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Notes de lecture

Dans le même numéro

Tropiques suivi de Miserere de Michel Herland

Édition bilingue de Sonia Elvireanu, préface de Jean Noël Chrisment

novembre 2021

Le volume signé par Michel Herland est admirablement rendu en version roumaine par Sonia Elvireanu dans cette édition bilingue. Dans la première partie, Tropiques, sont décrites des sensations suscitées par le monde tropical où réside l’auteur depuis de nombreuses années : son exotisme (la forêt humide, la mangrove, les cocotiers, frangipaniers, jacarandas et autres Allamanda), ses oiseaux (le héron, l’image surréaliste de l’« aigle épouvantail »), etc. L’érotisme domine, le corps féminin est assimilé dans un poème à celui, ondulant, d’une panthère noire. Les amants semblent appartenir à un univers panthéiste où l’amour se fait rite. S’adressant à sa muse, le poète passe du « tu » au « vous » dans un subtil mélange où surgissent parfois les réminiscences inattendues de l’amour courtois. Les palétuviers, ces arbres aux racines aériennes qui s’entrecroisent avant de plonger dans la mer, deviennent un espace fantastique où le désir se transforme à l’instar de la femme aimée, tantôt ange, tantôt putain. La tonalité de la seconde partie, Miserere, est annoncée par le sous-titre, « Ma poésie est une porte qui claque ». Cette porte est celle qui se ferme devant le poète pour le séparer des êtres chers et, tout aussi bien, celle qui se referme sur le vieillard au « souffle coupé », aux « sourcils broussailleux », au « ventre débordant », à « la chair flasque et triste », regrettant la vigueur perdue et les plaisirs d’antan. Tout passe, tout s’efface – Thanatos finit toujours par triompher d’Éros –, les paysages ne sont pas tous ravissants et l’humanité se révèle le plus souvent décevante. La porte claque alors comme éclate la colère de l’auteur confronté à la misère, celle qui frappe les malades et les mourants, les habitants des pays pauvres photographiés par les touristes, tous les laissés-pour-compte de la modernité. Tout aussi lucide qu’érudit, le recueil peint la réalité sans fard, ce qui n’empêche pas le lyrisme de la première partie, conformément à l’ambition d’un poète qui entend, comme Camus cité en exergue, honorer aussi bien la beauté que les humiliés. Grâce aux belles traductions de Sonia Elvireanu, les amateurs roumains peuvent découvrir ce nouveau poète en même temps que les Français, des traductions d’autant plus complexes que M. Herland s’en tient le plus souvent à la versification classique, avec une prédilection pour le sonnet.

Ars Longa, 2020
134 p. 10 €

Rodica Gabriela Chira

Rodica Gabriela Chira est professeur agrégé à l'Université 1 Décembrie 1918 d'Alba Iulia, en Roumanie. Ses domaines d'intérêt sont l'histoire de la littérature et de la civilisation françaises, la littérature comparée et les études interculturelles.

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Internet en mal de démocratie

L’essor sans précédent d’Internet et des nouvelles technologies de l’information a transformé en profondeur le rapport des citoyens à la participation civique. Si elle a permis des progrès incontestables, cette révolution numérique pose également des défis pour la préservation du débat en démocratie. Le bouleversement introduit par le numérique dans la délibération publique semble en effet remettre en cause les exigences traditionnellement associées au débat démocratique, comme l’égalité d’accès, le contrôle public des instances de modération, la fiabilité de l’information ou le pluralisme des courants d’expression. Quelles stratégies adopter pour faire face aux dérives qui touchent aujourd’hui le débat sur Internet ? Le dossier, coordonné par Romain Badouard et Charles Girard, examine la propagation des fausses nouvelles, la mobilisation de nouveaux publics, les pouvoirs de régulations privés et la déstabilisation des cadres juridiques. À lire aussi dans ce numéro : le naufrage moral de l’Église, qui sont les talibans ?, gouverner la pandémie et une rencontre avec Pierre Bergounioux.