
Les Années Mitterrand. Journal politique. 1981-1995, de Michel Winock
Les années Macron sont-elles le meilleur moment pour revisiter les années Mitterrand ? On peut se poser la question. Mais ceux qui les ont traversées retrouveront dans ce Journal politique, sans grande nostalgie à vrai dire, quelques éclats des deux septennats, par un observateur qui ne portait guère dans son cœur le « Florentin » et lui préférait Michel Rocard. On le lit avec plaisir, mais la politique est en réalité réduite à la portion congrue. Il est beaucoup plus question ici du réseau des relations multiples de l’auteur dans les allées du pouvoir culturel : Sciences Po où il enseigne et le milieu des historiens au sens large, les acteurs haut placés de la politique culturelle nationale, les éditions du Seuil avec ses patrons contrastés et les éditeurs amis, Esprit dont il s’éloigne au début des années 1980 (et sa brouille personnelle avec Jean-Marie Domenach, ancien directeur de la revue), le magazine l’Histoire qu’il a contribué à fonder, l’Événement du Jeudi où Jean-François Kahn l’irrite considérablement mais pas assez pour qu’il le quitte, les médias qui peu à peu consacrent ses livres, les invitations nationales et internationales à des conférences et à des colloques… « Paris-village », reconnaît-il lui-même à propos du monde qui s’agite entre Saint-Germain-des-Prés et la rue Saint-Guillaume. Il y a des piques sorties d’une plume acérée, des portraits vivement tracés, quelques révélations maintenues, des détestations et des irritations aussi (contre le Parti communiste et la Gauche socialiste, contre la générosité pétitionnaire, contre les religions), bref : tout ce qui fait l’intérêt et le charme des journaux intimes. Un passage cruel pour Simone Veil, qui se comporte sans élégance à un déjeuner où elle l’avait convié en tête-à-tête, surprend.
Jean-Louis Schlegel