
Qu'est-ce qu'un dispositif de terreur ? Entretien avec Jacob Rogozinski
Propos recueillis par Andreas Wilmes[1]
Une religion est un dispositif de croyance qui peut s’employer dans le sens de l’émancipation ou être dévoyé par des dispositifs de domination, de persécution, voire de terreur. Les analyses du djihadisme sous-estiment trop souvent sa dimension religieuse, notamment messianique et apocalyptique.
Votre dernier ouvrage, Djihadisme : le retour du sacrifice, propose une nouvelle analyse philosophique du djihadisme [2]. Derrida, -Baudrillard, Slavoj Žižek et Alain Badiou avaient déjà tenté -d’appréhender ce phénomène. Qu’est-ce qui distingue votre approche de celle de ces philosophes ?
Ce sont les récents attentats en France et en Europe qui m’ont incité à écrire ce livre. Je dois dire que je n’étais pas satisfait des analyses de ces philosophes. Il me semble que la plupart d’entre eux ont abordé le phénomène du djihadisme sans prendre suffisamment en compte sa référence religieuse, c’est-à-dire son ancrage dans l’islam. Lorsqu’Alain Badiou définit le djihadisme comme un « nihilisme fasciste », il se trompe doublement : en assimilant un phénomène nouveau à un phénomène ancien de nature différente (le fascisme) et en prétendant que l’on a affaire à des gens qui ne croient plus en rien[3]. Telle est en effet depuis Nietzsche la définition du « nihilisme ». Peut-on vraiment qualifier ainsi des hommes qui sont prêts à tuer et à mou
L'hostilité djihadiste. Introduction |