Michel Crozier, ambitions et blocages de la réforme
Michel Crozier, qui vient de s’éteindre à Paris, accompagne l’histoire d’Esprit tout au long des décennies 1950 et 1960, lorsque la revue s’engage dans la modernisation française. Sa première collaboration date de 1952, à l’occasion d’un numéro spécial sur la gauche américaine préparé avec Jean-Marie Domenach. Il plaide alors pour un Labor Party à la gauche du parti démocrate. C’est par Georges Friedmann qu’il est associé à l’Institut des sciences sociales du travail, où il participe aux missions de productivité à travers lesquelles il s’initie aux méthodes d’enquête et d’intervention fondées sur la psychologie sociale. C’est dans ce milieu que prend naissance, en 1959, Sociologie du travail, dont il est l’un des quatre fondateurs avec Jean-Daniel Reynaud, Alain Touraine et Jean-René Tréanton. Ces jeunes sociologues trentenaires savent ce qu’ils refusent : l’emprise du parti communiste sur l’analyse sociale et le formalisme un peu vide de la sociologie universitaire. Ils entendent développer une sociologie professionnalisée en prise sur la société. Tous partagent un même souci d’ouverture internationale. C’est dans le contexte de cette jeune sociologie en mouvement que Michel Crozier développe ses premiers travaux.