Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Pierre Uri, un économiste européen à Esprit
6 ARTICLES
Dossier consultable sur le site et articles téléchargeables au format PDF

Pierre Uri, un économiste européen à Esprit

Pierre Uri (1911-1992), normalien, agrégé de philosophie et économiste a été professeur à l’ENA et à Paris Dauphine. Il a surtout été l’un des membres du cercle très restreint des proches collaborateurs de Jean Monnet. Au Commissariat au Plan, il a mis sur pied les premiers comptes de la Nation et le premier budget économique de la France, inspirant et rendant possibles les mesures d’arrêt de l’inflation et de redressement de la balance des paiements. Associé dès le début au Plan Schuman dont il est l’un des auteurs, il prend une large part à la négociation du Traité de Paris puis dans sa mise en œuvre à la CECA. Il a joué un rôle de premier plan dans l’introduction du Marché commun à la relance de Messine, dans sa conception d’ensemble comme auteur du rapport Spaak puis dans la négociation des Traités de Rome. Cette personnalité intellectuelle a entremêlé les activités d’expert international, d’éditorialiste, de membre du Conseil économique et social et d’acteur dans l’ombre de la politique au sein du club Jean Moulin puis du parti socialiste. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Pierre Uri a notamment proposé la création d’un impôt assis sur la TVA et déjà une réforme des droits de succession qui tiennent compte de la fortune de l’héritier, dans le programme fiscal fait avec la CGT en 1946. Très impliqué dans le débat public, il a écrit des livres et des articles sur la plupart des grands thèmes de la politique économique et a participé à l’élaboration des programmes politiques de la gauche.

Pierre Uri a fait partie de ces proches de la revue Esprit qui, dans la période 1945-1955, ont maintenu un intérêt visible pour la question européenne, dont l’idée même avait été durement fragilisée par la Seconde Guerre mondiale. Dans le numéro de novembre 1948 intitulé « Les deux visages du fédéralisme européen », Emmanuel Mounier déclarait ainsi que la revue soutiendrait « sans délicatesses excessives tout ce qui [lui paraîtrait] aller dans le sens de la paix dans le monde et de la logique vivante des sociétés » et d’ajouter que « la première vocation de l’Europe, c’est de faire que la troisième guerre mondiale ne soit pas1 ». Dans le même numéro, l’article de Jean-Marie Domenach « Quelle Europe ? » traçait les erreurs à ne pas rejouer, et y envisageait « l’exigence [sur le plan universel] d’un gouvernement fédéral et d’une économie commune2 ». C’est dans ce contexte bouillonnant de la construction européenne que Pierre Uri a théorisé les conditions de possibilité d’une puissance économique française, au regard de l’un des plus grands plans de relance économique d’après-guerre, le Plan Marshall, mais aussi depuis sa participation à l’élaboration des différents traités économiques européens, et la reconnaissance des réussites et des échecs de la politique économique française.

À l’occasion du cent-dixième anniversaire de la naissance de Pierre Uri, la revue Esprit, en association avec Le Grand Continent, propose de redécouvrir plusieurs de ses textes, dont un publié dans le numéro d’avril 1948 consacré au « Plan Marshall et l’avenir de la France » intitulé « Sur le bon usage des maladies », un autre publié dans le numéro de janvier 1949, qui travaille la notion de « l’Incivisme » intitulé « l’État professeur d’incivisme » et qu’il signe sous son pseudonyme-anagrame Rémi Prieur, enfin, un troisième texte plus tardif, qui s’inscrit non plus dans le temps de la construction, mais celui de la réforme, publié dans le numéro de mars/avril 1990 consacré à la question : « À quoi sert le Parti socialiste ? », intitulé « Une politique d’équité fiscale ». Pour compléter ce dossier, les deux premiers articles de Pierre Uri sont accompagnés par ceux de Jacques-René Rabier – haut fonctionnaire français qui dirige le cabinet de Jean Monnet de 1946 à 1952 – et Jean-Marie Domenach, alors secrétaire de la revue Esprit.

La recherche d’un projet économique français autonome à l’heure de la construction européenne tisse la toile de ce dossier, qui fait la part belle à l’engagement d’une figure aussi importante que méconnue de la construction européenne, Pierre Uri, et illumine les convictions des proches de la revue Esprit dans l’immédiat de l’après-guerre, entre désir de redressement économique et de puissance monétaire, et frustrations de ne pas réussir à être une puissance économique autonome, stable, et juste.

 

Illustration de couverture : Pierre Uri. (c) Der Spiegel, Max Ehlert. Source : Fondation Jean Monnet pour l'Europe, Lausanne. 

  • 1. Emmanuel Mounier, « Déclaration de guerre », Esprit, novembre 1948, p. 604.
  • 2. Jean-Marie Domenach, « Quelle Europe ? », Esprit, novembre 1948, p. 655.
avril 1948  -  Plan Monnet et plan Marshall
avril 1948  -  Note sur le bon usage des maladies
janvier 1949  -  Le mensonge latent
janvier 1949  -  L'état professeur d'incivisme
janvier 1949  -  Qu'est-ce que l'incivisme ?
mars/avril 1990  -  Une politique d'équité fiscale