaux suprachiasmatiques du cerveau. » Comment fonctionne-t-elle ?
Les noyaux suprachiasmatiques sont reliés à l’épiphyse qui secrète plusieurs hormones dont l’une a une grande importance régulatrice du rythme veille/sommeil : la mélatonine. À son tour, la mélatonine active les sécrétions de divers organes, producteurs d’autres hormones.
En fait, précise l’auteur, compte tenu de la diversité des rythmes biologiques et de leurs particularités selon les sujets, il conviendrait de parler d’« horloges biologiques », si l’on tient à conserver ce terme trompeur. Les chronobiologistes distinguent trois « familles » de rythmes : les rythmes circadiens (toutes les vingt-quatre heures environ), les rythmes ultradiens plus rapides (le battement du cœur, par exemple) et les rythmes infradiens, plus lents (le cycle ovarien de vingt-huit jours, par exemple).
Ce sont le pédiatre allemand Theodor Hellbrügge (1960) et son assistant Joseph Rutenfranz (1957) qui ont étudié en premier les rythmes propres aux enfants. Ainsi, le nourrisson connaît deux rythmicités à ne pas confondre, le rythme alimentaire et le rythme veille/sommeil, qui alternent grosso modo toutes les trois heures. Respecter cette rythmique participe grandement à la sécurisation affective du bébé. De même, par exemple, les enfants de deux à trois ans vivent « deux épisodes de sommeil diurne autour de neuf heures et de douze heures ou un seul épisode autour de douze heures (sieste3) ». La plupart des enfants entre trois et douze ans présentent entre huit heures trente et neuf heures trente, selon Hubert Montagner, « une fréquence des indicateurs de non-vigilance significativement plus élevée qu’aux autres moments de la matinée ». Il repère cette « dépression corticale » en début d’après-midi, indépendamment du déjeuner, qui ne favorise guère l’attention et la mobilisation des ressources intellectuelles. Ces constats le conduisent à réclamer une profonde réorganisation du temps scolaire en cinq jours allégés, avec les activités qui conviennent aux rythmes biologiques des enfants selon leur âge. De seize heures à vingt heures, « la température corporelle est alors maximale, le métabolisme est élevé, la force musculaire et les coordinations sensori-motrices sont optimales », pourquoi ne pas consacrer ce moment aux sports et aux jeux en plein air ?
La chronobiologie a permis la chronopharmacologie (prendre le médicament au « bon » moment pour tel patient), encore peu développée à cause des contraintes temporelles dominantes (d’où la prescription standardisée « matin, midi et soir », alors qu’il serait plus judicieux d’avaler le comprimé à telle heure…), la chronopsychologie (qui étudie les rythmes d’apprentissage chez l’enfant), l’accidentologie (l’attention baisse à certaines heures, ainsi peut-on constater que les catastrophes du Titanic, de Three Mile Island, Bhopal, Tchernobyl ou le naufrage de l’Exxon Valdez sur les rivages de l’Alaska en 1989, interviennent la nuit). Ce dérèglement du temps en maintenant éveillé un sujet appartient à la torture exercée par le tortionnaire au nom de la « raison d’État », comme le relate, parmi d’autres, le Tchèque Artur London dans l’Aveu (1968). Les otages retenus prisonniers aussi bien au Liban qu’en Afghanistan ou au Mali ont connu, et connaissent, ce type de punition totalement dévastatrice, tant pour le corps que pour l’esprit. Empêcher de dormir revient à déstabiliser un individu, d’où, dans une mesure moindre, le caractère insupportable des nuisances sonores…
Le sommeil s’effectue selon une succession de quatre phases d’environ quatre-vingt-dix minutes chacune : les deux premières sont indispensables à la mémoire, la troisième caractérise le sommeil récupérateur en début de nuit et la quatrième, qualifiée de « sommeil paradoxal », accueille le rêve du petit matin et accroît la créativité. Une bonne santé réclame de « bien dormir ». Indépendamment d’une literie de qualité, d’un toit protecteur, d’absence de nuisances sonores (le ronflement du conjoint est perturbateur, la télévision du voisin insupportable, etc.), la régularité apparaît salutaire (le fêtard et le noctambule peuvent aussi avoir une régularité arythmique vis-à-vis de la majorité dormante…). On le voit, les temps sociaux se révèlent rigides et contraignants pour les temps individuels que la chronobiologie met en évidence. Une écologie temporelle, au lieu d’adopter des temps imposés et contre-indiqués, doit viser à un assemblage hétérogène des temporalités qui ne peut qu’être bénéfique pour tout individu et toute collectivité.
La tyrannie de l’horloge
Lewis Mumford, dans Technique et civilisation4, considère que la révolution industrielle occidentale débute au xiiie siècle avec la diffusion par les cisterciens de l’horloge mécanique, dont le mouvement perpétuel actionne également le moulin et le pressoir, et non pas au xviiie avec la machine à vapeur, proposant ainsi une autre chronologie. L’horloge génère un nouveau rapport au temps (la division des heures en soixante minutes est admise aux alentours de 1345), on attribue au temps mécanique des valeurs de régularité, de ponctualité, puis de rentabilité, qui échappent en partie au temps organique. Ainsi l’horloge conforte-t-elle le découpage « rationnel » du temps quotidien, d’abord dans les monastères, puis dans l’ensemble de la société où le temps laïc, celui de la production et des échanges, l’emportera progressivement sur le temps liturgique.
Des premières horloges, au mécanisme encore hésitant, accrochées en haut des clochers dès le xiiie siècle aux horloges fiables et performantes du xixe siècle, c’est toute une compréhension de l’éventail temporel (de l’instant à la durée) qui s’ouvre. Le chemin de fer enjambe les frontières sans pour autant consolider la fraternité entre les peuples comme l’espérait une poignée d’ingénieurs saint-simoniens. En revanche, il unifie les temps afin d’assurer les correspondances entre les trains, mais aussi avec les coches, les ferries, les bateaux… En France, l’heure nationale est promulguée en 1891 et, vingt ans plus tard, la majorité des États adoptent l’heure de Greenwich et la division de la planète en fuseaux horaires. Simultanément, dans les usines, comme dans les administrations et les boutiques, les lieux de spectacle ou de restauration, les horaires font la loi, y compris la nuit qui, avec la généralisation du gaz et de l’électricité, n’est plus l’opposé du jour mais sa continuité.
Le rythme biologique est dorénavant contraint par la discipline horlogère : l’heure c’est l’heure… officielle ! Nombreux sont encore les travailleurs rémunérés à l’heure ou à la pièce (ce qui revient au même car on « calcule » tant de pièces par heure) au début du xxe siècle. Si ce siècle a été, du moins dans les pays industrialisés, celui de l’emploi du temps et de son corollaire, l’agenda, le xxie siècle connaît leur dérèglement au nom de la flexibilité, nouvelle divinité du capitalisme dorénavant « liquide ». Ce qu’il convient de noter est la prégnance de la valeur-temps pour toutes les activités et inactivités humaines, et ce depuis le plus jeune âge. Ainsi le cancre est « retenu », on le punit en lui infligeant une « colle », c’est-à-dire une pénalité temporelle. Elle devient un enjeu non seulement économique (« le temps c’est de l’argent ») mais aussi syndical.
Travail
L’histoire des luttes ouvrières est avant tout celle de la réduction du temps de travail obligatoire et ce dans la plupart des pays industrialisés. Chaque 1er Mai, on honore le 1er mai 1886, lorsque des travailleurs nord-américains, 340 000 dit-on, manifestèrent dans plusieurs villes pour réclamer la journée tripartite, huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures d’éducation. Ils obtinrent les balles de la police et récoltèrent des morts. En France, on passe de la journée légale de douze heures en 1848 à celle de huit heures en 1919, le repos hebdomadaire (le dimanche) est voté en 1906 aussi bien par les catholiques que par les syndicalistes révolutionnaires, le Front populaire instaure en 1936 la semaine de quarante heures et les deux semaines de congés payés annuels, Mai 68 obtient la quatrième semaine de vacances et la cinquième marque l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée (mai 1981), quant aux lois Aubry (1998 et 2000), elles instituent les trente-cinq heures, tant décriées…
La rythmique sociale alterne travail et loisirs, au point où Bernard Charbonneau, qui ignore l’expression d’écologie temporelle, explique dans Dimanche et lundi5 en quoi le travail et le loisir sont les deux faces de la même médaille productiviste, qu’il convient d’abandonner en transformant l’un et l’autre en une vie libre. Il constate que les festivités ne rythment plus la vie sociale et que les loisirs, paradoxalement, dépendent du travail puisqu’ils ont un coût et font l’objet d’une consommation. Ni Marie-Françoise Lanfant, dans les Théories du loisir6, ni Paul Yonnet, dans Travail, loisir. Temps libre et lien social7, ni William Grossin, dans ses différentes études, ne retiennent Dimanche et lundi dans leurs bibliographies. Ils mentionnent comme point de départ à leur réflexion l’ouvrage de Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir8 ?
Quant à la production anglo-saxonne, elle est à la fois variée et riche, je pense bien sûr à The Theory of the Leisure Class (1899) de Thorstein Veblen9 ; aux études de Sorokin sur les « budgets-temps » (Time-Budgets of Human Behavior, 1935) qu’il a élaborées avec Stroumiline lorsqu’il était encore en Urss au début des années 1920 ; à Lonely Crowd de David Riesman10, qui attribue aux loisirs une fonction compensatrice vis-à-vis d’un travail aliénant, mais aussi constructive de la personnalité (il réhabilitera le rôle du travail pour l’affirmation de son identité dans Abundance for What ? en 1964) ; sans oublier les recherches de Charles Wright Mills, de Margaret Mead, de Nels Anderson (Work and Leisure, 1961), de Max Kaplan (Leisure in America : A Social Inquiry, 1960), de Sebastian De Grazia (Of Time, Work and Leisure, 1962), qui apportent chacune leur pierre à l’édification d’une socio-anthropologie des loisirs, sans toutefois en permettre une théorisation partagée. Les avis sont, en effet, divergents. Certains penchent pour des loisirs « libérateurs », d’autres pour des loisirs confisqués par le consumérisme et, par conséquent, tout aussi dévastateurs que le travail obligatoire.
Les essais d’Herbert Marcuse, Eros and Civilization11 et One-Dimensional Man : Studies in the Ideology of Advanced Industrial Society12, accusent le capitalisme de contrôler la vie privée des individus, d’orienter leurs pulsions et d’appauvrir leur libido, d’exercer un conditionnement total au nom même de l’accès à une consommation censée favoriser leur bonheur.
Le grand livre (mais qui alors le connaissait et le citait ?) est, à mes yeux, Die Antiquiertheit des Menschen de Günther Anders13, qui possède de nombreux traits communs avec les essais de Bernard Charbonneau14. Pour celui-ci, il n’y a pas d’être humain sans son espace-temps vécu dans la joie. Amputé d’une de ces deux dimensions, l’être humain est déstabilisé, tel un oiseau n’ayant plus qu’une aile, et ne peut plus assurer ni son vol, ni s’orienter et tournoyer à son aise. « Progresser : mieux aller, c’est aller plus vite », écrit-il, avant de préciser : « Le siècle dernier disait “vaincre la distance”. Mais on ne la vainc pas, on la nie15. »
Pour Bernard Charbonneau, l’accélération, qui se veut la preuve du progrès technique, n’en est que sa démesure, ce qui anticipe les thèses de Paul Virilio et de Hartmut Rosa16. Il s’inquiète de la tournure technocratique que prennent les décisions concernant le local, à cause, justement, de cette nouvelle configuration territoriale provoquée par la vitesse. « Accélérer c’est centraliser », affirme-t-il, en expliquant qu’en reliant la capitale à quelques grandes villes, le Tgv subordonne les autres espaces à cette poignée d’agglomérations « élues », dont les décideurs se retrouvent hors espace et hors temps alors même qu’ils configurent l’ensemble.
La nature et l’homme sont soumis au Plan : d’occupation des sols, des fonds marins exploités et donc pollués, à l’aménagement du territoire urbain ou rural. Aujourd’hui le Pos, demain le Pat : plan d’aménagement du temps. Et après-demain le final : le Paet, plan d’aménagement de l’espace-temps17.
Pour lui, une telle perspective mène à la mort sociale tout un territoire peuplé d’humains, dont le destin est d’être mortel. Avec des accents heideggériens, il reconnaît que « le temps n’est rien d’autre que celui d’une vie qui s’écoule vers sa mort18 ». C’est pour cela qu’« une vie d’homme a son rythme qu’il ne peut pas dépasser sans se détruire19 ». Il revient sur le travail et le loisir, dont il a entrepris la critique à une époque « où ce n’était guère de mode », en notant :
Quand le travail devient un Emploi qui perd ses raisons d’être, il accélère la destruction des équilibres écologiques et humains par une économie qui tourne à vide sans raisons ni considérations de coûts. La solution n’est pas dans l’impossible élimination du travail, mais dans son humanisation20.
Bernard Charbonneau n’imagine pas la fin du travail (peut-être celle du salariat…), au contraire, il pense que le travail deviendra la principale énergie renouvelable, à condition d’être voulu, et annonce un retournement de situation : l’arrêt de certaines machines à qui on substituera du travail humain.
La difficulté d’alimenter les machines en énergies non renouvelables nous place devant le choix. Elle peut être l’occasion soit de renforcer le système industriel en utilisant d’autres sources d’énergie et en aggravant l’organisation et le contrôle, soit de rendre sa part à la forme animale de l’énergie solaire : l’énergie humaine. Ceci n’ira pas bien entendu sans un certain inconfort, un retour à l’effort de l’esprit et du corps, mais ce sera précisément son intérêt. Ce réemploi de l’énergie humaine exigera plus de temps, mais à un rythme plus lent, et ce ne sera plus du temps vide21.
Dans ce scénario, le loisir et le travail ne sont plus commandés par la même logique de rentabilisation du temps, ils s’interpénètrent avec bonheur.
Loisir
Les philosophes grecs ne s’abaissaient pas à travailler puisqu’ils devaient se consacrer à la scholè, ce temps « gratuit », « inutile » en quelque sorte, pour rien d’autre que la connaissance de soi et d’autrui. Ce terme grec est traduit en latin par otium, mot « aux origines obscures » comme disent les dictionnaristes… Jean-Marie André, dans son impressionnante thèse22, examine plusieurs sens du mot : il peut désigner la calme solitude du berger, avoir une dimension festive liée à un culte religieux ou évoquer le « silence des armes », dans le langage des guerriers. L’otium répondrait à bellum, la trêve à la guerre. Le mot « loisir » en français est d’abord l’infinitif d’un verbe (« loisir ») qui dérive du latin licere, qui signifie « il est loisible », proche de licet, « il est permis ». Le loisir est donc ce qui est autorisé par un plus puissant que soi (le seigneur, le prêtre). Dorénavant, il conviendrait de considérer le loisir comme ce qu’on se permet à soi-même pour soi-même. Sans omettre la dimension de scholè, cette connaissance de soi et d’autrui. J’existe, mais en compagnie des autres. Mon temps se noue au leur et réciproquement. Mon temps n’a de sens que si je me rends disponible au temps de l’Autre, avec l’intention de lui porter attention.
Dès juin 1959, la revue Esprit réunit pour un numéro spécial autour du loisir de jeunes chercheurs (Michel Crozier, René Kaes, Alain Touraine, Pierre Fougeyrollas, etc.) sous la houlette de Joffre Dumazedier, qui, dès l’introduction, explique ce qu’il entend par ce mot :
[…] ensemble d’occupations auxquelles l’individu peut s’adonner de son plein gré, soit pour se reposer, soit pour se distraire, soit pour développer son information ou sa formation désintéressées, sa participation sociale volontaire après s’être libéré de ses obligations professionnelles, familiales et sociales.
Pour lui, ce sont les organisations récréatives et culturelles qui répondront au mieux aux attentes de chacun, comme Peuple et Culture, créée dans la foulée de la Résistance et de la Libération. Il appelle à une « science de besoins culturels » qu’il confortera en publiant peu après Vers une civilisation du loisir ? Michel Crozier s’inquiète de la puissance homogénéisante de la « culture de masse » qui, par exemple, assimile la « culture ouvrière » et affaiblit la combativité des travailleurs. Alain Touraine évoque une « déstratification » de la société. Aline Ripert raconte une nouvelle publiée par le Saturday Evening Post : un homme, qui ne travaille que quatre jours par semaine, se promène, rencontre des amis, va à la pêche, mais demeure insatisfait. Aussi décide-t-il, à l’étonnement de sa femme, de prendre un second job pour acquérir l’air conditionné, la télévision en couleurs, etc. Aline Ripert explique alors que la pratique des loisirs s’apprend, c’est une culture.
Jean-Marie Domenach conclut ce riche dossier en attribuant à la quête du loisir une force transformatrice de toute la société :
Certes on voit mal comment ces cohortes d’automobilistes et ces adeptes de la télévision seraient capables de se souder demain en un bloc révolutionnaire. Mais à long terme, l’extension du loisir développera des germes d’émancipation collective. Le travailleur n’acceptera pas indéfiniment d’être homme ici et esclave là […]. Née du travail, la grande revendication de liberté et de dignité peut gagner le loisir et y rebondir.
Force est de constater qu’il s’est trompé. Il n’est pas le seul. Les partisans de l’Internationale situationniste qui imaginent une ville ludique où le loisir semble la principale activité de tout homo ludens ne seront pas mieux comblés par l’évolution spectaculaire de la société…
Écologie temporelle
Mon temps est fait de mille temps synchrones ou non entre eux. Mon présent interfère avec le passé et les souvenirs qui le restituent et le futur et les espérances qu’il nourrit. Mon temps est à la fois continu et discontinu, homogène et hétérogène, pesant et léger, rapide et lent. Une heure ne vaut pas une heure. Le retard n’est pas une attente. De la même manière qu’Henri Lefebvre regroupait l’espace vécu, l’espace conçu et l’espace représenté, il nous faut tenir ensemble, le temps vécu, le temps conçu et le temps représenté. Je propose d’appeler cette triade « écologie temporelle ».
C’est l’anthropologue britannique Edward Evans-Pritchard qui, dans les Nuer23, distingue un temps « écologique » (dépendant du milieu naturel, du climat et des saisons) d’un temps « structural » (reposant sur les structures hiérarchiques du groupe, dont la parenté). Edward T. Hall, dans la Danse de la vie24, s’attache à montrer la diversité des perceptions du temps non seulement entre des cultures différentes mais au sein du même « milieu », soulignant, une fois encore, la difficulté à définir le Temps, et donc, pour ce qui nous importe ici, à cerner ce qui serait du temps de travail et du temps de loisir… Sans utiliser l’expression « écologie temporelle », il en dessine pourtant les contours et en instruit le dossier. William Grossin consacre un article à la question : « Pour une écologie temporelle25 ». Il souhaite que les institutions de recherche encouragent l’investigation interdisciplinaire du temps, que la chronobiologie, la chronopsychopathologie, l’approche culturaliste du temps (les migrants n’ont pas la même perception du temps que les autochtones), la sociologie du travail (à laquelle il appartient), l’écologie du vivant, la climatologie, etc., s’associent pour fonder une « écologie temporelle ».
Bernard Charbonneau pencherait plus du côté d’Edward T. Hall que de celui de William Grossin et de sa « science des temps » (trop scientiste et normative, à son goût), mais il accueillerait certainement favorablement l’idée d’une écologie temporelle, c’est-à-dire de la prise en compte des temporalités et des rythmes qui constituent aussi le milieu de vie des humains au même titre que les écosystèmes, la biodiversité, les climats, etc.26.
Cette attention au temps est multidimensionnelle, elle concerne aussi bien des économies d’énergie que la réduction des dépenses de santé publique, le plaisir de consacrer pleinement du temps à telle activité, le sentiment d’être en accord avec soi-même, sans précipitation ni stagnation, la conviction que quand on « occupe » votre temps vous pouvez « résister » et œuvrer à votre rythme. Cette « écologie temporelle » rend hommage à la sieste, au voyageur disponible aux surprises de son périple, au détour, à l’attente, et fiance les temps cosmiques, les temps des êtres vivants (plantes et animaux) et les temps des humains (temps sociaux et temporalités individuelles, qui maîtrisent les temps techniques et communicationnels et ne leur sont plus soumis).
Aménager ou ménager le temps ?
En 1977, un groupe de militants syndicalistes (de la Cfdt ou proches), sous le pseudonyme Adret (c’est le versant ensoleillé des massifs alpins, l’opposé de l’ubac), publie un ouvrage iconoclaste au titre éloquent, Travailler deux heures par jour27. Ce groupe dénonce les fatigues et autres postures inconfortables, énumère les innombrables absurdités qui compliquent le travail et le rendent chronophage, préconise le partage du travail, invite à repenser la production et par conséquent la consommation, etc. Son titre est sa conclusion : il est possible de travailler moins pour vivre mieux.
Près de quarante ans plus tard, un autre pamphlet paraît, Travailler une heure par jour28. Il ne s’agit pas d’une surenchère, mais d’un constat assez semblable quant au contenu : le travail est une contrainte (en latin trepalium, trépied qui sert d’instrument de torture), de plus en plus fréquemment source de harcèlement moral, de troubles réguliers, surtout depuis la « flexibilité » (le travailleur doit s’adapter à la demande et effectuer une heure ici, une « mission » de deux mois là, il est de fait un intérimaire à la carte, ce qui ne lui assure ni une localisation permanente ni un revenu fixe).
Ces deux pamphlets comptabilisent le gaspillage en travail (ce côté paradoxal est rarement mentionné, c’est en effet curieux qu’un système qui vise la rentabilisation absolue s’autorise des activités redondantes ou improductives d’un point de vue strictement économique ; leur utilité est autre, elle concerne le contrôle et donc le pouvoir) et appellent à reconsidérer le travail « socialisé » afin d’accroître sa productivité sans en augmenter les cadences ou l’intensité. Ils mentionnent de nombreuses pistes pour réduire le temps de travail de celles et ceux qui ont un emploi, comme engager davantage de travailleurs aux horaires partiels afin de réduire le chômage, automatiser certaines tâches, relocaliser la production, supprimer de nombreux emballages, accorder une plus longue vie aux objets manufacturés (donc s’opposer à l’obsolescence programmée), etc.
Cette même année 1977, l’Unesco organise un colloque, « L’homme malade du temps29 », qui pointe deux idées « fausses » mais coriaces : primo, nous pourrions travailler et nous reposer à la demande, et secundo, nous serions tous temporellement égaux. Nous l’avons déjà mentionné, l’égalité temporelle est impossible sauf avec une robotisation totale des humains tous programmés pareillement. Quant à l’indifférenciation des moments propices aux diverses activités auxquelles se livrent les humains, c’est nier par exemple l’existence d’une « pédagogie du sommeil ». Les enquêtes présentées lors de cette rencontre démontrent que les enfants qui dorment moins de huit heures par nuit présentent des troubles du langage, des bégaiements, possèdent un vocabulaire plus restreint, confirmant ainsi que « le sommeil court ou perturbé altère le rythme de production de l’hormone de croissance30 ». L’école discipline le temps des enfants, valorise exclusivement la ponctualité, la rapidité et l’assiduité et accable la distraction, la rêverie, l’inattention. Elle impose un temps « plein » et dénonce la vacance, le jeu, la récréation. Elle récuse la scholè, ce qui pour une école est un comble !
Cela n’est pas sans proximité avec le rapport du club Échange et projets, la Révolution du temps choisi31, préfacé par son président, Jacques Delors. Parmi les rédacteurs, notons la présence de René Passet, Jacques Robin et Ignacy Sachs, trois personnalités du monde alternatif et écologiste. Les observations et les propositions sont regroupées en quatre parties : « Le temps subi », « Le temps reconquis », « Le temps choisi » et « Le temps enrichi ». Si le rapport revient sur l’historique des combats syndicaux, la liste des dysfonctionnements, et parfois même des aberrations, dans l’organisation du travail, il s’attarde surtout sur les tentatives d’un « aménagement du temps » depuis la fin des années 1950, où les « milieux d’affaires et les responsables municipaux » dénonçaient le gaspillage provoqué par les « heures de pointe » et le « manque à gagner » dû à la sous-utilisation des équipements.
Le Comité national pour l’aménagement des horaires de travail (Cnat), créé en 1961 par le ministère des Travaux publics et des Transports, supervise quelques expériences de décalage des horaires. Le Comité pour l’étude de l’aménagement des horaires de travail et des temps de loisirs (Catral) est mis en place en 1966 par le district de la région parisienne pour la désencombrer et la décongestionner. Au cours des années 1970, les horaires « souples » et l’étalement des congés, qui viennent de Suisse et d’Allemagne, arrivent en France. L’État charge Jacques de Chalendar de deux rapports, « Vers un nouvel aménagement de l’année » (1970) et « L’horaire variable » (1974), qui appellent à une nouvelle « qualité de vie », que l’auteur précise dans l’Aménagement du temps32 et dans Prendre le temps de vivre33. Ils annoncent le rapport Labruce sur « L’aménagement du temps » (1975) et la création en 1976 de la mission pour l’Aménagement du temps.
William Grossin s’insurge contre ces diverses propositions « généreuses » visant à adapter les hommes aux horaires (qu’ils soient décalés, allongés, en roulement…). Il constate, un rien amer :
De plus en plus se perdent la liberté temporelle, le goût des initiatives et jusqu’au souvenir des milieux temporels naturels34…
Par la suite, d’autres rapports seront commandés (Dominique Taddéi, Pour une nouvelle organisation de la production, allongement de la durée d’utilisation des équipements, aménagement et réduction du temps de travail, 1985 ; Edmond Hervé, le Temps des villes, 2001) et d’autres institutions, en particulier la Datar, sous l’impulsion de Jean-Louis Guigou qui a déjà publié en 1995 Une ambition pour le territoire35, s’efforceront de réconcilier temps de la société et temps des individus.
À l’instar de l’Italie, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Finlande et de l’Espagne, la France entre dans le xxie siècle en encourageant la création de « bureaux des temps36 » chargés d’harmoniser les temporalités des divers habitants d’un même territoire. Nés en Italie en 1990 (suite à la « Charte des femmes » que le Parti communiste italien a publiée en 1986), les bureaux des temps réunissent autour d’une table les représentants des principaux employeurs locaux, des transporteurs, des administrations, des syndicats, des associations citoyennes, afin d’organiser les horaires (loi 142/90 ou loi « Turco », du nom de la sénatrice communiste qui l’a proposée). Parfois, il suffit de décaler d’un quart d’heure l’ouverture d’une usine pour supprimer des bouchons ou d’ouvrir la Poste une demi-heure de plus le soir pour permettre à chacun de s’y rendre… Là aussi, une meilleure utilisation des équipements collectifs entraînerait une économie d’énergie et favoriserait le partage des activités. On en est loin ! Les autorités territoriales semblent bien timides en ce domaine, seul le réseau des « villes lentes » (Cittàslow) affiche sa volonté d’agir sur les rythmes, mais il ne concerne qu’un petit nombre de collectivités (environ cent soixante municipalités dont deux en France, Segonzac et Blanquefort) de par le vaste monde37.
Accélération et/ou lenteur
La vitesse va s’imposer, avec l’industrie, la machine-outil, les transports mécaniques, comme seule mesure du progrès. C’est en son nom qu’un produit en déclasse un autre. C’est en son nom qu’un individu monte un échelon dans sa carrière. C’est en son nom que toute une société l’érige en valeur suprême, alors même que cette accélération, dénoncée par Paul Virilio (qui initie la dromologie ou « connaissance de la vitesse ») et plus récemment par Harmut Rosa, rompt avec tous les rythmes de la chronobiologie. Certains, en réaction, prônent une vitesse moins rapide, la lenteur, à défaut de pouvoir ralentir la « machine » sociale.
Qu’est-ce que la lenteur ? La juste mesure du temps pour… Chaque activité nécessite une temporalité adaptée à sa réalisation en accord avec celle ou celui qui l’exerce. Ce juste temps est variable, il dépend d’innombrables facteurs liés aux humains et ne peut être indiqué comme norme. Chacun réclame un certain temps pour lire, répondre à un message, préparer le repas, faire tel geste, etc. La recherche de la rentabilité absolue a conduit le capitalisme industriel d’abord puis bureaucratique à quantifier le temps en le chronométrant. C’est ainsi que l’ingénieur Taylor a décomposé et minuté chaque geste pour contrer les temps morts et autres moments jugés inutiles et unifié le temps de travail. Le travail à la chaîne qui résulte du taylorisme dépossède le travailleur de toute initiative et le rend esclave de la machine qui décide pour lui, comme Marx l’avait déjà compris. Le travailleur a si bien intégré ces gestes qu’il continue à les faire en dehors du travail, pathologie dénommée le « chaplinisme » en souvenir du film les Temps modernes (1936). La prise en compte de la lenteur, sa poétique, considère que le temps n’est ni homogène ni égal pour tous. Il faut laisser chacun agir à son rythme. C’est en Italie, en 1986, qu’un journaliste, Carlo Petrini, lance le mouvement Slow Food, d’abord pour lutter contre la restauration rapide, puis pour magnifier la gastronomie, qui repose sur le temps de cuisiner et la qualité des produits et ingrédients utilisés38. Du refus de manger un produit standardisé industriellement, ce mouvement a revalorisé toute la chaîne alimentaire, du potager à l’assiette, créant une nouvelle commensalité, avec des mangeurs informés et gourmands, qui sont prêts à mettre la main à la pâte ! Tout n’est pas parfait dans la diffusion des principes de Slow Food, les industriels de l’alimentation n’hésitent pas à y investir et à récupérer ce marché porteur, tout comme celui proche de la bio-alimentation…
Cette lenteur joyeuse a conquis d’autres domaines : on parle depuis quelques décennies de Slow Science39. C’est Eugene Garfield, pourtant artisan de la bibliométrie, qui constate que les « découvertes » proviennent d’une longue maturation, que c’est la constance qui importe plus que la précipitation et la versatilité. En France, Joël Candau, de l’université de Nice, lance en 2010 un « Appel au mouvement Slow Science » qui démontre les décalages nocifs entre la politique de la recherche, son élaboration, son financement et la réaction des laboratoires et équipes de recherche. Tout chercheur le sait, les délais imposés sont extravagants et correspondent à des normes abstraites d’« excellence » et de « performance » liées au Classement annuel des universités du monde, dit de Shanghai. La pensée emprunte des chemins parfois escarpés qui ne peuvent être parcourus en cinq minutes ! Le travail de laboratoire, comme celui de bibliothèque, s’avère rétif à toute quantification et se rapproche davantage de l’ouvrage de l’artisan dans son atelier que de la production en série dans une usine entièrement automatisée.
Les deux trinités temporelles occidentales (celle de la vie quotidienne, qui combine temps de travail, temps de repos et temps « libre », et celle de l’existence, avec l’enfance et l’adolescence, la « vie active » et la retraite), nées du productivisme, vont-elles sombrer avec lui ? Le capitalisme globalisé, celui des flux généralisés et de la flexibilité, n’hésite pas à les chahuter lorsqu’elles gênent sa capacité à rentabiliser une activité ou à les marchandiser (comme le loisir ou la retraite). Comme le productivisme ne sombre pas, mais s’étend au monde entier, ce sont plutôt une myriade d’ajustements qu’il convient de repérer et d’envisager, comme par exemple le recours à des stagiaires ou à des « missionnaires » à la place de salariés ou le rappel de retraités lors de « surchauffe » exceptionnelle dans un domaine (l’école, le transport, le commerce…). Le plein-emploi semble inatteignable, aussi faut-il partager le « travail salarié » et régulier et voter une loi des vingt-quatre heures de travail hebdomadaire, sachant que chacun effectuera plusieurs activités…
L’idée de la formation tout au long de la vie accompagne ces changements au sein de l’appareil productif, alors qu’elle était porteuse d’une actualisation des connaissances pour soi. Il ne s’agit pas de se cultiver, en tenant compte des récentes avancées dans telle ou telle discipline, mais d’être performant pour tel travail. En fait, comme le remarque subtilement Günther Anders, le capitalisme souhaite se débarrasser du temps. La lenteur est une honte, le retard un manque. Le temps ne nous est plus extérieur, mais compté, il ne s’agit pas de le perdre !
Écologie existentielle
William Grossin, dans Pour une science des temps. Introduction à l’écologie temporelle, ne se contente pas de synthétiser d’innombrables travaux sur les temps, d’expliciter la nocivité du travail de nuit ou de l’imposition de l’heure d’été, il considère « dangereux » le contrôle des temps sociaux et individuels par les pouvoirs (politique, économique, religieux, administratif…) et réclame une « écologie temporelle ». Il écrit :
On ne vit bien, en effet, que dans des temps à soi, dans la faculté entière de les choisir et de les doser selon ses propres besoins et désirs, de les distribuer selon les circonstances et l’humeur. Comme ces besoins et ces désirs diffèrent d’un individu à l’autre, selon leur équation temporelle personnelle, aucune formule générale d’association de temps divers ne convient au grand nombre. […] La diversité des préférences et des arrangements personnels contribue à des ajustements insoupçonnés.
Un tel programme est-il audible par les décideurs, les élu(e)s et les citoyens ? J’en doute, tant notre rapport au temps vécu est marqué du sceau du péché, de cette culpabilité ancestrale qui nous frustre et nous emprisonne. Pour ces raisons, une écologie temporelle ne suffit pas, elle doit s’ouvrir en une écologie existentielle. L’écologie existentielle exprime la liberté en acte de tout individu qui œuvre pour rendre chaque jour la Terre plus habitable. Il peut ainsi s’accorder aux rythmes cosmiques, biologiques et sociaux et consacrer à chaque action et inaction le temps qu’elle espère, tel un présent.
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Philosophe, professeur des universités en délégation à l’Institut des sciences de la communication du Cnrs (Iscc). Il a notamment publié, sur les questions de villes et de rythmes, l’Art de la sieste (Paris, Zulma, 1998), le Quotidien urbain. Essais sur les temps des villes (Paris, La Découverte, 2001) et Petit manifeste pour une écologie existentielle (Paris, Bourin éditeur, 2007). Voir aussi son ouvrage le plus récent, le Voyage contre le tourisme (Paris, Eterotopia, 2014).
- 1.
Voir Alain Reinberg, les Rythmes biologiques, Paris, Puf, coll. « Que sais-je ? », 1959 (réed. 1993) et A. Reinberg (sous la dir. de), l’Homme malade du temps, Paris, Pernoud/Stock, 1979.
- 2.
William Grossin, Pour une science des temps. Introduction à l’écologie temporelle, Toulouse, Octarès, 1996, p. 96.
- 3.
Hubert Montagner, « Les rythmes majeurs de l’enfant », Informations sociales, no 153, 2009, p. 14-20.
- 4.
Lewis Mumford, Technique et civilisation [1934], Paris, Le Seuil, 1950.
- 5.
Bernard Charbonneau, Dimanche et lundi, Paris, Denoël, 1966.
- 6.
Marie-Françoise Lanfant, les Théories du loisir, Paris, Puf, 1972.
- 7.
Paul Yonnet, Travail, loisir. Temps libre et lien social, Paris, Gallimard, 1999.
- 8.
Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, Paris, Le Seuil, 1962.
- 9.
Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1979.
- 10.
David Riesman, la Foule solitaire. Anatomie de la société moderne [1948], préface d’Edgar Morin, Paris, Éditions Arthaud, 1964.
- 11.
Herbert Marcuse, Éros et civilisation. Contribution à Freud [1955], Paris, Éditions de Minuit, 1963.
- 12.
Id., l’Homme unidimensionnel [1964], Paris, Éditions de Minuit, 1968.
- 13.
Günther Anders, l’Obsolescence de l’homme, tome I : Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle [1956], Paris, Éditions de l’Encyclopédie des nuisances/Ivrea, 2002 ; tome II : Sur la destruction de la vie à l’époque de la troisième révolution industrielle, Paris, Éditions Fario, 2011.
- 14.
Voir Thierry Paquot, « De la “société de consommation” et de ses détracteurs », Mouvements, juin-août 2008.
- 15.
B. Charbonneau, Dimanche et lundi, op. cit., p. 32.
- 16.
Paul Virilio, la Vitesse de libération, Paris, Galilée, 1995, et Hartmut Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010.
- 17.
B. Charbonneau, Dimanche et lundi, op. cit., p. 36.
- 18.
Ibid., p. 67.
- 19.
Ibid., p. 80.
- 20.
Ibid., p. 95.
- 21.
B. Charbonneau, Dimanche et lundi, op. cit., p. 99.
- 22.
Jean-Marie André, l’Otium dans la vie morale et intellectuelle des Romains, des origines à l’époque augustéenne, Paris, Puf, 1966.
- 23.
Edward Evans-Pritchard, les Nuer. Description des modes de vie et des institutions politiques d’un peuple nilote [1940], Paris, Gallimard, 1968.
- 24.
Edward T. Hall, la Danse de la vie. Temps culturel, temps vécu [1983], Paris, Le Seuil, 1984.
- 25.
W. Grossin, « Pour une écologie temporelle », dans Daniel Mercure et Anne Wallemacq (sous la dir. de), les Temps sociaux, Bruxelles, De Boeck, 1988.
- 26.
Voir également la revue Temporalités, dirigée par Jean-Marc Ramos (http://temporalites.revues.org/?lang=en).
- 27.
Adret, Travailler deux heures par jour, Paris, Le Seuil, 1977.
- 28.
Bizi, Travailler une heure par jour, Asphodèle Éditions, 2010 (disponible sur le site www.bizimugi.eu).
- 29.
A. Reinberg (sous la dir. de), l’Homme malade du temps, op. cit.
- 30.
W. Grossin, Pour une science des temps, op. cit., p. 182.
- 31.
Échange et projets, la Révolution du temps choisi, Paris, Albin Michel, 1980.
- 32.
Jacques de Chalendar, l’Aménagement du temps, Paris, Desclée de Brouwer, 1971.
- 33.
J. de Chalendar et Philippe Lamour, Prendre le temps de vivre. Travail, vacances et retraite à la carte, Paris, Le Seuil, 1974.
- 34.
W. Grossin, Pour une science des temps, op. cit., p. 187 et suiv.
- 35.
Jean-Louis Guigou, Une ambition pour le territoire, aménager le temps et l’espace, Paris, Éditions de l’Aube, 1995.
- 36.
Voir l’article de Sandra Mallet dans ce numéro, p. 36.
- 37.
Voir Sophie Chapelle, « Cittàslow. Des villes où il fait bon vivre », Urbanisme, no 381, 2011.
- 38.
Voir Estelle Deléage, « Le mouvement Slow Food : contretemps de l’accélération temporelle ? », Écologie et politique, no 48, 2014.
- 39.
Olivier P. Gosselain, « Slow Science. La désexcellence », Uzance, no 1, 2011.