
Pour une philosophie critique de la préhistoire
Pourquoi les philosophes ne s’intéressent-ils pas davantage à la préhistoire ? L’art pariétal permet pourtant d’observer le passage d’une participation à une présence au monde, et de poser les premiers jalons d’une anthropologie philosophique.
En 1864, quelques années après qu’avaient été lancées les premières études de préhistoire et qu’avait été reconnue, à la suite des travaux de Jacques Boucher de Perthes, ce qu’on nommait alors la « haute antiquité de l’homme », Gabriel de Mortillet dotait cette discipline préhistorique naissante d’une revue scientifique qu’il nommait, de façon exigeante, Matériaux pour l’histoire positive et philosophique de l’homme. Plus de quarante ans après, une fois l’existence d’un art pariétal soustrait à toute polémique d’authentification, Émile Cartailhac et l’abbé Henri Breuil notaient ceci : « Notre page d’archéologie préhistorique et locale s’est transformée en une vue mondiale. L’intérêt du sujet s’impose à tous les ethnographes. Il n’échappera ni aux philosophes, ni aux artistes, car des profondeurs de nos cavernes ornées sort vraiment un chapitre de l’histoire de l’esprit humain1. » Or si, conformément à leur prévision, l’intérêt du sujet s’est aujourd’hui effectivement imposé à ces « ethnographes » que sont les ethnologues, archéologues et même paléontologues, ainsi d’ailleurs qu’à l’imaginaire des artistes (ce qu’a confirmé l’exposition Préhistoire, une énigme moderne en 2019 au centre Georges-Pompidou, à Paris), il semble bien que les philosophes, quant à eux, ne