
La fierté ou la honte
La capacité d’endosser la responsabilité collective des crimes passés est devenue un critère de maturité. Aujourd’hui, le rejet des droits de l’homme s’accompagne d’une fierté sans honte. La perte d’un avenir commun nous condamne à un conflit entre politiques d’identité.
L’attitude envers les autres est l’un des problèmes fondamentaux de la société polonaise contemporaine. Il s’agit avant tout d’un problème éthique, mais celui-ci ne concerne pas seulement cette sphère. Ou plutôt, dans la mesure où le cadre éthique à l’intérieur duquel une société évolue détermine ses comportements de base dans de nombreux domaines pratiques, l’attitude envers les autres produit et produira un effet sur les choix concrets et sur la destinée de la société polonaise.
Il existe en Pologne un point de vue qui établit un lien direct entre l’attitude envers les réfugiés « indésirables » qui affluent aujourd’hui et les Juifs « indésirables » et souvent trahis au temps de la guerre. La plus connue à cet égard est la remarque de Jan T. Gross, selon laquelle l’absence d’un examen de conscience moral sur l’expérience de participation à l’extermination des Juifs détermine l’attitude d’une part significative de la société polonaise à l’égard des réfugiés, en particulier ceux venant de Syrie[1]. Pour beaucoup, la (non-)mémoire de l’intransigeance envers ceux qui fuyaient autrefois le gaz qui allait les tuer a un effet direct sur l’intransigeance envers ceux d’aujourd’hui qui fuient le gazage, les bombes et les projectiles faisant éclater leur corps. L’explication en serait de nouveau la peur : à l’époque, celle de la répression alleman