
Une mauvaise querelle à l'Université
Les oppositions très dures qui se sont exprimées récemment à propos d'une prétendue infiltration des départements de sciences sociales par un courant « islamo-gauchiste » témoignent d'évolutions au long cours, qui affectent tant les carrières des enseignants que leur choix de sujets et leur rapport à l'État. Pour retrouver les conditions d'une recherche apaisée, il faut doter l'Université des moyens nécessaires, et ne céder en rien sur la rigueur théorique qui seule garantit le pluralisme.
Les sciences humaines et sociales sont agitées depuis quelque temps par une opposition violente entre, d’un côté, une frange minoritaire qui entend s’appuyer sur la notion d’islamo-gauchisme pour engager une critique radicale des transformations récentes du domaine et, d’un autre côté, la majorité des acteurs, qui s’estiment attaqués par un phénomène de type maccarthyste. La querelle repose sur un malentendu : si l’islamo-gauchisme a un sens, il ne concerne qu’un domaine limité de l’action politique, d’ailleurs pratiquement inexistant en France. C’est en Grande-Bretagne que Chris Harman a proposé, dans son livre de 1999, The Prophet and the Proletariat, une alliance stratégique entre l’islam politique et le trotskisme, celui-ci ayant un poids politique très faible dans le pays1. Mais si l’idée selon laquelle, les vrais dominés étant les musulmans, il faut faire de ces derniers le fer de lance des luttes pour l’émancipation a certes gagné un peu de terrain, elle n’est jamais devenue hégémonique à gauche. En France, le soutien du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) à une candidate musulmane voilée, lors d’une élection à Avignon, a au