
Comment dire « non » quand les machines triomphent ?
Le « non » traduit le libre arrachement de l’être humain aux automatismes, qu’ils soient naturels ou mécaniques. Il faut donc réhabiliter la négation face au transhumanisme.
Même s’ils en sont victimes, tous les parents et éducateurs savent associer le pouvoir de dire « non » à la croissance, sinon à la maturité, de leur progéniture. Psychologues et psychanalystes situent l’apparition du « non » vers l’âge de 3 ans, au moment où la compétence pour le langage s’affirme. La première chose que les enfants savent dire, en donnant l’impression qu’ils savent ce qu’ils disent et qu’ils ne sont plus dans le babillage ou l’écholalie, c’est « non ». L’humanité en eux paraît donc surgir avec le refus. Savoir dire « non », c’est d’emblée affirmer que le monde ne saurait s’imposer à l’humain sans qu’il lui résiste d’abord. La réalité sera peut-être la plus forte (les parents gagnent toujours), mais l’enfant ne se sera pas laissé faire. Le baroud d’honneur, c’est au moins la dignité sauvegardée !
Le Non traduit durablement l’arrachement à la nature par lequel on a longtemps décrit l’humanisme : ne pas se laisser imposer ce qui se prétend obligatoire parce que naturel, immédiat, donné – et au contraire, l’affronter et lui objecter l’artifice, le détour, le construit. Tous les ingrédients sont ici réunis pour décrire le processus d’humanisation dont les animaux ne sont pas capables : dire « non » et signifier par là que nous prétendons être pour quelque chose dans ce que nous devenons, telle est la formule justifiant qu’on ait défini l’humanisme comme « l’anti-destin