LA DÉCADENCEDES INTELLECTUELS.
Des législateurs aux interprètes
Ce livre, qui regroupe des commentaires critiques sur des intellectuels ou des historiens de la vie intellectuelle (Paul Radin, David Frisby, Habermas, Foucault, Ernst Gellner…), fournit à Zygmunt Bauman l’occasion de souligner le clivage entre les intellectuels « modernes » portés par la dynamique des Lumières, législateurs et détenteurs d’une vérité, et les intellectuels « post-modernes » qui ont pour charge (horizontale et herméneutique) de traduire des cultures les unes dans les autres et de valoriser les procédures permettant de les mettre en rapport (« pour Lévi-Strauss et Gadamer, ce n’est que lorsqu’il se confronte à une autre culture ou à un autre texte qu’un intellectuel peut se comprendre lui-même »). Mais, se penchant sur les intellectuels contemporains, il examine plus avant diverses stratégies possibles : espoir de trouver un agent historique au sens traditionnel (Manuel Castells à la recherche de mouvements sociaux dans la société d’information) ; abandon pur et simple des projets globaux et mise en exergue du désespoir comme forme ultime du projet intellectuel ; repli sur un territoire spécialisé (la science ou l’art) ; abandon complet du discours sur la légitimation et les fondements ; enfin la stratégie de Richard Rorty qui vise à mettre un terme à toutes les stratégies en déclarant que la quête de la stratégie est une perte de temps et un faux problème. Bref, l’intellectuel post-moderne, une notion floue qui désigne l’absence de croyance dans une histoire heureuse, se décline au pluriel, et les orphelins d’un projet global vivent dans un monde globalisé. Absence de projet global et globalisation du monde vont de pair. Cela ne va pas sans conséquences puisque le monde est composé de deux groupes, deux nations selon l’expression de Disraéli : celui des « séduits » (du marché et de la consommation) et celui des « réprimés » (les laissés-pour-compte) que l’on a tendance à penser différemment et non pas comme faisant partie d’un même ensemble, i.e. d’une globalité. Ce qui ne surprend pas puisque la globalisation est un processus de dissociation.
O. M.
O. M.