
Anthropologie de la ville
En se focalisant sur deux villes qu’il a arpentées dans tous les sens, Lomé au Togo et Salvador de Bahia au Brésil, Michel Agier se propose de glisser d’une « ethnographie des marges » (le bidonville ou la favela) à une « anthropologie » de la ville. Ce qui n’est pas sans conséquences puisqu’il souligne que la prise en compte de la « relation » doit toujours l’emporter sur celle de la « marge ». « Autrement dit, il n’y a pas de marge en soi mais une marge en relation. C’est cette relation qui fait sens et non l’identité en soi “marginale” ou ‘“périphérique” du lieu ou de la communauté. » Dans cette perspective, l’anthropologie urbaine ne trouve tout son sens qu’en mettant en scène les diverses formes de mobilité qui conditionnent la dynamique d’un espace urbain. C’est dire que la question des gens (people) l’emporte sur celle du territoire (places) ; mais aussi que ces propos qui tendent à saisir la ville par ses limites et par ses périphéries sont indissociables de la question migratoire qui est le cœur de la dimension urbaine. Ce n’est donc pas un hasard si Michel Agier est connu par ailleurs pour ses travaux sur le nomadisme et les campements. « Aux frontières de l’achevé, de l’établi, de l’ordonné, du centre et du dominant, se trouvent le précaire, l’instable, le désordre, la périphérie et le dominé. » Bref, la jungle de Calais et le camp de la porte de Saint-Ouen aux bords de Paris sont dans la ville… Voilà bien ce qui est ressenti comme insupportable.
O. M.