L’épreuve sociale de la reconnaissance
La diffusion du thème de la reconnaissance à une multitude de domaines relève moins d’une demande insatiable de considération ou de respect que d’un désir d’être partie prenante de la vie sociale. Ceci suppose, avant même toute tentative de prendre la parole, une possibilité d’accéder à une visibilité sur la scène sociale, dont la privation constitue aujourd’hui une forme particulièrement forte d’exclusion.
Pourquoi la reconnaissance s’est-elle imposée comme l’une des figures majeures de notre vocabulaire juridique, politique et moral ? La référence à la reconnaissance, omniprésente aujourd’hui dans toute une série de luttes et de mouvements, manifeste le désir d’un sujet singulier ou d’un groupe particulier de voir son existence prise en considération. Elle prend appui sur un ethos démocratique. Le désir de reconnaissance met en jeu, en effet, une communauté d’individus qui ne sont pas séparés les uns des autres, qu’aucune « qualité » ne vient, en droit, retrancher de la sphère sociale. Si l’honneur peut valoir pour une communauté restreinte d’individus affirmés comme sujets d’excellence, le désir de reconnaissance se propage au contraire dans une communauté élargie de sujets qui se rapportent nécessairement les uns aux autres par le fait que rien, en droit, ne les distingue les uns de