
Le corps redressé, de Georges Vigarello
L’intérêt de cette réédition d’un livre de 1978 tient en partie, comme l’auteur le souligne lui-même dans sa préface et sa postface, aux présupposés de méthode qui présidaient à son travail. D’un côté, la forte influence de Michel Foucault (et de Philippe Ariès) faisait voir dans les procédures de redressement une volonté de domination, d’emprise et de pouvoir sur les corps (en ce sens, il faut prendre ici le mot du sous-titre au sens fort du foucaldisme). Mais de l’autre côté, à partir des Lumières surtout, cette « passivité » devient aussi liberté active et volonté de redresser le corps en fonction de ses représentations propres, des sensations qu’il procure, de visées esthétiques, sportives ou autres, qui relèvent peut-être encore d’une volonté de pouvoir, mais désormais intériorisée et autrement orientée. Les deux aspects coexistent subtilement aujourd’hui : autonomie et liberté s’affirment plus que jamais, en même temps que l’intolérable, la dénonciation des souffrances psychologiques, de la menace extérieure sur les corps. Avec cette double facette déjà présente, le Corps redressé a été fondateur dans l’œuvre ultérieure, impressionnante, de son auteur.