
La fin du libre-échange ?
La crise sanitaire a mis au jour les pénuries et difficultés d’approvisionnement dont souffrent de nombreux pays Européens. La doctrine du libre-échange montrerait-elle des signes de fatigue ?
La crise du coronavirus a marqué un revirement inattendu pour nombre de dirigeants politiques qui ont redécouvert les vertus de la production industrielle nationale, face à la pénurie de matériel et d’équipement médical et face à la dépendance stratégique et humaine dans laquelle le système commercial mondialisé a placé les sociétés contemporaines. Les économies européennes ont été particulièrement fragilisées par des décennies de reventes d’entreprises à des investisseurs étrangers peu soucieux de leur stabilité économique et par les délocalisations à tout-va. Ces optimisations géoéconomiques des rendements financiers ont mené à la destruction d’un ensemble d’infrastructures de production et de savoir-faire, et les sociétés en paient désormais le prix d’une grande vulnérabilité.
L’essor du libre-échange
La théorie libérale naît en Angleterre, où la bourgeoisie émergente s’oppose aux privilèges héréditaires de la classe aristocratique. Ainsi s’explique l’aversion d’Adam Smith pour les monopoles, créés par des États mercantilistes, et son enthousiasme pour le marché comme mécanisme garantissant l’harmonisation des intérêts individuels. Le libéralisme nourrit également une vision de l’ordre international fondée sur le libre-échange, dont David Ricardo pose les bases théoriques. Il développe le fameux exemple du commerce de tissu et de vin entre l’Angleterre et le Portugal, et conclut que les États devraient renoncer à produire ce qu’ils peuvent acquérir à moi