« Vivre dans un monde abîmé », Critique, janvier 2019
Critique, janvier-février 2019
Quatorze contributions au ton lyrique et mélancolique rassemblées par Marielle Macé esquissent un état des lieux du « monde abîmé ». Elles partent de ce qui semblait dénié des territoires du savoir : l’affect, le sensible. L’humain découvre qu’il n’entend plus (les oiseaux), qu’il ne sent plus (le parfum des fleurs) et qu’il ne sait plus ce qu’il voit (l’automne en plein été). Le corps se dérobe et se découvre comme privé du monde, alors que la raison est plongée dans le trouble. En commentant notamment Le Champignon de la fin du monde d’Anna Tsing (La Découverte, 2015), sur le premier être vivant qui pousse dans les décombres d’Hiroshima, les contributions dressent le procès-verbal de nos effractions à la vie tout en se gardant d’entrer dans le domaine de la dystopie. Le volume s’ouvre sur la découverte de la « liberté absolue des agents non humains » ; il se referme sur le sombre horizon du temps de la fin, « certaine, inévitable, proche ». Entre les deux, une quête se déploie : celle de concepts capables de cerner les perturbations. Ceux d’apocalyps